Avec son franc-parler naturel et son rire tonitruant à faire trembler les murs, l'actrice Michelle Rodriguez a fait part de son envie de faire autre chose de sa carrière. Au moment où elle reçoit un hommage au festival de Deauville et qu'elle vient de tourner sous la direction de Steve McQueen (Shame), Rodriguez vient défendre ses nouvelles ambitions.
Lorsque vous pensez à votre carrière, qu'en pensez-vous ?
La première chose que je me dis, c'est qu'elle est absurde. Bien sûr qu'il y a encore de la place pour les films d'action en rôle principal, mais je ne pourrais plus faire ça lorsque je vais devenir une vieille dame. Et j'ai réalisé qu'il n'y avait pas de place [dans ma carrière] pour que je puisse grandir en tant que personne. Il n'y avait pas de défi. C'est ce qui m'a amené à décider d'explorer ma féminité.
Quel est le film qui a tout changé pour vous ?
Girlfight. C'est le film qui m'a lancée, et c'est la dernière fois que j'ai eu un défi à relever dans cette industrie, et c'est triste. Cela veut dire que pendant tout ce temps j'ai fait des films commerciaux, et je ne me suis pas demandée ce que cela me ferait d'être une vraie actrice. (...) Et notamment en allant dans des directions qui m'effraient pour comprendre pourquoi elles m'effraient. Si je ne le fais pas, je le regretterai.
Avez-vous déjà eu un casting aussi difficile que celui de "Girlfight" ? [Pour lequel Michelle Rodriguez a été choisie parmi 350 autres jeunes femmes, NdlR]
Je n'ai pas fait tant de castings que cela. J'en ai fait quelques-uns pour des films d'action, mais ça n'a pas marché. Parce que je ne me donnais pas à fond. Je ne connais pas trop les castings, soit un réalisateur voulait travailler avec moi, soit il ne le voulait pas. Car il savait quoi attendre de moi et m'appelait pour ces films commerciaux. Or, je ne veux plus qu'on sache à l'avance ce que j'ai à proposer. Je veux explorer de nouvelles choses en tant qu'artiste, et il est temps que je fasse de nouvelles choses, ce que Steve McQueen me permet avec Widows.
Mais alors, pourquoi avoir choisi cette carrière dans le cinéma commercial ?
Je vais vous dire pourquoi. (...) Je me disais à propos du cinéma d'auteur "A quoi bon faire des films pour prêcher des convertis ?" Leur public est spécifique, plus sophistiqué, plus éduqué, et je pensais "en quoi cela sert-il le public hispanique, les non représentés à Hollywood ?" Et plus jeune, il me semblait inconcevable de faire des films d'auteur puisque je n'en regardais pas moi-même. En grandissant et en devenant plus sophistiquée dans mes goûts, je suis devenue plus curieuse. Puis j'ai regardé les films de ma carrière et j'ai pensé "je ne fais plus les films que je regarde !" Et pour m'en tirer, je dois me tourner vers James Cameron et Christopher Nolan, dont les films ont une sophistication et ont accès au marché mondial. Et [pour être retenue], je dois faire des films d'auteur.
Quel film a été le déclencheur de votre envie de passer à autre chose ?
Lorsque j'ai joué un homme [dans Revenger, NdlR]. C'était mon ras-le-bol, mon cri d'une envie de changement. Et c'est sur ce film que je ne me suis jamais autant sentie femme. Walter Hill ne veut pas explorer les tourments personnels d'un personnage, il veut raconter une histoire à la façon d'une série B et je n'ai aucun problème avec ça. Mais pour moi, l'idée de jouer un homme était suffisante pour dire "oui" ! Rien que l'idée de sentir les couil***, les poils et ce condensé de testostérone me tentait vachement ! Puis j'ai réalisé que je ne savais pas du tout ce que c'était que d'être un homme, quelle idiote ! J'étais perdue. Et c'est là que tout a changé.
Pour avoir des films qui vous plaisent, ne pourriez-vous pas devenir productrice ou réalisatrice ?
C'est vers cela que je tends. Cela m'a pris 17 ans pour me mettre à écrire ! Je suis entrée dans ce métier pour écrire (...). Mais je veux que cela soit bon. Il n'y a pas beaucoup de femmes [qui écrivent] dans cette industrie, et je ne veux pas être nulle ! J'ai une responsabilité. Je pense qu'à terme, je serais derrière la caméra, à pousser les projets. Cela fait deux ans que je prépare quelque chose, une idée autour de la CIA que nous allons proposer aux chaînes dans lequel je jouerais et que je produirais. Et peut-être qu'un jour, je ne ferais plus que produire.
En attendant la bande-annonce de "Widows", découvrez celle de "Revenger" :