Annie Colère de Blandine Lenoir
Avec Laure Calamy, Zita Hanrot, India Hair...
De quoi ça parle ? Février 1974. Parce qu’elle se retrouve enceinte accidentellement, Annie, ouvrière et mère de deux enfants, rencontre le MLAC – Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception qui pratique les avortements illégaux aux yeux de tous. Accueillie par ce mouvement unique, fondé sur l’aide concrète aux femmes et le partage des savoirs, elle va trouver dans la bataille pour l’adoption de la loi sur l'avortement un nouveau sens à sa vie.
Un hommage à Delphine Seyrig
On voit dans le film une archive télévisée d'une intervention de l'actrice Delphine Seyrig où elle débat de l'avortement face à des hommes. La réalisatrice a choisi d'utiliser cette vidéo pour plusieurs raisons. Tout d'abord pour inscrire dans le temps du film (qui se déroule sur un an) le temps historique, rappeler que l’avortement était un sujet dont on parlait quotidiennement dans les médias.
Il s'agissait également de rendre hommage à Seyrig, pour ses films et son rôle décisif dans la lutte. C’est chez elle, place des Vosges qu’a eu lieu en 1972 la première démonstration en France de la méthode par aspiration, dite « Karman ».
Le MLAC
Cet acronyme désigne le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception. Il a été fondé en 1973 par des médecins militant·es et des féministes, en réaction aux centaines de décès provoqués par des avortements clandestins. À cette époque, les principales méthodes de contraception restaient le retrait et Ogino (période d’abstinence sexuelle pendant la période de fécondité de la femme). Le MLAC réclamait la diffusion d’une information sexuelle, la liberté de la contraception et de l’avortement.
Allant à l'encontre de la loi, les bénévoles ont pratiqué pendant près de 18 mois à travers la France des avortements grâce à la méthode Karman, qui consiste à aspirer le contenu de l’utérus à l’aide d’une canule. L’association organisait aussi des voyages pour avorter à l’étranger pour celles qui avaient dépassé 8 semaines de grossesse. Face à l’ampleur du mouvement, le gouvernement n’a eu d’autre choix que de faire voter la loi pour la légalisation de l’avortement en 1975.
Un mouvement oublié
Avec Annie Colère, Blandine Lenoir souhaitait mettre en avant l'histoire du MLAC, dont elle n'a elle-même découvert l'existence qu'il y a une dizaine d'années. "Le MLAC a contribué de manière décisive au changement de la loi sur l’avortement, mais il a été invisibilisé. On apprend le roman national avec les « grands hommes », en l’occurrence ici une « grande femme » : tout le monde connait le combat héroïque de Simone Veil, mais on a oublié les militant·e·s qui ont poussé Giscard d’Estaing à modifier la loi."
Il existe des documentaires français sur l'avortement comme Regarde, elle a les yeux grands ouverts, qui est un travail collectif des membres du MLAC d’Aix avec Yann Le Masson, et Histoires d’A de Charles Belmont et Marielle Issartel, militant pour la libéralisation de l'avortement et de la contraception. Mais le fonctionnement du mouvement et son histoire n'avaient pas été mis en images.
La réalisatrice affirme : "Le récit historique est un rapport de force, il y a un récit manquant, un récit à renouveler. L’histoire du MLAC fait partie de l’histoire politique de la France. Avec ce film, je veux rendre grâce à ces femmes qui ont lutté pour notre liberté, qu’on se souvienne que les lois s’arrachent de haute lutte !"
Sur mesure
Blandine Lenoir a tout de suite pensé à Laure Calamy pour jouer Annie Colère. Elle la connaît depuis une dizaine d'années et l'a dirigée dans ses deux films précédents, Zouzou et Aurore.
"Elle a quelque chose d’aussi extraordinaire qu’ordinaire – je voulais que ce soit Madame Tout le monde, quelqu’un à laquelle on puisse s’identifier très facilement. Laure est une grande actrice de l’émotion et on ne l’a pas vue tant que ça dans cette partition-là. Et puis, c’est une actrice qui a un corps – c’est à dire qu’elle a un corps qui existe, énergique, rond et sensuel, et elle n’a pas peur de s’en servir, de jouer avec. Laure est passionnante."
Reproduire les avortements
Les anciennes membres du MLAC ont enseigné très précisément à Blandine Lenoir tous les gestes de la méthode Karman. Le casting a lui aussi répété ces gestes pour les reproduire pendant le tournage.
Elle détaille : "On avait un système, un petit matelas qui était installé sous les fesses des actrices avec un trou dans lequel on introduisait les canules, les bougies, etc. C’était très impressionnant, très réaliste. Ainsi, l’avortement était mis en scène dans toute sa durée, les actrices très occupées par leurs gestes précis, concentrées, qu’elles ont fini par connaître parfaitement."