Jeudi 4 mai, rue de Valois, à deux pas de Palais Royal et de la chic rue de Vivienne, à Paris. Rendez-vous est pris à midi pour saluer les équipes de tous les films français nommés au Festival de Cannes 2017 (voir notre diaporama ci-dessus). Pas de tapis rouge, mais un salon à l'ambiance feutrée avec ses lustres imposants et ses dorures.
Depuis le balcon, une vue plongeante sur les célèbres colonnes de Buren. Dans quelques instants, tous les noms qui rythmeront la quinzaine cannoise seront là, de Thierry Frémaux, Pierre Lescure bien sûr, aux cinéastes français qu'ils soient en lice pour la compétition officielle ou les sélections parallèles, d'Arnaud Desplechin à Michel Hazanavicius, en passant par Agnès Varda.
Premier cinéaste à arriver, Laurent Cantet, accompagné de Marina Foïs. Le réalisateur, Palmé il y a 9 ans pour Entre les murs, présentera L'Atelier, en compétition à Un Certain Regard. Journalistes, attachés de presse, institutionnels arrivent en nombre. Producteurs chevronnés, comme Jean-Louis Livi ou les frères Altmayer, ou plus jeunes dans ce milieu comme Marc Simoncini, fondateur (entre autres) du site de rencontres Meetic, et aujourd'hui producteur de Frost de Sharunas Bartas, avec Vanessa Paradis. Les premiers crépitements des flashs annoncent d'autres célébrités attendues : voilà Marine Vacth et François Ozon, présents pour L'Amant double, en compétition cette année.
On croise aussi Jeanne Balibar, inteprète principal de Barbara de Mathieu Amalric, Aure Atika, Hippolyte Girardot ... Dans le brouhaha, les conversations semblent, pour beaucoup, porter sur le contexte politique. "T'as pas regardé le débat hier ?". Quand Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication, arrive, accompagnée de Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, la foule est compacte. Et son discours, le dernier devant ce parterre de cinéastes, à trois jours du Second tour de la Présidentielle, sera résolument politique, engagé et combatif.
"Nous nous retrouvons ici dans une période particulière, à l'aube du 70e anniversaire du Festival de Cannes, dans une période où c'est à chacun d'entre nous, dans nos fonctions respectives, où l'on ne peut pas penser son art en faisant abstraction de cet entre deux tours de l'élection présidentielle, et des questions qu'il nous pose à chacun d'entre nous."
Après avoir rendu hommage à Victor Lanoux, "l'incarnation du cinéma populaire", "très aimé des Français", Audrey Azoulay revient sur le contexte de la création du Festival de Cannes, qui était déjà très politique: "ce que nous nous apprêtons à vivre, le Festival de Cannes, rien de tout ça n'aurait pu exister dans un pays gouverné, ou simplement influencé par l'extrême droite."
Au tour de Thierry Frémaux d'adresser quelques mots à l'assistance pour remercier les producteurs qui lui ont proposé des films, d'avoir "accepté la règle du jeu" pour ceux dont certains des films n'ont pas été sélectionnés, de faire part de son impatience. Avant de rendre un dernier hommage à Audrey Azoulay qui quittera ses fonctions de ministre de la culture dimanche.
Il est temps de trinquer et célébrer les films sélectionnés à Cannes. De petits groupes se forment, d'autres vont discuter sur le balcon, échangent sur les films qu'ils attendent, s'impatientent d'être à Cannes. Au moment de quitter les lieux, nous croisons Michel Hazanavicius répondant à des confrères. Nous l'interceptons pour connaitre son état d'esprit à quelques jours du coup d'envoi du Festival : "Je suis très content, très heureux d'y aller. Après, flatté, et en même temps un peu d'appréhension. J'espère que ce ne sera pas trop violent."
Et de l'interroger sur une réplique amusante d'un des teasers du Redoutable : "Faut être complètement con pour aller à Cannes cette année !" : "évidemment c'est un clin d'oeil. C'est vrai qu'il se passe beaucoup de choses en ce moment en France, des choses pas toujours très marrantes. Mais c'est vrai qu'on va célébrer le cinéma donc il y a un côté évidemment dérisoire, mais c'est la beauté de ce pays, c'est la beauté du cinéma aussi : c'est dérisoire et en même temps, à mon avis, indispensable. Donc ça m'amusait de le souligner. C'est une blague, pas autre chose ! Le film se tournant en mai 68, il y a un écho à la France d'aujourd'hui".
Le 70e Festival de Cannes sera lancé mercredi 17 mai.
"Faut être complètement con pour aller à Cannes cette année !" entend-on dans la bande-annonce du Redoutable de Michel Hazanavicius :