Voilà, c'est fini, comme le dit la chanson. Après six années de bons et loyaux services, Downton Abbey a fermé ses portes pendant que les fans faisaient leurs adieux, non sans émotion, à la famille Crawley, à Carson, Daisy ou Anna Bates. Autant de personnages dont les interprètes s'étaient exprimés à notre micro, en août dernier, quelques jours seulement après la fin du tournage de l'ultime épisode, disponible depuis ce mardi 2 février en DVD et Blu-Ray, avec la sixième et dernière saison.
Downton, c'est fini
Lesley Nicol (Mrs Patmore) : On ne réalise pas trop pour le moment puisque, chaque année, nous finissions de tourner, puis nous faisions des journées de presse avant une pause de plusieurs mois. Puis nous reprenions le chemin des plateaux. Pour le moment, ce qu'il se passe nous paraît normal. Nous avons quand même pleuré, les acteurs comme les membres de l'équipe, après avoir fini de tourner la dernière scène, car nous nous sommes rendus compte que nous ne reviendrions plus dans ce décor.
Hugh Bonneville (Robert Crawley) : A l'origine, la série devait se terminer après la saison 5, mais Julian [Fellowes] et les scénaristes ont jugé que la fin serait tronquée, qu'il manquerait quelque chose. Il a donc écrit neuf nouveaux épisodes pour conclure les histoires des personnages de façon plus satisfaisante. C'est comme si nous avions eu une part de gateau en rab', mais on ne veut pas non plus en reprendre trop.
Penelope Wilton (Isobel Crawley) : L'aventure a été extraordinaire car elle a duré plus longtemps que prévu pour se terminer après six années pendant lesquelles nous avons vu des jeunes grandir, des relations évoluer, des bébés naître, des mères mourir. Des choses qui peuvent arriver à tout le monde et que l'on s'attend à voir lorsque l'on passe six ans avec les mêmes personnages. C'était très intense de passer autant de temps à exercer un travail que vous aimez vraiment, et de raconter cette histoire.
"L'aventure a duré plus longtemps que prévu" - Penelope Wilton
Sophie McShera (Daisy Robinson) : Quand on nous a appris que les décors avaient été démontés le lendemain du dernier jour de tournage, nous sommes devenus complètement dingues (rires) On avait beau savoir que ça arriverait, ça ne nous a pas vraiment plu. Nous étions très tristes il y a deux jours [lorsque le tournage de la série s'est achevé, ndlr] et nous avons pleuré après avoir tourné notre dernier plan. Nous avons pleuré sur le parking des studios Ealing, puis dans les taxis qui nous ramenaient chez nous, car nous savions que nous ne reviendrions pas le lendemain.
Joanne Froggatt (Anna Bates) : C'est étrange et surréaliste. Je suis un peu submergée par les émotions en ce moment mais nous avons eu une fabuleuse dernière semaine [de tournage]. Entre les dernières scènes impliquant les personnages du bas [les serviteurs, ndlr] et les jours suivants, passés à parler de la fin de la série, j'ai le sentiment que nous avons vraiment tout extrait (rires)
Lesley Nicol : Il n'est pas évident de laisser partir quelque chose qui a changé votre vie. Surtout pour quelqu'un comme moi : j'ai de longues années de carrière derrière moi, et il est agréable pour une personne de mon âge d'avoir un aussi beau rôle pendant six années. Je ne suis pas sûre de pouvoir recommencer ensuite, car les femmes de mon âge ne décrochent pas de rôles importants. Je me dis que j'aurais eu le plus beau boulot de ma vie après mes 50 ans, et je bénis les gens avec lesquels j'ai fait cette série.
Hugh Bonneville : Il est aussi difficile de dire adieu à son personnage qu'à ceux des autres et à l'univers dans lequel tant de personnes ont aimé se plonger le dimanche soir [jour de diffusion des épisodes en Angleterre, ndlr]. Nous avons vraiment pris du plaisir à leur consacrer six mois de chaque année, et nous étions toujours impatients de découvrir les rebondissements au coeur de chaque scénario. Mais je sais que Robert et Cora iront bien, et qu'ils vont survivre quelque part, dans une autre vie fictive.
