Le meurtre le 3 juin dernier à Nantes d'une jeune fille de 15 ans par l'un de ses camarades âgé de 17 ans, "inspiré" par le film Scream, a relancé le débat sur l'impact de la violence cinématographique sur les jeunes spectateurs (voir notre article ). En réaction à cet événement tragique, Didier Fischer, candidat socialiste de la 10e circonscription des Yvelines à Rambouillet et père de famille, avait demandé ce mercredi 5 juin "le retrait immédiat de la vente et de la location publique de toute cassette, DVD et autre support média du film Scream".
Ce jeudi 6 juin, c'est au tour de Germain Gengenwin, député UDF du Bas-Rhin (non candidat aux législatives), de demander au ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon d'intervenir auprès de l'indutrie du septième art pour "dégager des mesures de sauvegarde de notre jeunesse. (...) La répétition depuis quelques temps d'atrocités commises par des mineurs subjugués par l'univers morbide de films comme Scream doit amener les pouvoirs publics à répondre sans détours au problème de la vente et de la location libres des vidéo-cassettes. (...) L'industrie cinématographique ne doit pas s'affranchir des conséquences de telles diffusions sur des adolescents souvent influençables". (Propos rapportés par l'AFP).
Face au débat engendré par cette affaire, AlloCiné a interrogé Christine boutin, adversaire de Didier Fisher lors des prochaines élections législatives, une psychologue et Stéphane Bourguoin, spécialiste mondial des tueurs en série. Réactions.
Christine Boutin - adversaire de Didier Fischer aux élections législatives
"Je n'ai pas besoin d'être en période électorale pour un mandat législatif pour faire de telles déclarations. J'en suis d'ailleurs très étonnée car rien dans son projet ne combat la violence des médias. Ce n'est pas très sérieux, on ne peut réagir de façon immédiate à un tel fait, aussi horrible soit-il. Il faut plutôt l'envisager dans le cadre d'une politique à long terme. Je ne prends pas position face à un fait divers bien que je combatte effectivement la violence et la pornographie à l'écran".
Une psychologue clinicienne du Centre médico-psychologique infantile de Carpentras (Vaucluse)
"Dans le cas d'un enfant très jeune, celui-ci n'a pas eu assez de contact avec la violence de la réalité pour que son esprit, qui n'est pas suffisamment construit psychologiquement, puisse recevoir autant de violence d'un seul coup. Sinon il est soumis à de fortes perturbations. Je connais le cas d'un enfant de 8 ans dont le père l'a forcé à voir la trilogie Scream afin de l'endurcir et qui souffrit ensuite de cauchemars. La violence que l'enfant peut capter par la télévision et les conversations des ses parents doit être assimilée petit à petit.
Pour des adolescents ou adultes solides psychologiquement, ces films peuvent agir comme des catalyseurs et leur permettre de dépasser leurs peurs. Ils deviennent des outils de défense. C'est pour cela que les enfants aiment les contes qui leur font peur, ils veulent la surmonter. Mais si le film va au-delà la capacité imaginaire du spectateur, il peut être fragilisé et avoir besoin de plus de temps pour s'en remettre.
Mais dans le cas d'un adolescent ou d'un adulte fragile (comme sûrement le cas du crime de Nantes), Scream peut l'amener à se poser des questions sur ce qu'il est, et pourquoi il prend du plaisir à le regarder. Il peut même tomber dans la schizophrénie ou la pathologie mentale et agir comme le ferait un drogué sous l'emprise de stupéfiants...
De toute façon, ce n'est pas un film comme les autres et mon avis est très réservé. Comme pour la banalisation de la diffusion des images pornographiques, on ne sait pas poser les limites. L'essentiel est que l'accent soit mis sur le discours afin de prévenir convenablement et sûrement les sujets visés ou non visés".
Stéphane Bourgoin – spécialiste des serial-killers et auteur de nombreux livres sur le sujet
"Je crois que les réactions vis-à-vis du film sont déplacées. (...) Ces fantasmes, ces pulsions ne sont pas nées du jour au lendemain parce que l'adolescent a loué Scream. Ce sont généralement des pulsions, des obsessions qui remontent à pas mal de temps et que Scream a nourri. Ca aurait pu être ce film comme tout autre film violent. Cela fournit juste au jeune un cadre, éventuellement une structure, un scénario".
"L'influence du film n'est pas prouvée. Une accumulation de séquences de violence peut créer une certaine désensibilisation par rapport à la violence. Mais je trouve tout aussi dangereux de vieilles séries policières comme Manix ou Starsky et Hutch, car la violence y est totalement gommée. On voit le héros blessé par un coup de couteau et juste après, il est sur un lit d'hôpital avec un joli bandage et une jolie infirmière avec lui. (...) C'est peut être plus nocif que des films ultra-violents".
"Vouloir retirer Scream de la vente, je trouve ça aberrant. C'est de la démagogie électorale à trois jours des élections. Ce qui me semble important, c'est que depuis quelques années, dans notre société, on assiste à une certaine démission parentale. Trop souvent, l'éducation des enfants est laissée à l'abandon, il n'y a plus de communication, et je trouve ça plus dangereux qu'un film violent. Il faut faire comprendre aux enfants que ce genre de film est du domaine de la fiction, discuter de la violence. Là réside le problème, plutôt que de choisir tel ou tel bouc-émissaire..."
Propos recueillis par Aurélia Arcusi et Clément Cuyer
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