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    DVD : le prix de la piraterie

    DVD illégaux, fichiers sur internet, les pirateries de films se développent à grande vitesse. Encore peu touchée, la France pêche au niveau de sa législation.

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    Envie de découvrir les aventures de L'Age de glace avant tout le monde ? Besoin irrépressible de retrouver immédiatement les clones de Star wars : épisode 2 - L'Attaque des clones ? Tout est désormais possible dans l'univers des copies illégales, à condition de chercher. DVD pirates, fichiers à télécharger sur le net, les possibilités de visionner un film avant sa sortie officielle ou peu après se multiplient. Si la France n'est pas encore très touchée, les contrevenants profitent d'une législation inadaptée. A leurs risques et périls.

    "Les copies pirates sont réalisées de manière de plus en plus professionnelle dans certains pays, principalement asiatiques", explique Jean-Sébastien, journaliste du magazine spécialisé "DVD Vision". "Certains pirates se procurent les copies originales de films et en font des copies en format 16/9 avec un son 5.1." Difficile cependant de connaître à l'avance le contenu de son DVD ou VCD (Vidéo Compact Disc) acheté dans quelque pays exotique, où copies parfaites côtoient de vulgaires versions filmées au caméscope à partir de la salle de projection. Pas évident non plus de s'y retrouver dans les "jaquettes" des films, qui peuvent allègrement mélanger le résumé d'un film et le générique d'un autre. Mais l'attrait demeure. "On commence à voir certains jeunes acheter des DVD par centaines lorsqu'ils partent en voyage et en organiser le commerce en rentrant en France", constate Jean-Sébastien. Pratique parfaitement illégale bien évidemment.

    La France encore peu touchée

    Pourtant, si les copies pirates de Spider-Man, MIIB ou Minority report sont sur les lèvres de tout cinéphile français qui se respecte, peu sont ceux qui en possèdent dans leur vidéothèque à en croire les chiffres officiels. "La piraterie DVD ne représente qu'un faible pourcentage de l'ensemble des contrefaçons", constate Bernard Baudoin, inspecteur à la direction générale des douanes, chargé de la politique de contrôle et de la lutte contre les fraudes. "L'année dernière, sur plus de 5 millions d'articles saisis, le secteur audio-vidéo-logiciel ne représentait que 1021 articles". Très peu statistiquement pour un service souvent mobilisé pour les fraudes sur les marques de vêtements ou de parfums. "Le DVD n'est pas un produit très intéressant à pirater, car cela suppose un matériel très performant pour pouvoir en profiter pleinement. La contrefaçon a plus d'impact sur la musique car les conditions d'écoute sont plus aisées. De plus, les délais de sortie des DVD ont tendance à baisser, de même que leurs prix."

    Législation inadaptée

    Pour les plus impatients ou les plus téméraires, reste le risque de se faire "pincer", principalement lors des contrôles de douanes au retour en France. "Là, tout dépend des ayants droits c'est-à-dire les producteurs, les distributeurs ou les héritiers moraux des films", continue Bernard Baudoin. La découverte d'un produit pirate entraîne la confiscation de celui-ci. "Les réglementations française et communautaire et conjuguent et laissent 13 jours aux ayants droit pour réagir. La confiscation n'est qu'un levier pour ceux-ci, qui peuvent agir par d'autres canaux. S'ils décident d'amener l'affaire devant les tribunaux, on est en face d'un délit douanier repris dans l'article 414 du Code des douanes, passible de 3 ans de prison et d'une amende située entre une et deux fois le prix de l'objet piraté". A quoi s'ajoute encore les sanctions prévues par l'article L 716-9 du code de la propriété intellectuelle : 2 ans de prison et 1 million de francs (plus de 152.000 euros) d'amende. A chacun de faire le calcul, mais aux ayants droit seuls la lourde charge d'enclencher la machine judiciaire en cas de saisie.

    Pour Jean-Yves Nirski, le problème situe encore ailleurs. Vice-président de l'ALPA (Association de Lutte contre la Piraterie Audio-visuelle), qui regroupe l'ensemble des acteurs concernés par la lutte contre les oeuvres pirates tels que la SACEM, les sociétés de production et distribution ou encore la Motion Picture Association (MPA) américaine, Jean-Yves Nirski se dit plus inquiet de la diffusion de films sur le web que de celle engendrée par des DVD illicites. "L'évolution des technologies sur internet favorise les trafics. Les fichiers comprenant des films sont faciles à télécharger et à graver. Une directive de Bruxelles donne les moyens législatifs de s'attaquer au contrevenant, mais elle doit encore être adaptée par la France". Et c'est précisément là que la bât blesse. "Il faut que les hébergeurs soient responsables de leur contenu, qu'on puisse les contraindre à retirer certains fichiers si ceux-ci sont illégaux. La directive européenne le permet, mais elle n'a pas encore été adaptée en France. Pour l'instant, l'hébergeur a 48 heures pour retirer des offres illicites. C'est beaucoup trop." Sujet délicat s'il en est, puisqu'il touche à la sacro-sainte liberté d'expression, valable sur le net comme ailleurs, et débat en suspens.

    Problème mondial

    Si la France, malgré une législation un cran en retard, apparaît finalement peu touchée par la vague des films pirates, il en va tout autrement dans certains pays. Ainsi Moscou, qui vit au rythme des vendeurs à la sauvette. Et les DVD n'échappent pas à la règle. "Les vendeurs installent des tables pliantes et marchandent les films aux alentours de 600 roubles (19,43 euros, NDLR)", décrit Alexey, un habitant de la capitale russe. "Chaque acheteur a la possibilité de rendre le DVD après visionnage et d'en prendre un nouveau pour 100 roubles (3,24 euros, NDLR) et ainsi de suite." Benjapark, originaire de Thaïlande, confie pour sa part que "les cas de pirateries reviennent sans cesse à la une des médias. La télévision montre souvent l'arrestation des responsables de magasins où l'on peut trouver des DVD pirates. Les rumeurs font état d'intenses pressions exercées par Hollywood et par les responsables politiques américains sur le gouvernement thaïlandais." Une prise de conscience collective dans un pays où les plus récentes productions se négocient aux alentours de 150 bahts (3,64 euros), la seule condition de vente étant de "prouver au gérant du magasin que vous n'êtes pas un espion ou un policier".

    La polémique rebondit même dans les plus hautes instances américaines. Comme pour illustrer les rumeurs thaïlandaises, l'International Intellectual Property Alliance (IIPA), qui regroupe les principaux organismes de contrôle de l'industrie de loisir américaine, a envoyé il y a quelques mois une missive à l'administration Bush lui demandant de redoubler d'efforts pour mettre un terme à la piraterie des oeuvres artistiques. Quitte à imposer des sanctions économiques aux contrevenants. La bataille du DVD n'est pas terminée.

    Thomas Colpaert

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