Le 12 novembre 2014, le New York Times lâchait une information en forme de bombe nucléaire : le géant Hasbro, célèbre fabriquant de jouets américain, souhaitait faire main basse sur les studios d'animation DreamWorks, qui n'étaient alors pas au mieux de leur forme, entre échecs au Box Office, licenciements massifs et fermeture de studios historiques.
Depuis, ce rachat par Hasbro a été démenti. Il n'empêche : cela reste tout à fait symbolique de l'appétence bien réelle des acteurs du monde du jouet pour Hollywood. Hasbro, ce n'est pas n'importe quelle société. Avec un chiffre d'affaire de plus de 4,2 milliards de $, ce mastodonte est notamment connu pour ses jouets de marques Playskool, Mon Petit Poney, G.I Joe, les robots Transformers, ainsi que pour ses célèbres jeux de société (Monopoly, Scrabble, Cluedo, Touché - Coulé…).
En 2009 la division Hasbro Studios est créée. Son but ? Capitaliser sur les licences maisons à la TV, dans les séries et films animés sortant directement en vidéo. La firme met aussi sur pied Hasbro Films, qui négocie directement avec les Majors pour les adaptations de leurs franchises sur grand écran dans des films Live, qu'elle coproduit désormais, via la filiale Allspark Pictures. Avant le 5e volet de l'increvable saga Transformers, en salle depuis ce mercredi, le dernier exemple en date était l'adaptation de Jem et les hologrammes. Mauvaise pioche : ce fut un désastre au Box Office mondial, en ramassant à peine plus de 2,3 millions de dollars. Certes, le film en a à peine coûté 5, mais tout de même.
Si les films Live coproduits par la société n'ont donc, dans leur ensemble, pas tout à fait brillé au firmament du Box Office (cf : diaporama), exception faite de Ouija, hyper rentable grâce notamment au modèle économique imposé par le producteur Jason Blum, la franchise Transformers se pose pour le coup comme un parfait exemple opposé à ces contre-performances. Le dernier opus en date sorti en 2014, Transformers : l'âge de l'extinction, a rapporté 1,10 milliards de $. Le précédent, Transformers : la face cachée de la Lune, a engrangé 1,12 milliards de $ de recettes. C'est dire si Hasbro est aux petits soins avec sa licence - poule aux oeufs d'or, qui lui a rapporté jusque-là pas moins de 3,7 milliards de $.
Au-delà de "Transformers" : le Hasbro Cinematic Universe
Mais désormais, il faut ouvrir encore plus le champ des possibles. Les regards se tournent alors vers la martingale de l'empire Disney, qui a mis en place depuis plusieurs années maintenant le fameux Marvel Cinematic Universe, où les histoires et les personnages issus de l'écurie Marvel se croisent dans les films. La bataille des univers partagés fait déjà rage dans le monde des super-héros, et tout le monde veut sa part du gâteau, comme Warner avec DC Comics. Il faudra prochainement ajouter Hasbro, avec ses propres franchises.
C'est le sens du partenariat officialisé en décembre 2015 entre Paramount Pictures et la marque de jouets : bâtir un Cinematic Universe construit autour de cinq franchises clés de Hasbro, que sont GI Joe; les jouets SF Micronauts; ROM - le chevalier de l'espace; les figurines de la licence Visionaries (sorties en France sous le nom de "Chevaliers de la Lueur Magique"); et les figurines cultes de la licence M.A.S.K., dont les plus anciens d'entre vous se souviennent sans doute avec émotion.
Comment mettre sur pied ce Cinematic Universe, le rendre cohérent et mettre du liant entre les différentes franchises ? C'est justement toute la tâche -olympienne parce qu'elle s'annonce quand même compliquée- d'un Think Tank qui s'est mis en place, sous la houlette du scénariste oscarisé Akiva Goldsman, recruté pour l'occasion. Sous sa tutelle, tout un bataillon de scénaristes et d'auteurs planche activement sur le sujet.
