Toutes les bonnes choses ont une fin, et le 40ème Festival du Cinéma Américain de Deauville n'échappe pas à la règle. Mais avant de se quitter, retour sur le triomphe de Whiplash au palmarès, les présentations de Sin City 2 et Elle l'adore, et nos dernières interviews de cette édition.
Le film du jour
Sin City : j'ai tué pour elle de Robert Rodriguez & Frank Miller - Avec Eva Green, Josh Brolin… - Avant-première - Sortie le 17 septembre
Si Woody Allen a ouvert le Festival avec de l'humour, de la romance et de la magie, c'est un cocktail de sexe, noirceur et violence qui attendait les spectateurs pour clôre les festivités. Neuf ans après la sortie du premier opus, la ville de Sin City ouvre à nouveau ses portes, le temps d'un long métrage qui fait aussi bien office de suite que de prequel, selon le personnage auquel on se réfère. Marv (Mickey Rourke), Nancy (Jessica Alba) et Hartigan (Bruce Willis) sont ainsi de retour, Dwight a cette fois-ci les traits de Josh Brolin, et tout ce beau monde est rejoint par des petits nouveaux du calibre d'Eva Green et Joseph Gordon-Levitt.
Des nouveautés côté casting, donc, mais pas vraiment sur le plan graphique. Ce qui n'empêche pas Sin City : j'ai tué pour elle d'être plutôt solide visuellement et de donner, une fois de plus, l'impression que la bande-dessinée de Frank Miller (présent sur les planches pour cette avant-première) s'anime nous yeux. Un peu trop décousu dans sa façon de passer d'une intrigue à l'autre, le récit est quant à lui moins convaincant et fait naître quelque longueurs. Pas assez pour rendre l'ensemble désagréable ceci dit.
Étaient également présentés :
Elle l'adore (Prix Michel d'Ornano) - Attendu le 24 septembre dans nos salles, Elle l'adore de Jeanne Herry a remporté le Prix du Meilleur Premier Film Français, qui lui garantit une aide pour sa distribution à l'étranger. Une récompense tout à fait justifiée pour le long métrage, comédie policière brillante et très bien écrite qui évoque notamment les sujets des fans et de la mythomanie. S'il vaut mieux en savoir le moins possible sur l'histoire, sachez toutefois que Sandrine Kiberlain et Laurent Lafitte y délivrent des prestations de haut-vol et que le film n'est pas loin de la perfection.
Infinitely Polar Bear (Avant-première) - Autre premier film, venu des États-Unis ce coup-ci. Scénariste, entre autres, de Monstres contre Aliens, Maya Forbes passe pour la première fois derrière la caméra avec cette comédie dramatique grandement inspirée de son enfance avec un père bipolaire. Un sujet compliqué que le réalisatrice traite de façon lumineuse, bien aidée par un Mark Ruffalo décidément capable de tout jouer, et deux jeunes interprètes (dont sa propre fille) convaincantes. Agréable et touchant lors de sa dernière scène, à défaut d'être très original.
Les stars du jour
Quand sa présence en Compétition a été annoncée, il faisait déjà figure de favori. À l'issue de sa projection deauvillaise ce jeudi, Whiplash est devenu le chouchou des festivaliers. Restait à savoir si Damien Chazelle et Miles Teller avaient aussi convaincu le jury de Costa-Gavras, et la réponse est oui. Après être montés sur scène pour recevoir un Prix du Public que l'on sentait venir dès le rappel des candidats, où il avait le champion de l'applaudimètre, le réalisateur et l'acteur sont remontés sur scène pour recevoir le Grand Prix du Jury.
Deux nouveaux trophées qui portent à quatre le total de récompenses engrangés par le long métrage, encensé partout où il passe depuis son triomphe à Sundance (Prix du Public et Grand Prix également) au mois de janvier. Accueillis avec enthousiasme à chacune des deux étapes de leur sacre, Damien Chazelle et Miles Teller ont ainsi fait de l'ombre à Frank Miller, et risquent fort d'entendre parler de Golden Globes, Independant Spirit Awards et Oscars dans les mois à venir.
Attendu à l'affiche de Divergente 2 et des Quatre Fantastiques en 2015, le comédien n'oubliera ainsi pas sa première venue en France (et en Europe). Il a d'ailleurs précisé qu'il conserverait un bon souvenir de son passage à Deauville, en sachant que la ville aura quant à elle gardé "beaucoup de mon argent, perdu au casino." Et une phrase du jour, une !
Au micro
Dernier film projeté en Compétition, Love Is Strange a valu à son réalisateur, Ira Sachs, un bel accueil de la part du public, pour sa troisième venue sur les planches. Centré sur un drame homosexuel, ce drame avait parlé de lui aux États-Unis, en sortant classé R (déconseillé aux moins de 17 ans non-accompagnés) le 22 août. Soit le même tarif que pour Sin City 2, ce qui est plus que surprenant.
"Je suis d'accord", nous répond le cinéaste. "Je ne pense pas que ce soit dû à la sexualité des personnages mais plus à cette règle ridicule selon laquelle on ne peut pas dire "Motherfucker" à l'écran sans écoper d'un R. Sauf qu'ils ont la possibilité de faire différents choix en se basant sur le film, ça n'est pas gravé dans le marbre. Ce qui m'énerve, c'est que nous avons tourné des scènes dans l'école publique au sein de laquelle mon mari, qui est aussi peintre, est professeur d'art. Une sortie était prévue pour que des élèves aillent voir le film, mais le principal a appris qu'il était classé R, et ils n'ont pas pu y aller, ce que je trouve malheureux."
