Le dilemme du jour : être ou nager, la mer ou la sécurité ? Si le lagon bleu réunionnais est absolument sans danger, la plage qui borde la maison du festival est en revanche surveillée, dents de la mer obligent. Pendant ce temps, dans la salle obscure se joue un autre débat, loin bien loin, de l'été et du sable blanc.
Les films du jour
Disparue en hiver de Christophe Lamotte - Avec Kad Merad, Géraldine Pailhas, Lola Creton...
Prochainement - 2nd long métrage, en compétition.
Après s'être illustré dans le documentaire autobiographique,
Christophe Lamotte
s'attaque à un thriller dramatique à la teneur (selon ses propres confidences) tout aussi personnelle. Le parcours d'un ex policier reconverti dans le recouvrement de dettes, qui effectue sans émotion son travail jusqu'au jour où, il rencontre une adolescente étrange qui, après lui avoir proposé ses "services", disparaît subitement.
Portée par le très populaire et à contre emploi Kad Merad, la sublime Géraldine Pailhas et l'incandescente Lola Creton au regard aussi cru que profond, Disparue en hiver est une histoire d'obsession, de deuil, de manque, de passion, mise en scène avec une sobriété qui jamais ne se permet de juger. C'est déjà beaucoup !
Terre battue de Stéphane Demoustier - Avec Olivier Gourmet, Valeria Bruni-Tedeschi, Charles Mérienne...
Sortie le 17 décembre 2014 - 1er long métrage, en compétition
L'"enfant" des Dardenne, c'est lui ! Stéphane Demoustier, frère d'Anais mais surtout ex jeune champion de tennis devenu réalisateur par passion, et qui a dû offrir son premier long métrage au regard aiguisé du jury réunionnais. Une plongée édifiante et éloquente dans l'univers de la grande distribution à Villeneuve d'Ascq et qui n'est pas sans rappeler le cinéma socio-économico-humaniste des réalisateurs belges, en outre producteurs de ce film.
Combat en miroir d'un père cherchant à sauver sa carrière et d'un fils rêvant de réussir la sienne, Terre battue est un drame de déclassement qui met en lumière le désir d'ascension sociale coûte que coûte. Un désir fiévreusement incarné par l'humaniste Olivier Gourmet et son compagnon de route, le jeune Charles Mérienne, joueur professionnel troublant d'intensité.
Au micro, deux compétiteurs
Christophe Lamotte
Un film encore plus personnel
"Etrangement Disparue en hiver est plus personnel encore que mon premier film. Mon père faisait des recouvrements de dettes, comme Kad Merad. L'histoire de la jeune fille est celle d'une amie très proche avec qui j'ai passé des entretiens. J'ai également connu la rupture amoureuse dont je parle. Le deuil est enfin une douleur dont j'avais envie de parler mais sans en faire le sujet principal de mon film. L'avantage d'inscrire ces éléments dans le film noir m'a permis de garder une certaine distance par rapport à ce qui m'est cher."
Un film populaire
Le film noir pour moi est un moyen d'ausculter une réalité actuelle du monde et de toucher un plus large public.
"Il était aussi très important pour moi d'aller vers un film plus grand public. L'inscrire dans un film de genre le permettait. Je veux faire des films personnels mais qui soient vus. On m'a proposé Kad Merad parce qu'il est très populaire bien sûr mais surtout parce qu'il n'avait jamais fait ça. Il était primordial pour moi de ne pas "refaire" quelque chose avec un acteur.
Géraldine Pailhas est selon moi La femme par excellence, une vraie femme à qui je pense qu'on peut s'identifier. A la fois puissante, gracieuse, commune ou très belle. Lola Creton de même... Elle a un côté enfantin et un côté femme, quelque chose de très secret, elle est d'une précision diabolique."
Stéphane Demoustier
La passion du sport et du cinéma
"J'ai débuté au Ministère de la Culture, à la direction de l'Architecture. Ma chef travaillait au service de ce qu'elle aimait le plus au monde. J'ai voulu faire comme elle, moi qui allais au cinéma tous les jours, qui aimais tant ça... J'ai commencé par la production puis j'ai réalisé.
Comme mon héros, j'ai grandi avec le tennis. J'ai connu le haut niveau enfant. Cela m'a façonné, formé, tout en me laissant des souvenirs âpres et violents. Mes parents n'ont pas voulu que je fasse un sport-étude loin de la maison. A partir de là, le train est parti sans moi car en face, les types ont progressé plus vite. "
J'ai sans aucun doute trouvé par la suite dans le cinéma l'intensité que j'avais connue avec le tennis.
"Je me suis donc inspirée de ma propre expérience mais aussi d'un fait divers sur un père qui, empoisonnant les partenaires de son fils, avait causé la mort de l'un d'entre eux. C'est cettte rage de la concurrence existant dans le tennis qui a fondé mon désir de film. Le tennis est un monde au sein d'un monde plus vaste dont je parle en articulant le destin du père et du fils, et la question de la transmission. Le fils hérite inconsciemment des échecs de son père."
Un film dans la digne lignée des Frères Dardenne
"J'avais écrit en pensant à Olivier Gourmet que j'adore, il a dit oui tout de suite. Le jeune garçon est quant à lui un tennisman, c'est ce que je voulais. Je l'ai choisi parmi 350 prétendants. Il a été lui-même sur le tournage, mis en confiance par son partenaire."