Je me sens libéré et nous le sommes tous car les plannings de production étaient très rudes. Nous savions, bien sûr, que cette fin allait arriver. Mais dire adieu à chacun de ces personnages durant les derniers jours était très poignant. Je pense que l'impact de cette expérience ne va pas nous quitter pendant des mois, voire des années.
Elizabeth McGovern (Cora Crawley) : Je pense que c'était le bon moment pour finir. Les personnages ont raconté leurs histoires et il n'est pas inapropprié de les envoyer se coucher. Je me sens donc bien par rapport à cette fin, même si j'aurais bien aimé jouer ce rôle aussi longtemps que possible, mais c'est le bon moment pour avancer. Je suis donc assaillie par de la tristesse mélangée à une excitation vis-à-vis du futur.
"Partir avec l'affection du public" - Jim Carter
Hugh Bonneville : Mon dernier jour de tournage n'était rien de plus qu'un long jour de tournage comme les autres (rires) J'ai terminé à peu près au même moment que Michelle [Dockery, interprète de Lady Mary, ndlr], et elle s'est fendue d'un discours éloquent sur ce que l'équipe et cette expérience avaient représenté pour elle. Et moi j'ai juste ajouté "Je pense comme elle", et n'ai donc pas eu de discours à faire. C'était très bien.
Michelle Dockery (Lady Mary Crawley) : Je suis bien évidemment triste d'avoir dû dire au revoir mais nous avons célébré toutes les dernières fois lorsque nous avons tourné cette dernière saison, et notamment la dernière fois que nous avons fermé la porte du Highclere Castle. Il y a donc eu de la joie en fêtant ces six dernières années de travail, qui nous ont offert des opportunités en-dehors. J'espère que le public sera satisfait de la fin de l'histoire de Mary. Ce qui est génial avec l'écriture de Julian, c'est que rien n'est figé. Il y a une fluidité et les portes restent ouvertes, pour vous permettre d'imaginer ce qu'il va arriver ensuite à un personnage. Rien n'est jamais vraiment terminé.
Jim Carter (Charles Carson) : Je me sépare de Carson dès que j'enlève son costume, donc je n'ai pas trop de problème avec cette fin. Aucun de nous n'avait participé à une série aussi longue auparavant, mais je pense qu'il était temps [de conclure] car nous étions à court d'histoires. Il fallait donc partir quand nous avions encore l'affection du public. J'ai quand même été ému il y a deux jours lorsque le réalisateur a dit "Coupez !" pour la dernière fois, dans la grande pièce des serviteurs, où tous étaient présents.
C'était la dernière scène du dernier épisode de la dernière saison de la série. Même les membres de l'équipe technique, qui ont été avec nous pendant six ans, ont été émus, et nous nous sommes retrouvés avec des hommes costauds en train de pleurer. C'était beau mais nous ne sommes pas censés faire les mêmes choses tout le temps. C'est le moment de bouger.
Succès fou
Sur le papier, Downton Abbey n'était pas forcément un succès garanti, avec son évocation de la société britannique du début du XXème siècle via les habitants d'une demeure. Un sujet que l'on imaginait parfait pour les anglais, et seulement eux. Mais non puisque la série de Julian Fellowes, qui s'était déjà fait remarquer grâce au scénario de Gosford Park, a vite conquis le monde entier et reçu une cinquantaine de prix en l'espace de six ans, dont le SAG Award du Meilleur Ensemble dans une Série Dramatique fin janvier. Mais pourquoi tant d'amour ?
Penelope Wilton : Je pense que le succès de Downton Abbey repose à la fois sur les acteurs, l'écriture et ses thèmes qui sont encore d'actualité. On ne peut aller nulle part sans de bons comédiens et de bons mots à dire, et Julian est heureusement un bon raconteur d'histoire. Il y a beaucoup trop de technologie aujourd'hui, et les gens se reposent trop dessus, donc il est bon de revenir à une époque beaucoup plus simple, où il est moins question de sexe, drogue et rock'n'roll.
Phyllis Logan (Elsie Hughes) : La série se déroule entre 1912 et 1926, une belle époque qui a vu l'émancipation des femmes pendant et après la Première Guerre Mondiale. Beaucoup de choses importantes se sont passées pendant ces années, qui ont vu l'ordre social commencer à changer. Ça se répercute sur les personnages et nous a permis d'avoir des histoires intéressantes à raconter.
