L'expression "Bollywood" désigne les super-productions indiennes inspirées des studios hollywoodiens et assaisonnées à la sauce locale. Depuis quelques années elles commencent à connaître un certain succès en Occident malgré leur réputation de productions commerciales à l'esthétique kitch.
Le phénomène Bollywood
Le cinéma indien a toujours su copier en s'adaptant aux goûts de sa population. Ainsi, le Bollywood prend sa source dans les années vingt quand furent créés des studios et mis en place un star-système calqués sur le modèle hollywoodien. Mais ce genre ne se développa vraiment qu'après 1947 avec l'indépendance de l'Inde. L'un des principaux foyers de production de ces films se situait à Bombay, d'où l'expression " Bollywood ", contraction de Bombay et Hollywood.
Principales caractéristiques des films Bollywood:
la longueur : il s'agit généralement de films-fleuves durant entre trois et quatre heures
le mélange des genres : le mélodrame côtoie la comédie musicale, le film d'aventure, le policier et même le merveilleux, sans jamais prétendre au réalisme. Et la tradition hindoue transparaît souvent par des allusions au sacré.
musique et danse: le film se doit de comporter plusieurs séquences chantées et dansées qui mettent en valeur des acteurs idolâtrés. Les bandes originales sont ensuite commercialisées avec succès.
les conventions : les acteurs surjouent d'autant plus que leurs expressions doivent être comprises par tous les Indiens qui ne parlent pas le hindi, la langue de tournage du Bollywood. La barrière de la langue et la censure incitent également les scénaristes à broder sur des thèmes simples avec des personnages manichéens et stéréotypés au service de la moralité.
l'érotisme pointe sous cet apparent respect de la moralité. Au point que les autorités islamiques s'en offusquent.
A la conquête de l'Occident
Déjà très bien distribué en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie, le Bollywood est en train de conquérir l'Occident avec comme fer de lance l'Angleterre où vit une forte communauté indienne. Là-bas, les films Bollywood remplissent les salles depuis les années 70. Même les Etats-Unis sont touchés par ce phénomène depuis que Taa de Subhash Ghai est sorti avec succès en 1999.
Par ailleurs, certains réalisateurs savent renouveler le genre en épurant ses conventions. Et leurs oeuvres sont de plus en plus remarquées dans les festivals. C'est le cas de Sanjay Leela Bhansali avec Devdas présenté hors compétition à Cannes, et de Lagaan grand prix du public à Locarno en 2001.
"Lagaan", le premier film Bollywood à sortir en France
Lagaan de Ashutosh Gowariker est le premier film Bollywood à sortir en France. Grande fresque historique se déroulant en Inde à la fin du XIXe siècle, ce film a pour toile de fond la lutte des paysans contre le lagaan, un impôt sur les céréales imposé par les Britanniques. Danses, Musiques, et chants tiennent également une place primordiale dans ce film qui comporte certes tous les codes du Bollywood, mais revus et corrigés par le réalisateur.
Même si ce long métrage a récolté pléthore de prix et une nomination aux Oscars cette année, le sortir en France restait risqué. Car le film dure trois heures quarante, avec à la clef des coûts de copies plus importants, et la possibilité de décourager des spectateurs. C'est le distributeur Rezo Films qui a choisi de prendre ce risque et qui le distribue sur 40 copies dont cinq à Paris intra-muros.
Le pari de Rezo Films
Pour Jean-Michel Rey, directeur de Rezo, le choix de ce film relève du coup de foudre. Un coup de foudre pour une oeuvre singulière et étonnante venue d'ailleurs tout comme Atanarjuat, la légende de l'homme rapide, que Rezo Films avait précédemment distribué. Il affirme que: "L'une des missions qui incombe aux distributeurs indépendants, c'est de faire découvrir des films". Il n'exclut d'ailleurs pas de poursuivre une collaboration avec le réalisateur Ashutosh Gowariker, étant même ouvert à une éventuelle coproduction.
Bien que Lagaan soit une super-production indienne, le film est soutenu par l'AFCAE (l'Association Française des Cinémas d'Art et d'Essai). Ce qui n'est pas un paradoxe pour Jean-Michel Rey : " De mon point de vue Lagaan est un film d'auteur. Certes c'est du Bollywood mais c'est aussi ce qui se fait de mieux dans le genre.
Pour que les Français soient au rendez-vous de ce film-phénomène, Rezo a choisi des salles comme le Max Linder permettant de le voir dans les meilleures conditions possibles. Car Lagaan est "une véritable invitation au spectacle, c'est un peu comme si l'on proposait aux spectateurs de se rendre au Palais des Congrès".
Amélie Charnay