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    Almodovar et la liberté de programmer

    N'ayant pu obtenir le droit d'exploiter le film "Parle avec elle", le cinéma les 7 Parnassiens a décidé de fermer ses portes ce mercredi 10 avril.

    Ecran noir aux 7 Parnassiens. Aucun film ne sera programmé cette semaine dans la grande salle du cinéma, et ce mercredi 10 avril, c'est le cinéma entier qui était fermé. Une mesure extrême prise par le directeur Jean-François Merle, à qui Pathé Distribution a refusé de donner une copie du dernier film de Pedro Almodovar, Parle avec elle.

    Concurrence dans le quartier Montparnasse

    Situé dans le quartier Montparnasse à Paris, ce cinéma d'Art & Essai a pour voisins des salles appartenant aux circuits UGC (UGC Montparnasse, UGC Rotonde), Gaumont (Gaumont Parnasse), et un réseau indépendant (Le Bretagne, Le Miramar, Le Bienvenue Montparnasse, Les Montparnos...). Si toutes ne ciblent pas le même public, il arrive qu'elles soient plusieurs à solliciter le même film auprès du distributeur. Ce fut le cas de Parle avec elle, pour lequel Pathé Distribution a accordé une copie au Miramar mais pas aux 7 Parnassiens.

    Jean-François Merle et Xavier Blom, représentants des 7 Parnassiens, affirment pourtant avoir obtenu l'accord oral de Pathé pour exploiter le film il y a trois mois, et avoir même reçu affiches et bandes-annonces qu'ils s'étaient empressés de diffuser. En conséquence, "l'acquisition" d'une copie du film étant assurée, ils ne s'étaient pas battu pour programmer un autre long métrage très attendu, Le Voyage de Chihiro, distribué par Gaumont et à l'affiche du cinéma Miramar.

    Jean-Claude Bordes, directeur des ventes de Pathé Distribution, nie quant à lui avoir jamais promis Parle avec elle aux 7 Parnassiens. Il ajoute que fournir du matériel aux exploitants n'est pas contractuel et qu'ayant été très sollicité pour ce film, il a été contraint d'opérer des choix dans les quartiers où règne une forte concurrence. Selon lui, trop de copies dans un même périmètre peut être nuisible pour la carrière du long métrage.

    Le médiateur : entre exploitants et distributeurs

    Se retrouvant démuni de film d'auteur porteur, Les Parnassiens ont fait appel au CNC qui a demandé au médiateur du cinéma français de trancher la question. Le médiateur, qui travaille à la section contentieux du Conseil d'Etat, a déclaré justifiée la démarche des 7 Parnassiens, tout en rejetant la demande d'injonction pour obtenir une copie en version originale de Parle avec elle. Mais il conjure Pathé de distribuer son prochain film d'auteur porteur aux 7 Parnassiens.

    Conscient des difficultés rencontrées par les salles indépendantes à Paris, le médiateur et le CNC se concerteront au mois de Mai avec les distributeurs et les exploitants afin d'améliorer ce système.

    Pour la pérenité des salles d'Art & Essai

    Pour Jean-François Merle, qui avait déjà eu recours avec succès au médiateur pour obtenir une copie de 8 Femmes, la survie des salles d'Art & Essai est menacée. Selon lui, un film d'auteur porteur permet d'équilibrer le budget des cinémas programmant tout au long de l'année des longs métrages touchant un public restreint. Sans compter qu'une oeuvre ayant un fort potentiel peut doper la fréquentation des autres films projetés dans le même établissement.

    C'est donc un étranglement économique des salles d'Art & Essai que craint Jean-François Merle, qui dénonce par ailleurs une atteinte à la liberté de programmer. Tout en considérant injuste la décision prise à son encontre au sujet de Parle avec elle, il reconnaît les aspects positifs du principe du médiateur qui permet aux exploitants de ne pas engager des frais d'avocat et de régler rapidement les conflits. Mais, c'est également un travail de terrain qui va au-delà de la simple programmation qu'il souhaiterait voir reconnu.

    Amélie Charnay

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