"Une série très cinématographique" - Joanne Froggatt
Kevin Doyle (Molesley) : Le changement social est le thème majeur de la série, et Julian a toujours été clair à ce sujet : la série tourne autour d'un foyer qui doit s'adapter aux changements du monde. On le voit notamment avec le personnage de Carson, qui est contre la radio, le téléphone ou le réfrigérateur. Il est réticent face à ce monde en mutation.
Jim Carter : Un monde qui se rapproche de plus en plus du nôtre, donc la série nous montre clairement d'où vient notre histoire.
Michelle Dockery : La série a ouvert les yeux des Anglais sur leur Histoire. Et la liberté que nous avons maintenant, en tant que femmes, ne doit pas être sous-estimée. Ce que nous avons aujourd'hui est très différent de ce qui se faisait à l'époque. Et c'est pour ça que je ne voudrais pas y vivre (rires) Même si j'aime beaucoup les vêtements.
Joanne Froggatt : Downton Abbey est une série très cinématographique, comme très peu le sont, puisqu'on peut également citer Game of Thrones ou Mad Men parmi les séries qui sont non seulement très réussies mais belles à regarder. Mais le coeur, ce sont les relations entre les personnages, et cet aspect est intermporel. Que les personnages soient bons ou mauvais, nous pouvons tous nous raccorder à ce qu'ils vivent.
Raquel Cassidy (Phyllis Baxter) : Ce qui m'a rendue fan de la série, avant de rejoindre le casting, ce sont ses personnages, que vous pouvez aimer, qu'ils soient bons ou mauvais. Et vous grandissez avec eux car ils font des erreurs sous vos yeux, ils sont faillibles et alternent bons et mauvais choix. Il ne s'agit donc pas uniquement de bons personnages, mais de personnages avec lesquels vous vivez et que vous portez dans votre coeur. Et ça a duré six ans.
Elizabeth MGovern : J'aime penser que le succès de la série, en Grande-Bretagne et dans le monde, vient de l'universalité des personnages. Beaucoup de personnes plus âgées sont délaissées par les séries, qui ne leur permettent pas de se reconnaître dans certains personnages. Surtout les femmes. On voit rarement des personnes âgées tomber amoureuses et avoir les mêmes besoins que tout le monde.
"La série correspond au monde dans lequel nous vivons" - Hugh Bonneville
Hugh Bonneville : Il y a dans la série quelque chose pour chacun. Vous avez forcément un personnage préféré qui reflète peut-être votre tranche d'âge ou votre sensibilité. Et avec un casting aussi intéressant pour les quinze personnages principaux que nous avons, il y en a forcément pour tout le monde. Et la série correspond au monde dans lequel nous vivons car, là aussi, les hommes pensent tout contrôler alors que ce sont en réalité les femmes qui le font.
Raquel Cassidy : Les personnages fonctionnent comme une vraie famille, si l'on mêle les étages supérieur et inférieur. Et Anna [Joanne Froggatt] y est plus proche de Lady Mary [Michelle Dockery] que ne l'est Lady Edith [Laura Carmichael], sa soeur. C'est aussi pour cette raison que nous sommes tristes que cela se termine, car nous savons que beaucoup de téléspectateurs dans le monde ne veulent pas quitter cette famille.
Lesley Nicol : Les histoires semblent plaire dans le reste du monde, mais je n'ai pas vraiment de réponse, même si j'aimerais pouvoir vous en donner une parfaite. A dire vrai, je me demande comment cela se fait que des gens en Chine regardent Downton Abbey. Je ne saurais pas l'expliquer, mais le fait est qu'ils sont des millions à le faire. C'est peut-être grâce à la façon dont les histoires sont racontées.
Rob James-Collier (Thomas Barrow) : Les thèmes que la série aborde sont universels car il est question de personnes qui tombent amoureux, meurent, perdent de l'argent... Ce sont des choses qui se produisent encore dans le monde actuel, au même titre que les relations entre riches et pauvres. Tout est déjà dans la série.
