AlloCiné : Qu'est-ce que ce conte, Dans la forêt enchantée de Oukybouky, représente en Norvège et pour les Norvégiens, notamment les enfants ?
Rasmus A. Sivertsen : L'histoire des animaux vivant dans la forêt de Oukybouky fait partie de l'héritage culturel norvégien. Le livre, la pièce et la pièce-radio se transmettent de génération en génération, depuis soixante ans. Il semble que la morale et les thèmes au coeur de cette histoire représentent quelque chose que les parents veulent transmettre à leurs enfants.
Les livres de Thorbjørn Egner, et notamment celui-ci, étant très célèbres en Norvège, vous devez inévitablement rester très fidèle au récit. Dès lors, c'est par le biais de l'animation que vous pouvez apporter votre touche à cette histoire. Quelle a été votre approche sur ce point ?
Nous avons effectivement fait en sorte de rester très fidèles à l'histoire originale, tout en faisant en sorte qu'elle s'adapte à un format filmique. Certaines scènes ont donc été modifiées, d'autres ont été enlevées, et nous avons élaboré le troisième acte du film avec une approche plus cinématographique et physique. L'animation nous a permis de donner une tonalité la plus joyeuse possible et de proposer des caractères aussi solides que possible.
A l'heure du tout-CGI au sein du monde de l'animation, vous contionuez à travailler en stop-motion. Pourquoi ce choix artistique ? Qu'est-ce que cela apporte de votre point de vue ?
Au fil des années, j'ai pu toucher à toutes les techniques d'animation, et j'essaie toujours de choisir la technique qui correspond le plus à l'histoire. L'animation de figurines me semble être la meilleure approche pour mettre en scène des mondes miniatures et des histoires intimes. La technique elle-même, par son côté manuel, amène beaucoup de charme et d'excentricité qu'il est difficile d'obtenir avec les images de synthèse. J'ai aussi pris conscience que les spectateurs devient tellement habitué au design CGI qu'ils apprécient quand quelque chose est différent.
Vous êtes un spécialiste de la stop-motion, mais malgré cela chque projet amène inévitablement de nouveaux défis. Quels étaient les principales difficultés sur ce projet ?
Le défi majeur, c'était le nombre de personnages. Quand tous les personnages sont à l'écran en même temps, comme lors de la réunion ou lors du banquet final, cela prend une éternité à animer. Il a fallu une semaine pour animer trois secondes de film !
Parlons de ces personnages justement : quels ont été les plus délicats à animer ? Qui sont vos préférés ?
C'était très difficile d'animer les gros ours. Ce sont des figurines massives et très lourdes ! Et ils répondent à une animation plus lente et réaliste, ce qui est toujours compliqué à obtenir. Sinon, je suis vraiment ravi du travail réalisé sur le renard. Il est aussi expressif que je l'espérais. Il a également l'arc narratif le plus intéressant au sein du film.
Il y a un très beau travail de lumière dans le film. Par exemple dans la scène où le renard découvre la grange pleine de viande et de jambons. Quels types de difficultés cela représente t-il ?
Nous avons essayé de faire appel au maximum à des sources naturelles de lumière. Au sein de la maison Mortons, l'essentiel de la lumière vient de la fenêtre, par exemple. Cela apporte au film une ambiance douce et organique. Il y a par ailleurs certaines séquences que je voulais plus exagérées, comme la séquence onirique avec le renard dans la grange ou les numéros musicaux. Comme le film est porté par une lumière douce et naturelle, ces scènes ressortent plus et marquent plus les spectateurs. La difficulté avec les lumières exagérées, c'est qu'il est difficile de tricher, comme le tournage se fait pour de vrai. Il faut donc trouver la manière de le faire sur le plateau, pas via l'ordinateur.
Combien de plans, de figurines, de décors, d'animateurs ? Quels chiffres illustrent le travail de titan abattu sur un projet comme "Dans la forêt enchantée de Oukybouky" ? Et quels ont été les premioer et dernier plan mis en boîte ?
Le film a nécessité 100 000 images, 1100 plans et 55 figurines. Nous avons travaillé un an et demi en amont pour construire et préparer le tournage, et une nouvelle année pour tourner le film. Il y a ensuite eu six mois de post-production. Les animateurs obtenaient en moyenne trois secondes d'animation par jour. Au maximum, ous avons eu huit animateurs travaillant en parallèle, et une équipe technique de vingt-cinq personnes. Nous avons débuté le tournage avec la scène du lièvre cuisinant les cookies dans la boulangerie, et nous avons terminé le tournage avec un plan de la grand-mère en vol.
Les films d'animation sont de plus en plus rythmés, bourrés de gags et parfois même assez cyniques. C'est donc agréable de voir un film très "premier degré", qui prend son temps pour raconter une histoire et qui emmène les enfants en balade au sein de cette forêt. C'est une approche importante à avoir en tant que réalisateur ?
L'histoire en elle-même est très forte. Le film parle de la façon dont nous pouvons vibre ensemble et coopérer, même si nous sommes différents et que nous avons des besoins et des souhaits différents. Par respect pour l'oeuvre d'origine, je ne voulais pas un film qui tenterait d'être désespérément rapide et cool.
Quels est votre prochain projet au sein de Qvisten Animation Studios ?
Nous travaillons sur le dernier film des aventures de "Louis & Luca". Il s'agit d'une histoire de voyage dans l'espace, encore une fois en stop-motion. Le film sortira en Norvège à l'automne prochain.
La Forêt enchantée de Oukybouky, en salles le 4 octobre