Gaston Lagaffe fait partie de ces grands classiques de la BD qui n'ont pas pris une ride et qu'on ne se lasse pas de (re)découvrir ou de faire connaître à un nouveau public. A l'occasion de la sortie en salles de Gaston Lagaffe de et avec Pierre-François Martin-Laval, retour sur une bande-dessinée culte et intemporelle.
NAISSANCE DANS SPIROU
Gaston est apparu en 1957 dans les pages du Journal de Spirou, créé par Yvan Delporte et Franquin, pour animer les pages du journal. D'abord sans nom, le personnage est rapidement surnommé le "héros sans emploi", errant dans les pages de l'hebdomadaire à la recherche de quelque chose à faire. Il fait sa première apparition pour "troller" les pages du journal en tâchant les marges ou en occupant une pleine page avec son visage pour en empêcher la lecture.
Apparu sans aucune explication pour les lecteurs, le personnage finit par croiser Spirou qui lui demande ce qu'il fait dans les pages du journal. Ce n'est que plus tard que l'on apprendra que cet antihéros s'appelle Gaston Lagaffe et qu'il est le roi de la bourde, pour la plus grande joie des lecteurs et le plus grand énervement de Fantasio. Le succès sera tel auprès du public que Gaston aura quelques années plus tard sa propre série de BD.
HEROS DE SA SERIE
D'abord héros de comic strip (histoires en trois à cinq cases environ), Gaston va ensuite avoir droit à des formats d'une page au cours desquels sa personnalité va s'affiner. Complètement réfractaire au travail et à toute forme d'autorité, il est l'électron libre de la rédaction, en charge du tri du courrier des lecteurs qui n'avance pas. C'est aussi à cette période qu'apparaît M. De Mesmaeker, homme d'affaires venu signer "un contrat" qui n'est jamais spécifié. Signature systématiquement mise à mal par la maladresse et les gaffes de Gaston.
C'est aussi le moment où des personnages secondaires apparaissent comme le brigadier-chef Longtarin qui tentera plus de fois qu'à son tour de verbaliser Gaston. On découvre aussi les amis du héros, notamment Jules-de-chez-Smith-en-face. En 1966, Dupuis sort un "premier" album (intitulé n°5 !) de Gaston Lagaffe sous le titre Gare aux gaffes.
ADIEU FANTASIO
En 1967, Franquin abandonne la collection Spirou et Fantasio, lassé de se concentrer sur ces personnages qu'il ne considère pas vraiment sien. Après Panade à Champignac, il laisse Fournier s'occuper des aventures du jeune groom. Ironie du sort, ce dernier album commence par le fait que Fantasio a besoin de vacances suite à la pagaille causée par Gaston à la rédaction du Journal de Spirou. A partir de cette date, Fantasio n'apparaît plus dans la série solo de Gaston.
Ce départ et l'arrêt de son implication sur Spirou et Fantasio vont permettre à Franquin de se consacrer à temps plein à Gaston en vue d'étoffer son univers et lui faire quitter de temps à autre le huis clos de la rédaction de Spirou.
"ROGNTUDJUU !"
Le départ de Fantasio va permettre à des personnages jusque-là secondaires de prendre de l'importance. A commencer par Prunelle, qui succède à Fantasio pour gérer Gaston lorsque De Mesmaeker est là pour signer les contrats. Son juron "Rogntudjuu" face aux gaffes de Gaston résonne encore dans les oreilles des lecteurs. Plus d'une fois poussé au bord de la crise de nerfs, le caractère de Prunelle tranche avec la sérénité le plus souvent affichée par le dessinateur du journal Lebrac, qui interragira désormais plus avec le gaffeur.
La relation amoureuse esquissée entre Gaston et "M'oizelle" Jeanne, secrétaire du journal, ne se concrétisera jamais vraiment, malgré une affection évidente entre les deux personnages. Jeanne est l'un des rares personnages féminins de la série. On découvre aussi plus en profondeur des amis de Gaston : Jules mais aussi Bertrand Labévue.
DANS L'AIR DU TEMPS
Une partie de la jeunesse des années 70 est porteuse de l'idéologie contestataire de mai 68 et va se reconnaître dans ce personnage d'inadapté au travail aspirant à une vie de repos et d'appréciation des choses simples. Gaston s'opposera également à des chasseurs ou à des militaires ce qui, allié à sa tenue pour le moins décontractée, lui donnera un petit côté "hippie". Il aura même un groupe de musique, les "Moon Module Mecs" au look très "60s".
Son amour de la nature et de la protection animalière (il recueille un chat et une mouette rieuse frigorifiée) sont d'une modernité totale. Gaston sera même mis à profit par des associations comme Greenpeace ou Amnesty International pour porter des messages politiques. Par ailleurs, Gaston n'est pas montré comme un incapable, car la plupart de ses bricolages et inventions marchent et sont en avance sur leur temps. Mais bon, pas toutes :
GADGETS A GOGO
Le portrait de Gaston ne serait pas complet sans mentionner sa capacité à inventer des choses : instruments de musique, objets du quotidien et produits de la "chimie amusante"... Certaines se voient même dôtées d'un nom : la Gastomobile (chaise avec un pédalier et un levier pour se déplacer assis), le Gaffophone (électrique ou non, sorte de croisement entre une harpe et un didgeridoo) ou le Mastigaston (deux ventouses fixées sur les joues empêchant de se mordre les joues).
Gaston montrera aussi son inventivité en créant une série de déguisements improbables (machines à sous, pieuvre, champignon géant) souvent accompagnés du constat accablant de la non praticité de ces costumes par un "mais si on danse ?" passé à la postérité.
Aujourd'hui, cette bande-dessinée culte fait l'objet d'une adaptation live et relativement fidèle à l'esprit de Franquin sort en salles, rappelant qu'un projet quasi-pirate et assez gênant était déjà arrivé sur les écrans en 1981 avec entre autres Daniel Prévost.
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De la bulle à l'écran...