Hugh Bonneville : Je ne pensais pas que la série voyagerait autant car elle se focalise sur les interactions sociales et leurs nuances dans l'Angleterre de l'époque, avec des résonnances contemporaines. Mais c'est peut-être grâce à son authenticité que le propos a pu se transmettre et être accepté de la sorte même si, par-dessus tout, le succès tient au fait que les personnages sont intéressants.
Quand j'ai lu le premier épisode, j'ai tout de suite accroché et je voulais savoir ce qu'il advenait de ces gens. Et ce n'est pas souvent que vous pouvez lire un scénario et visualiser les personnages, avant même que leurs interprètes ne soient choisis. Et tout ceci a bien été retranscrit à l'écran, ce qui explique le succès de Downton Abbey.
Sophie McShera : Je ne pensais pas que Downton Abbey deviendrait un tel phénomène. J'avais adoré le scénario et il était signé Julian Fellowes, dont les précédents faits d'armes étaient impressionnants. Donc même si personne ne regardait ensuite, c'était déjà cool, mais il y a eu un effet boule de neige : après la diffusion du pilote, nous avons reçu un e-mail annonçant les chiffres d'audience en expliquant que c'était très bon, mais que ça allait sans doute baisser la semaine suivante. Sauf qu'encore plus de personnes ont regardé l'épisode 2, ce qui n'arrive jamais. De plus en plus de gens s'y sont intéressés, avant le reste du monde. Là c'était incroyable.
Bonus : Ma scène préférée à Downton
Six saisons de Downton Abbey, cela représente 52 épisodes de 50 minutes chacun (un peu plus pour les season premiere et finale et les Christmas Special). Donc un paquet de noeuds dramatiques, de crises, de moments de joie ou de chocs. En bonus, Hugh Bonneville et Sophie McShera évoquent donc les moments qui les ont le plus marqués en tant que spectateurs depuis le début de la série. Avec des spoilers pour qui n'a pas encore commencé.
Hugh Bonneville : spoiler: La mort de Sybil, qui a aussi été l'une des scènes les plus marquantes à tourner. Ou les derniers instants de la saison 1, avec la garden party alors que la Première Guerre Mondiale est annoncée. Ou le moment de l'Armistice, avec tout le casting : un très beau moment qui rappelle les vrais événements.
Sophie McShera : Les épisodes de Noël. On s'en rappelle et j'aime beaucoup les scènes avec de la neige, ou celle pendant laquelle Matthew [Dan Stevens] et Mary [Michelle Dockery] se disent au revoir sur le quai de la gare.
Des images du dernier épisode de Noël (et de la série tout court) :
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Londres le 14 août 2015
La saison 6 de "Downton Abbey" est disponible en DVD/Blu-Ray et dans les intégrales de la série chez Universal depuis le 2 février.
Downton Abbey : les acteurs au micro
Hugh Bonneville (Robert Crawley) : "La série correspond au monde dans lequel nous vivons car, là aussi, les hommes pensent tout contrôler alors que ce sont en réalité les femmes qui le font."
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Sophie McShera (Daisy Robinson) : "Après la diffusion du pilote, nous avons reçu un e-mail annonçant les chiffres d'audience en expliquant que c'était très bon, mais que ça allait sans doute baisser la semaine suivante. Sauf qu'encore plus de personnes ont regardé l'épisode 2, ce qui n'arrive jamais."
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Lesley Nicol (Mrs Patmore) : "Je ne suis pas sûre de pouvoir recommencer ensuite, car les femmes de mon âge ne décrochent pas de rôles importants. Je me dis que j'aurais eu le plus beau boulot de ma vie après mes 50 ans."
Downton Abbey : les acteurs au micro
Rob James-Collier (Thomas Barrow) : "Les thèmes que la série aborde sont universels (...) Ce sont des choses qui se produisent encore dans le monde actuel, au même titre que les relations entre riches et pauvres."
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Phyllis Logan (Elsie Hughes) : "C'était très intense de passer autant de temps à exercer un travail que vous aimez vraiment, et de raconter cette histoire."
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Kevin Doyle (Molesley) : "Le changement social est le thème majeur de la série (...) La série tourne autour d'un foyer qui doit s'adapter aux changements du monde."
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