C'est quoi, un "Midnight Movie" ?
Nous sommes au début des années 70, dans une ruelle de New York, un peu avant minuit. Les portes du cinéma s'ouvrent à la volée et laissent s'échapper sur le trottoir un flot de spectateurs - les derniers de la journée. Mais alors que l'on s'empresse d'appeler un taxi ou que l'on court pour attraper le dernier métro, une nouvelle file d'attente commence à se former devant le cinéma.
Les gens qui la composent sont venus voir le "midnight movie" du moment : un long métrage à petit budget dont un ami cinéphile leur a probablement parlé comme étant le sommet de l'avant-garde, un concentré de provocation et d'anticonformisme qu'aucun exploitant n'aurait jamais osé diffuser en journée.
A cette époque, les séances de minuit sont donc, en même temps que de véritables rendez-vous pour cinéphiles, la seule solution pour ces films de série B d'exister malgré leur caractère souvent irrévérencieux, allant pour certains jusqu'à se tailler un nom dans l'histoire du cinéma...
"El Topo" (1970)
Réalisé par Alejandro Jodorowsky Projeté pour la première fois à New York en 1970, ce western underground est considéré comme le tout premier "midnight movie". Retraçant la quête initiatique d'un cow-boy cherchant à défier les Quatre Maîtres du Désert pour l'amour d'une femme, le film est tourné au Mexique de manière illégale, et réunit un casting de non-professionnels, souvent handicapés. C'est grâce à sa diffusion à minuit au cinéma The Elgin qu'il crée l'évènement à l'époque, et se taille peu à peu la réputation de film culte auprès des cinéphiles avant-gardistes (dont un certain John Lennon) qui se pressent le soir devant les cinémas.
"Freaks" (1932)
Réalisé par Tod Browning Condamnée à un échec cuisant lors de sa première sortie en salles dans les années 30 par un public scandalisé et par une critique outrée, cette dérangeante plongée dans le quotidien des "monstres de foire" se voit offrir une nouvelle chance au début des années 70, lorsque commence à éclore le mouvement des "midnight movies". Aujourd'hui considéré comme un classique du cinéma, Freaks est donc réhabilité par les cinéphiles de minuit, que les étranges personnages de Tod Browning ne risquent en aucun cas d'effaroucher.
"La Nuit des morts-vivants" (1970)
Réalisé par George A. Romero Trois ans après sa sortie en salles officielle, le film culte de Romero revient hanter les salles obscures à partir de minuit au début des années 70. En effet, son petit budget, ses images ultra-gores et son sous-texte politique qui le transforme en véritable métaphore de la Guerre du Viet Nam font de La Nuit des morts-vivants un "midnight movie" parfait !
"The Rocky Horror Picture Show" (1975)
Réalisé par Jim Sharman Probablement LE meilleur exemple de "midnight movie" possible ! Après sa réception frileuse dans le circuit normal, The Rocky Horror Picture Show s'empresse d'aller se trouver un second souffle en programmation de minuit. Il s'acquiert très vite un vrai noyau de fans auprès des spectateurs nocturnes et un statut de film culte qu'il conserve encore aujourd'hui. Véritable hommage aux films de série B, cette comédie musicale trash et irrévérencieuse compte parmi les films qui ont la meilleure longévité en salles.
"Easy Rider" (1969)
Réalisé par Dennis Hopper Véritable porte-étendard du Nouvel Hollywood et du mouvement hippie aux Etats-Unis, Easy Rider retrace le voyage initiatique de deux motards à travers l'Amérique. Ses séquences osées et psychédéliques font de lui un "midnight movie" parfait, mais cette fois, le public est au rendez-vous même dans le circuit classique, et Easy Rider peut également rouler au grand jour sur la route du succès.
"Pink Floyd The Wall" (1982)
Réalisé par Alan Parker Véritable concert de Pink Floyd sur grand écran, ce long métrage réalisé par le papa de Midnight Express et écrit par Roger Waters lui-même offre un spectacle musical psychédélique, désenchanté et engagé. Mêlant des images live et des séquences animées novatrices, il est rythmé par les chansons du groupe qui lui collent littéralement à la pellicule.
"Evil Dead" (1981)
Réalisé par Sam Raimi Considéré par Stephen King comme "le film d'horreur le plus férocement original de l'année" à sa sortie en 1981, Evil Dead repousse les limites du gore et s'affranchit de son statut de production à petit budget pour devenir un film culte, et même une franchise, récemment adaptée en série.
"Pink Flamingos" (1972)
Réalisé par John Waters "Elle vit dans une roulotte aux Etats-Unis. Objet de nombreuses convoitises, elle use de tous les moyens pour défendre sa gloire. Elle revendique en effet le titre de l'être le plus immonde de la Terre..." Le synopsis de Pink Flamingos, accompagné de son affiche sur laquelle se pavane le chanteur drag queen Divine, ne laisse pas de place au doute : le long métrage de John Waters est une œuvre provocante et volontairement choquante, dont les images et les thèmes sont à la limite du soutenable. De quoi s'offrir une jolie programmation nocturne dans les salles de cinéma.
"Eraserhead" (1977)
Réalisé par David Lynch Intitulé Labyrinth Man en français, le premier long métrage de David Lynch a tout ce qu'il faut pour figurer en séance de minuit d'un cinéma. Ambiance oppressante, images traumatisantes, et plongée expérimentale dans un univers visuellement terrifiant... Il est pourtant considéré comme l'un des derniers films du phénomène des "midnight movies" dans les années 70, noyé par l'arrivée sur le marché de la VHS.
"The Room" (2003)
Réalisé par Tommy Wiseau Régulièrement diffusé en séance de minuit, ce film est connu de bien des cinéphiles, non pas pour ses qualités de mise en scène ou pour son originalité, mais bien pour sa médiocrité. En effet, qualifié de "Citizen Kane des mauvais films" par Entertainment Weekly, The Room est considéré par beaucoup comme l'un des pires longs métrages jamais réalisés, tout simplement... Jeu d'acteur ridicule, incohérence de scénario, pauvreté des dialogues, tout est bon à prendre dans ce véritable phénomène du nanar... ce qui logiquement, en fait un film culte.