Parmi eux figurent Brian K. Vaughan, un brillant scénariste de Comic Book, notamment connu pour son travail sur la série de comics Y, le dernier homme. Il y a également Michael Chabon, lauréat du prestigieux Prix Pulitzer en 2000 pour son roman Les Extraordinaires aventures de Kavalier et Clay, Chabon étant aussi le scénariste de Spider-Man 2 et John Carter. Joe Robert Cole (chargé de travailler sur Black Panther pour Marvel Studios) est également de la partie, de même que Nicole Perlman (co-scénariste des Gardiens de la Galaxie et de Captain Marvel), Geneva Robertson (co-scénariste du reboot de Tomb Raider), Cheo Coker (showrunner de Luke Cage, la série Marvel / Netflix) ou encore John Francis Daley et Jonathan Goldstein (scénaristes de Spider-Man: Homecoming).
"Hasbro et Allspark Pictures mettent le Storytelling au centre de tout ce que nous faisons" expliquait Brian Goldner, président / CEO de Hasbro, en 2015. "Ces marques sont pleines d'histoires mémorables et de personnages vivants, et cet univers doit pouvoir créer une structure, un cadre qui leur permettra d'être interconnectées".
Galop(s) d'essai(s)
L'un des premiers tests devrait être la sortie prochaine du reboot de GI Joe, codéveloppé avec Paramount. Une version qui sera reliftée afin que l'univers puisse davantage séduire un plus jeune public; celui né au début des années 2000 : "le monde a changé, et je pense que vous allez voir GI Joe changer avec lui" lâchait Simon Waters, responsable du Département Consumer Products au sein de Hasbro Studios. Et d'ajouter : "il y aura une approche beaucoup plus contemporaine sur toute la franchise, ce qui nous permettra de créer de nouveaux personnages".
Dans un avenir plus immédiat, Hasbro a en ligne de mire la sortie de son film d'animation My Little Pony, en octobre prochain, dont la bande-annonce vient d'ailleurs tout juste d'être dévoilée. Distribué en salle par Lionsgate, le film a été intégralement réalisé en interne et financé par la filiale Allspark Pictures, et devra capitaliser sur la popularité de la série animée diffusée sur Discovery Family. Que ce soit pour les futures productions du Hasbro Cinematic Universe ou les (més)aventures de Mon petit poney sur grand écran, c'est, en creux, un changement de stratégie majeur qui se dessine pour Hasbro : la firme ne se contente plus de vendre son catalogue aux Majors. Elle est désormais totalement partie prenante de la production et donc du financement des films, mais souhaite aussi participer activement à leurs développements, aussi bien à l'étape de l'écriture des films que dans leurs phases de marketing. Un pari malgré tout risqué et coûteux, mais qui ne semble pas effrayer ce mastodonte de l'industrie du jouet qui lorgne plus que jamais Hollywood.
A l'occasion de la sortie en salles de Transformers: The Last Knight et en guise de complément de ce papier, nous avons rencontré Mikael Berthou et Hélène Kurz, respectivement Directeur général et Directrice marketing d'Hasbro France.
AlloCiné : Que représente pour Hasbro la sortie en salles d'un film Transformers ?
Hélène Kurz : C'est un moment charnière. Sur la propriété Transformers, on a la série télé qui fait partie de notre univers, qui est pratiquement de janvier à décembre à l'antenne. Le film cinéma, lui, nous permet vraiment d'avoir un temps fort extraordinaire. Surtout qu'on a Paramount qui communique avec nous, donc on rentre dans une nouvelle ère à chaque fois qu'il y a un film, on a une prise de parole d'autant plus forte quand il y a un événement cinématographique avec nous.
Est-ce que la sortie d'un film entraîne une hausse significative de la vente des jouets Transformers ?
Helène Kurz : Pour vous donner un ordre d'idée, Transformers était encore il y a quelque semaines la cinquième propriété du marché des figurines d'action. Mais avec le buzz du film, on est passés numéro un.
Mikael Berthou : Oui, deux semaines avant la sortie du film, on était déjà numéro un et on s'attend bien évidemment, avec la sortie, à un boost sur les ventes. Il y a vraiment un boost immédiat, une réponse immédiate dès qu'il y a un film sur les jouets. Le cinéma a un impact très fort sur le jouet. Il y a deux ans, on a eu un film, on a celui de cette semaine, on en a un autre en 2018, puis en 2019, puis en 2020. Chaque année, dans les trois prochaines années, on aura un film Transformers. Dans la stratégie d'Hasbro, le cinéma et les séries télé sont clés pour le développement de nos franchises.