"Les Dardenne sont arrivés plus tard sur le projet. Ils font partie de ces cinéastes qui m'ont donné envie de faire du cinéma et ils ont dit oui. Leur présence n'a jamais été écrasante mais ils étaient toujours là. Ils ont suivi le casting, le montage sans jamais être doctes ou donneurs de leçons."
Paroles de jurés
Sonia Rolland
"Audrey Dana a été retenue sur un tournage, je l'ai donc remplacée au pied levé. Je suis la plus grande fan de Claude Lelouch, vous savez ! Attention, lui ne le sait pas. Même les "ratés" de ces films comme il le dit, n'en sont pas pour moi. "
"Pour ma part, quand on a un seul prix à remettre, j'essaie de voir le film dans sa globalité. Je vois la mise en scène, la direction d'acteurs et les détails qui font qu'on retient le film. Je suis ravie de connaître la nouvelle génération de réalisateurs. C'est un besoin pour moi."
Elie Semoun
A propos des deux premiers films de la compétition
"On est tous des jurys potentiels, on juge tous en sortant d'une salle de cinéma. Disparue en hiver est contre emploi pour Kad Merad. Reste à savoir s'il est crédible ou pas, on le dira. L'univers mis en scène est intéressant, assez noir, un peu comme s'il s'agissait de son Tchao Pantin."
"Au cinéma, il faut absolument chercher des univers peu vus, notamment la grande distribution qui n'est n'est pas cinématographique mais le devient... C'est en cela que Terre Battue est intéressant."
Amanda Sthers
J'ai le sentiment d'avoir raté mon premier film
"Il ne me ressemblait pas assez, vu que c'était un film de commande. Le sujet n'était pas intime. Je suis donc bien placée pour savoir à quel point c'est compliqué. Le manque d'argent est un vrai problème car souvent les films doivent coûter plus pour être réussis. Si avec un papier et un stylo, on est tous égaux, dans le cinéma, la réalité veut que l'argent fait partie de l'équation."
"Ce que j'attends d'un premier film a à voir avec l'urgence : qu'avait-on à raconter de si urgent? J'ai besoin d'entendre un cri, de voir la nécessité qu'il y a eu à faire ce métier-là, cette fêlure. Je suis moins exigente sur la forme car il peut y avoir des maladresses. C'est le fond qui va créer l'artiste, faire qu'il va continuer à créer ensuite. Peu importe le genre, j'ai juste envie d'être émue, emportée."
Tourner un film à la Réunion ?
"On peut tout faire mais je choisirais peut-être un film à la Ben Stiller, une comédie romantique avec un requin ! La bonne humeur ambiante irait parfaitement à une comédie."
Le cinéma en outre-mer
Réalisateur de La Vie Pure, présenté en fin de semaine en compétition, Jérémie Banster a animé un atelier intitulé "Tourner en outre mer, le parcours du combattant." Rencontre avec un téméraire.
"Une des premières difficultés consiste à expliquer de quoi l'on parle. Si La Réunion ou La Guadeloupe sont déjà un peu plus identifiées, ce n'est pas le cas de la Guyane, où a été tourné mon film. Il faut expliquer les choses et la valeur ajoutée d'un tel projet. A savoir ne pas filmer dans des décors que l'on voit partout dans tous les films, découvrir autre chose, apprendre. Mettre ce coup de projecteur sur des cultures françaises, voilà l'intérêt."
"Les producteurs que j'ai vus pour mon projet ont toujours été intéressés et sont allés loin dans la pensée du projet, pour finir par me dire "non on n'ira pas, trop ambitieux, compliqué, trop difficile et dangereux." J'ai donc décidé au final de monter ma société de production. Canal + a été très intéressé par le film mais a voulu me placer sous la seconde commission. Finalement ils ne sont pas entrés dans le projet. Tout ceci me fait me dire que le cinéma doit se penser autrement. Il n'y a plus de règles. Si on veut faire le film qu'on a dans le coeur, il faut se lancer. Ne pas hésiter à faire entrer des partenaires privés même si ce n'est pas bien vu en France."
"Ce n'est pas plus compliqué de faire un film en outre mer, les interlocuteurs sont juste moins nombreux. En revanche c'est eux qui vous soutiendront vraiment s'ils sont touchés. Servez-vous de votre région en tant que producteur, jeune réalisateur. Partir d'ici c'est un atout. C'est mieux que d'être noyé dans la masse à Paris. Parlons de ce que l'on maitrise un peu mieux, donnons-le à voir. Vous ne serez jamais assez soutenus que par ceux qui sont près de vous et ceux-là ne vous lâcheront pas."
Ça tweete sur la plage
A suivre...
Demain, rendez vous avec deux autres films de la compétition et des rencontres, de belles:
- Qu'allah bénisse la France de Abd al Malik...
- Loin des hommes de David Oelhoffen
La bande-annonce de "Loin des hommes"
Hôtel Le Boucan Canot
Siège de la Maison du Festival.
Christophe Lamotte et Laurent Veil
Le réalisateur présente son film Disparue en hiver.
Anne-Gaëlle Hoarau
Membre du jury et ex-championne de surf à La Réunion.
Stéphane Demoustier
Le cinéaste présente son film Terre Battue.
Les hommes cinéastes de la compétition
Elie Semoun et Déborah François
Membres du jury 2014
La salle de projection du festival
Membres du jury 2014