Fièvre Méditerranéenne de Maha Haj
Avec Amer Hlehel, Ashraf Farah, Anat Hadid...
De quoi ça parle ? Walid, 40 ans, Palestinien vivant à Haïfa avec sa femme et ses deux enfants, cultive sa dépression et ses velléités littéraires. Il fait la connaissance de son nouveau voisin, Jalal, un escroc à la petite semaine. Les deux hommes deviennent bientôt inséparables : Jalal est persuadé d’aider l’écrivain en lui montrant ses combines ; Walid, quant à lui, y voit l’opportunité de réaliser un projet secret…
Un film politique ?
Maha Haj a dédié la projection cannoise du film à la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh, tuée par la police israélienne en mai 2022 alors qu'elle couvrait une offensive de Tsahal à Jénine. Considérée comme une figure majeure du journalisme en Palestine, elle travaillait pour la chaîne Al Jazeera depuis la fin des années 1990. Sa mort et ses funérailles ont donné lieu à de vives tensions entre les autorités palestiniennes et israéliennes. La réalisatrice explique :
"Je n’ai pas conçu Fièvre Méditerranéenne comme un film politique, mais si les spectateurs le voient comme un film politique, je ne peux pas dire le contraire. La politique est indissociable de mon quotidien en tant que Palestinienne. Aussi personnelle l’histoire du film soit-elle, la politique est toujours en arrière-plan. La dépression de Walid fait écho au sentiment d’emprisonnement des Palestiniens. Rien ne change et on ne voit pas la lumière au bout du tunnel."
"C’est l’une des causes de la souffrance de Walid. C’était une obligation pour moi de dédier la projection au Festival de Cannes à la journaliste Shireen Abu Akleh, deux semaines après son assassinat. C’était un devoir en tant que Palestinienne, en tant que femme, en tant qu’artiste, et en tant qu’être humain."
Cinéaste mélancolique mais drôle
Maha Haj se définit comme une réalisatrice mélancolique, mais dotée d’un certain sens de l’humour. Elle a donc écrit ce film noir, Fièvre Méditerranéenne, sur Walid, un dépressif chronique qui aspire à devenir écrivain. Elle explique :
"Par le biais de ce personnage, j’ai poussé à leurs extrêmes des pensées qui peuvent m’être familières. Je connais intimement sa personnalité et son caractère. J’ai ainsi tourné en dérision mon propre côté sombre à travers un homme qui me ressemble sur certains points, tout en étant différent de moi."
Lieux de tournage
Un tiers de la population de la ville d'Haïfa (située au nord d'Israël) est palestinien. Une partie de ses quartiers reste négligée et délabrée, et cela depuis le début de l’occupation en 1948 (tels que Wadi Saleeb, Wadi Nisnass ou encore Halleesa). Maha Haj explique :
"Nous avons tourné dans ces endroits afin de montrer le côté palestinien de la ville. Le tournage a eu lieu en automne pour s’ancrer davantage dans l’atmosphère tourmentée de la région, avec ses ciels gris et nuageux, et sa mer agitée. Cette atmosphère mélancolique et ces couleurs participent au désespoir et à la dépression de Walid."
Fièvre méditerranéenne...
Cette fièvre méditerranéenne affecte certains des habitants de la région : il s'agit d'une maladie profondément ancrée à cet endroit et très douloureuse. Maha Haj confie : "Elle reflète aussi d’autres maux plus évidents : politiques, sociaux et psychologiques. Le film se focalise ouvertement sur cette maladie, bien que ce soit ces maux qui m’intéressent, ceux qu’on n’examine pas au microscope, ceux qui ne sont ni diagnostiqués ni soignés."
Le choix des deux acteurs principaux
Le choix des deux interprètes principaux s’est fait de deux manières totalement différentes : Maha Haj avait, depuis le début de l’écriture, Amer Hlehel à l’esprit pour Walid. Elle se rappelle : "Nous en avons un jour discuté dans un petit café, où je lui ai exposé le personnage et sa trajectoire. Il a immédiatement accepté et cela m’a aidée pour la suite de l’écriture."
"C’était très différent pour Jalal. Nous avons fait passer énormément d’auditions, et les acteurs étaient tous très doués, mais ils n’étaient pas Jalal, il leur manquait quelque chose. Quand Ashraf Farah est entré dans la pièce et a fait sa première lecture, j’ai tout de suite su que c’était l’acteur idéal. La combinaison des deux acteurs m’a offert une première vision concrète de mon film."