Après le week-end de folie, Deauville reprend son souffle mais continue de proposer des expériences à ces spectateurs. C'était encore plus le cas en ce lundi 7 septembre, sur lequel nous revenons tout de suite.
Le film
Experimenter de Michael Almereyda - Avec Peter Sarsgaard, Winona Ryder… - Sortie le 18 novembre
Vous ignorez peut-être son nom, mais ses expériences vous seront sans doute familières, qu'il s'agisse de celle où l'on demande à une personne d'envoyer des décharges à une autre lorsqu'elle répond mal à un exercice de mémorisation, ou le fait que, si quelqu'un se met à fixer un point dans le ciel, les autres suivront. Tout ceci, on le doit à Stanley Milgram, docteur en psychologie, dans le cadre de son étude sur l'obéissance dans la société au début des années 60.
Une figure dont les travaux ont encore un impact aujourd'hui, et auquel l'excellent Peter Sarsgaard prête ses traits le temps d'un film linéaire dans sa forme, mais intéressant sur le fond. Le tout avec une mise en scène qui multiplie les passages réalisés avec des projections en transparence derrière les acteurs (dont Winona Ryder) et les adresses au spectateur, pour mieux clarifier ce dont il retourne. Pas besoin d'être spécialiste en psychologie pour entrer dans le récit donc.
Etaient également présentés
Day Out Of Days (Compétition) - En 2007, Zoe Cassavetes, fille de Gena Rowlands et du réalisateur de Shadows, faisait des débuts fracassants avec Broken English. Il aura donc fallu patienter 8 ans avant de découvrir son second long métrage, où Hollywood en prend pour son grade à travers l'histoire d'une actrice quarantenaire qui tente de rester dans le coup. Co-écrit avec Alexia Landeau, son interprète principale, Day Out Of Days est acide et presque trop court tant il sent le vécu, à l'heure où le jeunisme prend de plus en plus de place dans l'Usine à Rêves.
Tangerine (Compétition) - On reste à Los Angeles et sur Hollywood Boulevard, mais dans un tout autre registre. Entièrement tourné à l'aide d'un iPhone 5, Tangerine met en scène 2 actrices transgenre à la veille de Noël, et parvient à rendre lumineux et coloré un sujet glauque sur le papier, car situé dans le milieu de la prostitution, avec des références à Cendrillon (l'une des héroïnes s'appelle d'ailleurs Sin-Dee Rella). Tour à tour énergique et posé, bruyant et silencieux, le film de Sean Baker détonne mais ne laissera pas les spectateurs indifférents.
Au micro
En 1989, c'est sur les planches que Michael Almereyda a présenté son premier film en tant que réalisateur. 26 ans plus tard, il est de retour à Deauville avec son Experimenter, dans lequel il explore les travaux de Stanley Milgram : "J'avais lu son livre, qui est très captivant", nous explique-t-il dans la foulée de la projection officielle. "Il y a des transcriptions et des photos de ses expériences, et ça m'a semblé très cinématographique, comme si David Mamet [dramaturge et scénariste des Incorruptibles, nldr] en avait écrit les dialogues."
"J'ai pensé que ça ferait un bon film, mais plus je lisais de choses sur Stanley, plus je découvrais que son travail était plus profond que cela, car il avait fait plus de choses et mené plus d'expériences. L'échelle de sa vie et de sa pensée allaient au-delà de ce que j'avais imaginé. Plus j'en lisais, plus ça m'intéressait et plus je voulais en mettre dans le film."
Il y a toujours ce mystère en Peter Sarsgaard
Un film qui, au final, ne dure "que" 1h30 et n'a pas été fait sous forme de documentaire, malgré l'expérience de Michael Almereyda dans le domaine : "Tout le monde me pose cette question, et je pense que c'est normal, mais mes documentaires sont focalisées sur des personnes vivantes [Milgram est décédé en 1984, ndlr]", nous répond le metteur en scène, qui a donc confié le rôle principal à Peter Sarsgaard, également à l'affiche du Prodige pendant ce Festival.
"C'est son agent qui me l'a suggéré, et je n'avais pas pensé à lui car il ne ressemble pas à Stanley", raconte Almereyda. "Mais peu de gens savent à quoi il ressemble donc ça n'est pas très important. Peter comprenait le personnage et l'histoire, et possède une intelligence, un charme et un mystère, dans son regard notamment. Malgré son éventail de jeu, il y a toujours ce mystère et j'ai aimé ça."
La musique
Energique, Tangerine l'est aussi musicalement. Sauf dans le générique de début, qui pourrait avoir été issu d'un classique Disney, et appuie un peu plus les références à l'univers des contes. Ensuite, Sean Baker et le superviseur de la bande-originale jouent la carte de l'électro, avec une chanson comme "Taliban", fruit de la collaboration entre Haterade et Skellism, qui sert à illustrer la déambulation furieuse de Sin-Dee, à la recherche de son mac qui lui a brisé le coeur.