Une décision qui peut paraître ironique dans la mesure où le long métrage montre l'un des personnages renvoyé de l'école catholique dans laquelle il enseigne en raison de son mariage, pratique assez courante outre-Atlantique : "Mauricio Zacharias, mon co-scénariste, et moi avions lu un article qui parlait du directeur d'une école catholique du Midwest licencié car il avait épousé son conjoint. Ça nous a semblé être un bon point de départ pour un drame."
Baptême du feu sur les planches
Si Ira Sachs a déjà signé cinq longs métrages, Maya Forbes est venue fêter ses premiers pas de cinéaste sur les planches, après des passages par Sundance et Toronto : "J'ai toujours voulu être réalisatrice", nous explique celle qui s'est faite connaître en tant que scénariste. "Mais j'étais effrayée par la totalité de l'expérience et par le fait d'être la personne responsable de la réussite ou de l'échec du film, et je craignais le temps que cela nécessiterait par rapport à ma famille (...) Jusqu'à ce que j'écrive ce scénario dont j'ai voulu tirer quelque chose de personnel et qui reflète les films qui ont compté pour moi et m'ont donné envie de faire du cinéma, même si le business est aujourd'hui plus important que les longs métrages.
J'ai donc écrit ce scénario, car je voulais revenir à quelque chose qui me tenait à cœur. Mais après l'avoir terminé, je ne voyais personne d'autre que moi capable de le réaliser. Je voulais avant tout le protéger et j'aurais été triste si tout l'amour qu'il contient n'était pas assez bien retranscrit par l'autre personne qui s'en serait occupée. J'aurais été dévastée et j'ai donc préféré prendre le risque d'échouer plutôt que de laisser une autre personne le faire, car j'aurais au moins essayé.
Je n'aurais pas été un très bon modèle
Il se trouve aussi que j'ai trois enfants, à qui je conseille régulièrement de prendre des risques, suivre leurs rêves et travailler dur. Donc si je ne le faisais pas moi-même, je n'aurais pas été un très bon modèle. Et ça me permettait aussi de montrer à mes filles qu'une femme pouvait être responsable et la patronne. Il m'a fallu du temps et ça n'a pas toujours été facile. Je n'étais même pas sûre que cela puisse se faire, car les films indépendants sont difficiles à monter. Mais je me disais que même si le film ne voyait pas le jour, ma fille aurait vu que j'avais essayé, ce qui était bien aussi (rires)"
Au final, Infinitely Polar Bear est bel et bien là, et ce joli feel-good movie est annoncé dans les salles françaises pour le printemps 2015.
Ça tweete sur les planches :
(Le Jury Révélation Cartier a en effet remis son Prix au terme d'un discours mêlant danse, paillettes, auto-traduction et débat sur la définition du terme "révélation")
Et sinon…
- Dernier jour, mais deuxième standing ovation du Festival. Pour un film français ce coup-ci, puisque c'est Elle l'adore de Jeanne Herry, Prix Michel d'Ornano, qui a chaudement été applaudi à l'issue de sa projection. De bon augure avant sa sortie en salles le 24 septembre.
- Elle l'adore que Vincent Lindon a publiquement encensé, en saluant notamment Laurent Lafitte et Sandrine Kiberlain, qu'il a décrite en plaisantant comme une jeune actrice qu'il n'avait jamais vue auparavant.
- Lauréate du Prix Révélation Cartier pour A Girl Walks Home Alone At Night, Ana Lily Amirpour, avait justement emporté un exemplaire de la bande-dessinée Sin City dans ses bagages au moment de s'envoler pour la France, sans savoir que Frank Miller serait à Deauville en même temps qu'elle. Nul doute qu'elle repartira de Deauville avec un trophée et une dédicace.
Deauville 2014, c'est donc bien fini. Mais vous pouvez retrouver le palmarès complet à travers notre article, revivre cette 40ème édition jour par jour grâce aux liens situés sous la vidéo qui suit, et rendez-vous l'année prochaine, même lieu, même époque.
L'équipe de "Sin City 2" au micro :
And the winners are…
Nicholas Britell (co-producteur), Damien Chazelle (réalisateur) & Miles Teller (acteur), Grand Prix du Jury et Prix du Public avec Whiplash
Les Français du palmarè
Sandrine Kiberlain, Jeanne Herry, Laurent Lafitte et Olivia Côte, lauréats du Prix Michel d'Ornano avec Elle l'adore
Salué par la critique
Danièle Heymann & David Robert Mitchell, Prix de la Critique Internationale avec It Follows
Prix de la Révélation Cartier
Ana Lily Amirpour (deuxième en partant de la gauche) entourée par le Jury Révélation Cartier qui a remis le Prix à A Girl Walks Home Alone At Night
Chouchous du public
Nicholas Britell (co-producteur), Miles Teller (acteur) & Damien Chazelle (réalisateur) après avoir reçu le Prix du Public pour Whiplash
Photo finish
Les lauréats et jurés de cette 40ème édition
Un peu plus tôt sur les planches
Laurent Lafitte, Olivia Côte, Jeanne Herry & Sandrine Kiberlain
Première de la classe
Sandrine Kiberlain
Elle l'a à dos
Laurent Lafitte & Sandrine Kiberlain
Premier tango à Deauville…
Laurent Lafitte & Sandrine Kiberlain
… et sans doute le dernier
Laurent Lafitte & Sandrine Kiberlain
De Sin City à Deauville
Frank Miller
Dernière sortie de jury
Clémence Poésy, Freddie Highmore, Lola Bessis, Audrey Dana, Christine & the Queens & Anne Berest
Deauville l'adore
Sandrine Kiberlain, Jeanne Herry, Laurent Lafitte & Olivia Côte pour Elle l'adore