AlloCiné : C’est à vous que l’on doit la magnifique affiche dessinée de La Forme de l'eau, comment cela s’est-il passé ? Vous a-t-on contacté ?
James Jean : Oui, pour The Shape of Water, Guillermo [del Toro] m’a contacté, on avait travaillé ensemble, j’avais réalisé un logo pour sa société de production, Mirada, il y a quelques années. Il m’a appelé pour me dire qu’il travaillait sur un film très personnel, qu’il s’agissait d’un conte et qu’il voulait que je réalise la couverture du livre.
Avez-vous vu le film avant de réaliser l’affiche ?
Oui, j’ai lu le script, je devais faire la couverture du roman et on m’a invité à une projection du film à Los Angeles, c’est là qu’on m’a proposé de faire l’affiche du film. J’ai eu accès également à plein de photos de tournage, du making-of. J’ai essayé de retranscrire dans l’affiche à la fois la beauté, la tristesse, le lyrisme du film.
Vous avez travaillé sur trois films cette année, The Shape of Water, Mother! et Blade Runner 2049, alors que vous n’aviez pour ainsi dire jamais réalisé d’affiches de film. Est-ce qu’on vous appelle beaucoup depuis cela ?
(Rires) A vrai dire, pas vraiment. Je pense que l’on parlera probablement beaucoup des films au moment des Oscars, peut-être qu’à ce moment-là j’aurai quelques demandes, mais cela m’arrange vraiment qu’on ne me propose pas ce genre de projet en ce moment car je suis vraiment très pris par d’autres projets. Mais pourquoi ne pas continuer, si les bons projets s’offrent à moi. J’avais reçu des propositions pour travailler sur La La Land, mais finalement cela ne s’est pas fait.
Les affiches dessinées sont assez rares. A quoi cela tient ?
Sincèrement, pour moi, cela a tenu aux réalisateurs, qui ont fait pression pour que mes dessins soient utilisés. Dans le cas de Guillermo et de Darren, en tout cas, c’est vraiment venu d’eux et de leur volonté de voir mes dessins sur l’affiche de leurs films. Pour Blade Runner, c’est un peu différent, c’était une impulsion du département marketing, mais c’est très rare. Et je pense que c’est pour cela qu’on ne voit pas davantage d’affiches dessinées, parce qu’en général, les affiches de films sont imaginées par les équipes marketing qui vendent les films et qui préfèrent s’orienter vers des affiches plus traditionnelles.
Les trois films que l’on a cités sont des films de genre. Pensez-vous que le genre se prête plus facilement à l’art de l’affiche dessinée ?
C’est amusant, je n’y avais pas pensé de cette manière, mais je crois que oui. Pour une affiche de film de genre, on se soucie moins du casting que de l’atmosphère, on est davantage dans une démarche narrative, allégorique, donc je pense qu’effectivement le cinéma de genre s’y prête davantage !
Chez quels artistes allez-vous puiser votre inspiration ?
C’est une question difficile ! Il y en a beaucoup et ce sont des influences diverses. J’ai une passion pour le dessin obsessif et narratif. Parmi les artistes qui m’inspirent vraiment, il y a Moebius, qui est l’un des plus grands. Les estampes japonaises : Hokusai, Yoshitoshi. Takashi Murakami, qui expose en ce moment à la Kaikai Kiki Gallery au Japon, est comme un mentor pour moi. L’art allemand également, Gerhard Richter par exemple. Et il y a la BD bien sûr, Chris Ware ou Henry Darger.
La bande-annonce de La Forme de l'eau, sur les écrans mercredi :