Alien : l’humanoïde exécutant
Déjà, dans Alien, Ridley Scott faisait un véritable enjeu du personnage de l’androïde. Ash (Ian Holm) était introduit comme tous les autres protagonistes : il sortait de son état de cryogénisation tout comme eux et il fallait attendre qu’il soit décapité par un extincteur pour se rendre compte en même temps que les survivants du Nostromo qu’il s’agissait d’un robot. La surprise était immense. C’était un vrai rebondissement, qui modifiait complètement l’image que l’on en avait jusqu’alors : celle d’un scientifique froid et distant à l’intérêt malsain pour la créature extraterrestre qui s’était invitée à bord du vaisseau.
Non, en fait, Ash était programmé pour obéir aux ordres de manière stricte et sans nuance. Il était le garant d’une mission plus grande et prioritaire : ramener l’alien sur Terre. Déjà, toutefois, on sentait poindre une obsession dépassant le simple programme et que l’on retrouvera chez David dans Covenant : celle du "perfect organism", de l’organisme parfait. Une préfiguration et une réminiscence, à la fois, puisqu’on sait que les événements racontés dans Alien, le huitième passager interviennent 18 ans après l’intrigue de Covenant et 29 ans après celle de Prometheus.
Prometheus : l’humanoïde fasciné par sa propre immortalité
L’androïde de Prometheus, David (Michael Fassbender), se distinguait quant à lui par sa capacité à ressentir des émotions humaines. Positives ou négatives, et mues par quelque chose de plus fort : la curiosité, pour le caractère mortel de tous les êtres qui l’entourent et pour sa propre immortalité. Plus que son rapport ambigu avec Elizabeth Shaw, ce qui frappe dans le comportement de David -et qui le rend plus humain que d’autres membres de l’équipage à bien des égards- c'est sa fascination pour la possibilité d’une autre civilisation immortelle (quelle n’est pas sa déception lorsqu’il comprend que les Ingénieurs sont des êtes vulnérables). Et puis, on se doutait qu'il allait commencer à prendre conscience qu’il pouvait, lui aussi, conduire ses propres expériences.
Covenant : le démiurge face à son double
La réflexion de Ridley Scott sur sa propre créature -l’univers d’Alien dans son ensemble- se manifeste étrangement le plus clairement dans le personnage de l’androïde et trouve son point culminant dans Covenant. L'humanoïde ne déambule plus parmi les humains, ce sont les humains qui s'affairent autour. Le héros est désormais l’androïde et le ton est donné dès la première séquence, qui s’ouvre par un plan sur l’œil de David, que l’on retrouve alors dans un flashback, qui converse avec son créateur Peter Weyland (Guy Pearce). On revient au jour de la naissance de David : au milieu des œuvres d’art, créature et créateur parlent de création.
Ce qu'établit immédiatement la première scène de Covenant, c'est le fossé qui sépare Weyland et David : l'un va mourir, l'autre non. Mortel, ce que l'homme (Weyland, Shaw) veut faire du temps qu'il lui reste, c'est comprendre. A la fin de Prometheus, le personnage d’Elizabeth Shaw décide d’aller chercher plus loin : si les ingénieurs nous ont créés, d’où viennent-ils et pourquoi veulent-ils nous détruire ? Au début de Covenant, David demande à son "père", Peter Weyland : "Si c’est vous qui m’avez créé, qui vous a créé ?" Etonnamment, Covenant s'éloigne des considérations métaphysiques pour se recentrer sur l'art.
Weyland a créé David à son image et la question de la création est le cœur d’Alien Covenant. Pour mettre en scène le rapport du robot à son propre statut de créature et introduire un rapport de force, Scott choisit de lui offrir son double. D’un côté, David, l’androïde le plus humain créé par Weyland. De l’autre, Walter, une version plus perfectionnée de David, à cela près qu’il lui est interdit de créer. Un retour en arrière qui intervient trop tard : la folie démiurgique de David est déjà en marche. Dès lors qu'il prend la mesure de son immortalité, ce que David veut faire de son temps illimité, c'est transcender son statut de créature pour devenir lui-même le créateur. C'est à son tour de parfaire son chef d'oeuvre. Walter et David sont deux parties d'un tout et ce qui ressort de la confrontation de ces deux entités, c'est la peur qui émane, chez Ridley Scott, de l'idée de la toute-puissance créatrice. C'est l'idée qu'elle ne peut accoucher que d'un monstre.
Alien et Prometheus étaient, sous deux formes différentes, le reflet de l'obsession de Ridley Scott pour la figure de la mère. Dans Covenant, il s'interroge sur celle du père au sens du créateur. Au regard des trois films, on s'aperçoit que l'androïde occupe toujours une place décisive, tant dans la narration que dans la conception plus globale de l'univers dans son ensemble.
En 1982, trois ans après Alien, Ridley Scott s'attelait à Blade Runner, où il menait une véritable réflexion sur l'identité à partir des Replicants, réflexion également présente dans Prometheus et Covenant. Et si le véritable sujet de la saga Alien, la créature qui intéresse vraiment son créateur, Ridley Scott, celle qui devient le miroir de ses questionnements, ce n'était pas l'alien lui-même, mais bien l'androïde ? Dès lors, que nous réserve la suite du parcours de David, désormais maître du Covenant, père attentionné de ses embryons xénomorphes, et néo-Dieu créateur avec 2000 corps de colons à sa disposition ?
Au fait... en quelle année se déroule Alien : Covenant ?
Au fait... en quelle année se déroule Alien : Covenant ?