Dans Paradise Lost Benicio Del Toro se glisse dans la peau de Pablo Escobar. A l'occasion de la sortie du film en Blu ray / DVD, retour sur les tentatives -avortées mais pas que- d'Hollywood d'adapter à l'écran la vie hors-norme du plus célèbre narcotrafiquant de l'Histoire.
Une (triste) figure de légende...
Même encore aujourd’hui, on peine à imaginer la puissance d’un homme tel que Pablo Escobar, l’homme qui a terrorisé la Colombie dans les années 1980-1990, celui qui restera sans doute à jamais le plus grand narcotrafiquant de l’Histoire. A la tête du Cartel de Medellin, il contrôlait 80% du trafic de drogue mondial, et en expédiait pas moins de 11 tonnes par jour ( !) à destination des Etats-Unis dans les années 80. En 1989, le fameux magazine Forbes le classa 7e dans la liste des personnes les plus riches de la planète, avec une fortune estimée à 3 milliards de dollars.
Pour chaque dollar investi, Escobar en gagnait 200 $, soit un taux de retour sur investissement de 20000%. De quoi faire pâlir d’envie n’importe quelle entreprise. En fait, il gagnait tellement d’argent que les banques ne furent bientôt plus en mesure de le stocker et le blanchir, si bien qu’Escobar se mis à stocker dans des entrepôts ses millions de dollars en surplus. Le frère du trafiquant, Roberto Escobar, estima d’ailleurs qu’il perdait environ 10% des sommes stockés chaque année, en raison des rats qui grignotaient le papier, et de l’humidité.
Escobar était tellement puissant (il prenait d’ailleurs soin de cultiver son image de Robin des bois auprès des populations pauvres) qu’il menaçait même directement le gouvernement de Colombie. Il a ainsi éliminé par milliers les opposants en pratiquant l’assassinat à grande échelle, fit exécuter des journalistes, des policiers, des juges, et même trois candidats déclarés aux élections présidentielles, en 1989. Son armée de Sicarios –ses tueurs- était estimée à plus de 3000 membres. Sa mort, le 2 décembre 1993, fut l’aboutissement d’une très longue traque, une des plus gigantesques chasses à l’homme jamais organisées, menée de concert entre le gouvernement de Colombie, groupes paramilitaires, la CIA , la DEA (l’organisme de lutte anti-drogue des Etats-Unis), la NSA et le FBI. En clair, tous les services fédéraux de sécurité américains. Une traque de longue haleine qui coûta plusieurs centaines de millions de dollars.
...qui aiguise l'appétit d'Hollywood depuis de nombreuses années
Une vie assurément hors-norme, qui n’a pas manqué de taper dans l’œil d’Hollywood. Pablo Escobar est ainsi à l’honneur dans plusieurs fictions, puisqu'on le retrouve dans Blow (joué par Cliff Curtis) ou encore dans la série Pablo Escobar le patron du mal, incarné par Andrés Parra. Ces dernières années, plusieurs projets furent annoncés autour du personnage, mais aucun n’a abouti, exception faite de Paradise Lost.
En octobre 2007, deux projets se téléscopent. D'abord le projet de biopic qu'Oliver Stone veut mettre sur pied en tant que producteur, en confiant la réalisation à Antoine Fuqua. "C'est un grand projet sur un hommer fascinant" s'enthousiasmait-il. Le scénario de David McKenna (Blow, American History X) était basé sur Mi Hermano Pablo, le livre de Roberto Escobar Gaviria, frère, confident et comptable dudit Pablo, qui devait également être consultant technique pour le film. Dans la peau du trafiquant colombien, un formidable acteur qui aurait sans doute parfaitement fait l'affaire : le vénézuélien Edgar Ramirez. Le projet sera finalement mis en Stand By par Stone au profit de son W. - L'improbable président, puis enterré. Pas sûr au final qu'il ait fait le bon choix, vu la gifle que le film a reçu au BO mondial...
Dans la tranchée d'en face, Joe Carnahan bichonne son projet sur Pablo Escobar. Nom de code : Killing Pablo, du nom du roman écrit par Mark Bowden (déjà derrière La Chute du Faucon noir), Killing Pablo : The Hunt for the World's Greatest Outlaw, davantage porté sur la fameuse traque lancée contre le narcotrafiquant. Le producteur, Bob Yari, veut aller vite. Le tournage est annoncé pour le mois de juin 2007, avec un casting très solide : Javier Bardem dans le rôle de Pablo Escobar, tandis que Christian Bale doit incarner le Major US Steve Jacoby, celui qui mena la traque. Le projet prend finalement beaucoup de retard, et en décembre 2008, le couperet tombe : le producteur Bob Yari fait faillite. Pour l'heure, le projet a disparu des agendas de Joe Carnahan.
En 2011, une troisième tentative voit le jour; cette fois sous la houlette de Brad Furman, le réalisateur de La défense Lincoln. Lui aussi carresse l'espoir de faire un film sur Escobar. Intitulé The Ballad of Pablo Escobar, le projet a déjà un script, écrit par Matthew Aldrich. Roberto Escobar revient quant à lui à la charge, repêché du naufrage du film sur lequel travaillait Oliver Stone toujours en tant que consultant technique. Présenté comme une sorte de "Parrain version latino" par le producteur Scott Steindorff, le film devait être porté par l'anti-héros d'Inside Llewyn Davis des frères Coen : Oscar Isaac. Mais ce dernier déclare forfait en août 2013. Aux dernières nouvelles, le film ne serait pas abandonné et toujours en développement. John Leguizamo incarnerait le narcotrafiquant, tandis que le titre a été changé en King of Cocaine. Pour l'anecdote, l'acteur était tellement motivé à l'idée de jouer Escobar qu'il dépensa 15000 $ en prothèses, costume et maquillage pour remporter le rôle lors de nouvelles auditions pour le casting du film.
Un peu de rab' pour la route ?
En avril 2014, Netflix a donné son feu vert pour la création de la série Narcos, qui doit être diffusée courant 2015. Une mini-série de dix épisodes avec cette fois-ci l'acteur Wagner Moura sous les traits du baron de la drogue, et devant la caméra du metteur en scène brésilien José Padilha. Les deux se connaissent bien, pour avoir fait ensemble le film choc Tropa de Elite, en 2007.
Pas sûr que l'usine à rêves de Los Angeles soit encore assez rassasiée de tous ces projets d'adaptations autour de la vie hors-norme du plus grand narcotrafiquant de l'Histoire. Un vrai, grand méchant, comme Hollywood les adorent.