Hélène Kurz : J'irai même au-delà. Dans l'écosystème, on maîtrise les séries télé, le film et la vente des jouets, mais là où on doit aller encore plus haut et plus vite, c'est tous les produits licences. Ces films qui sortent chaque année nous permettent maintenant de positionner Transformers dans un univers plus large que le jouet, en allant sur des catégories come le publishing, le textile... On ne voit plus uniquement Transformers comme une marque de jouets : c'est avant tout une marque d'entertainment, une marque à part entière.
Comment se vendent globalement les jouets Transformers ? Et y-a-t-il des robots qui se vendent plus que d'autres ?
Mikael Berthou : Transformers est une franchise de plus en plus importante pour nous, qui représente à peu près 7% du chiffre au global. Concernant la vente des robots, Optimus Prime et Bumblebee sont les vrais héros de Transformers et les plus vendus aujourd'hui.
Vous avez, à titre personnel, un Transformers préféré ?
Mikael Berthou : Moi, c'est la Vespa Squeeks, un nouveau personnage au grand coeur, très joueur, que vous pouvez voir dans Transformers: The Last Knight. C'est une Vespa un peu déjantée, et puis j'ai une belle histoire avec les Vespa car je vie en Italie depuis 17 ans et on m'en a volé deux ! (rires)
Hélène Kurz : Moi, je vais pas être très originale, c'est Bumblebee. Déjà car c'est le chien fou dans les Transformers. En mode bolide, c'est la Camaro, que tout le monde connaît. Et puis, si je reprend ma casquette de "marketeur", c'est celui qui parle le plus aux enfants car c'est le plus humain de tous les robots. Il est le plus compact, le plus petit, il impressionne moins et c'est celui auquel les enfants s'attachent le plus rapidement.
Vous êtes évidemment à fond dans le business, mais j'imagine que pour être aux commandes d'Hasbro, il faut avoir gardé son âme d'enfant...
Mikael Berthou : Il faut garder cet esprit de l'enfance. On est des privilégiés aujourd'hui. On est sur de l'entertainement avec des franchises soutenues par des séries télé, des films, on a tellement de nouveautés, c'est du bonheur tous les jours ! Là, en discutant avec vous au téléphone, on est face à une étagère dans mon bureau avec tous les produits qui sont exposés, Star Wars, Nerf, My Little Pony, Play-Doh... C'est que du bonheur. Le jouet, c'est un levier. On ne vend pas des jouets, on vend de l'émotion, du rêve, du sourire aux enfants. C'est sur ça qu'on se base tout le temps. Le jouet est un moyen de communiquer comme un film, une série télé. C'est une expérience qu'on essaie de transmettre aux enfants et c'est ça qui est magnifique.
La bande-annonce de Transformers: The Last Knight" :
G.I. Joe : le réveil du Cobra (2009)
Budget : 175 millions de $ Recettes BO mondial : 302 millions $
G.I. Joe Conspiration (2013)
Budget : 130 millions $ Recettes BO mondial : 375 millions $
Battleship (2012)
Budget : 209 millions $ Recettes BO mondial : 303 millions $
Ouija (2015)
Budget : 5 millions $ Recettes BO mondial : 103,5 millions $
Ouija : les origines (2016)
Budget : 9 millions $ Recettes : 81,7 millions de $
Jem et les hologrammes (2016)
Budget : 5 millions $ Recettes BO mondial : 2,33 millions $
Transformers (2007)
Budget : 150 millions $ Recettes : 709 millions $
Transformers 2 : la revanche (2009)
Budget : 200 millions $ Recettes BO mondial : 836 millions $
Transformers 3 : la face cachée de la Lune (2011)
Budget : 195 millions $ Recettes BO mondial : 1,12 milliards de $
Transformers : l'âge de l'extinction (2014)
Budget : 210 millions de $ Recettes BO mondial : 1,10 milliards de $.