==> A ecouter ici, en attendant la sortie du film le 30 décembre
Parole de juré
"Je m'étais dit que ça pouvait être un bon moyen de prendre des vacances, d'aller se baigner et d'être au bord de la plage. Puis j'ai vu le planning, et je me suis dit que ça n'allait pas du tout être des vacances" : membre du Jury Révélation, Stanley Weber nous raconte avec humour les circonstances qui l'ont amené à en faire partie. "Je viens de te raconter des trucs de touriste, alors que la raison principale, à la base, c'est quand même de voir des films", poursuit l'acteur, qui déclare suivre de très près le cinéma indépendant américain.
"Sa force, c'est qu'il a encore une grande liberté. Aussi bien aux Etats-Unis qu'ailleurs, mais surtout aux Etats-Unis, où l'on trouve des énormes machines, où la dimension artistique est moins libre et débridée que dans le cinéma indépendant. Avec leurs petits budgets et moyens, les réalisateurs peuvent plus facilement laisser libre cours à leur folie, à leur invention ou à leur liberté. Et surtout à un art un peu plus profond. Un truc avec un peu plus de sens et de sujets."
L'acteur a également évoqué les premiers souvenirs marquants qu'il garde du cinéma américain : "Y a eu La Dernière marche, avec Susan Sarandon et Sean Penn, que mes parents m'avaient emmené voir et qui m'avait marqué quand j'étais petit car j'avais trouvé ça très dur", nous explique-t-il. "Sinon Gladiator, qui a été un classique quand j'étais jeune, un film de garçons qu'on aime bien revoir, revoir et revoir."
"Puis, quand j'ai commencé à jouer, je me suis fait tous les Scorsese. Enfin pas tous, mais beaucoup en l'espace d'1 mois : ses premiers courts métrages, Mean Streets, Raging Bull, New York New York, et ça c'est des films qui m'ont marqué et énormément inspiré. Taxi Driver aussi. Ce sont des grands classiques et des références pour beaucoup de gens tout en étant des leçons de jeu à énormément d'endroits."
La performance ne m'intimide pas
"Mais ça te donne une idée tellement haute de ce que tu aimerais pouvoir atteindre… Ce qui est drôle, c'est que j'ai beaucoup plus peur de ne pas pouvoir avoir la chance d'atteindre ces réalisateurs-là, alors que je n'ai pas peur de prendre la responsabilité d'un rôle qui demande énormément de travail. Les acteurs dans ces films, qui sont des grands acteurs bien sûr, ils sont devenus grands grâce à ces films-là."
"Pour moi c'est grâce à des réalisateurs. Je les trouve absolument incroyables les gars, mais la performance ne m'intimide pas. Je n'ai pas peur d'aller vers des grands rôles car ce sera dans les mains du gars qui te fera exploser. Par le scénario, la mise en scène et la profondeur du scénario qu'il va te donner." En attendant cette explosion, Stanley Weber remettra le Prix du Jury Révélation samedi 12 septembre au soir.
Et il sera à l'affiche de "Quand je ne dors pas", le 30 septembre :
Ça tweete sur les planches
Deauville, c'est aussi des classiques à (re)voir sur grand écran
Soleil ou salle obscure, il faut choisir
Gandalf et Legolas à la plage
Et sinon ?
- Dans Experimenter, Kellan Lutz incarne un acteur appelé… William Shatner. Oui, celui de Star Trek, qui avait joué dans un film inspiré des travaux de Milgram. Dans l'une des scènes, le personnage rappelle d'ailleurs avoir offert à la télévision américaine le premier baiser interracial de l'Histoire du petit écran, dans la série culte de Gene Roddenberry
- Le mois prochain, Michael Almereyda entamera le tournage de Marjorie Prime, film sur l'intelligence artificielle dans lequel Jon Hamm sera "marié à une femme de 85 ans". Il est loin le temps de Don Draper
Evoqué dans un tweet plus haut, Ian McKellen sera sur les planches ce jeudi pour recevoir un hommage. Mais en attendant, on se retrouve demain pour la suite de la Compétition avec le punk Green Room, et le réalisateur de Tangerine au micro.
Deauville 2015 : le jour 4 en images
Zoe Cassavetes dos au mur
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Zoe Cassavetes, hilare sur les planches
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Alexia Landeau, actrice et co-scénaristes de Day Out Of Days
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Et le prix de l'équipe la plus nombreus de Deauville 2015 est attribué à Day Out Of Days
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Sean Baker, réalisateur de Tangerine
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Michael Almereyda, venu expérimenter sur les planches
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Star attitude pour Russell Steinberg
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Zoe Cassavetes aura décidément bien ri à Deauville
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Michael Almereyda en pleine lumière