Après l'UGC Marbeuf en juin 1986 (5 salles) devenu le restaurant Man Ray, l'UGC Ermitage en octobre 1990 (3 salles) désormais magasin Séphora, et l'UGC Biarritz en janvier 1995 (6 salles) sur l'emplacement duquel ont été construits un hall d'exposition Toyota, l'Elysées Biarritz et un restaurant brésilien, c'est au tour de l'UGC Champ-Elysées (1 salle pourtant labellisée Prestige UGC) de fermer ses portes.
Interrogé sur les raisons de ce phénomène, Hugues Borgia, Directeur Général d'UGC Ciné-Cité, dévoile à AlloCiné les arcanes du marché de l'immobilier sur la plus célèbre avenue du monde.
AlloCiné : pensez-vous qu'à terme, l'activité cinématographique est vouée à disparaître des Champs-Elysées ?
Hugues Borgia : Oui, il s'agit là d'une tendance lourde puisqu'il existe une demande alternative qui justifie la surenchère des baux commerciaux. Comme de grandes chaînes de magasins sont désireuses d'installer leurs vitrines sur les Champs-Elysées, l'activité cinématographique rentre en compétition avec d'autres activités commerciales plus denses au mètre carré.
Mais les baux commerciaux sont accordés pour des durées de 3, 6 ou 9 ans, et si à expiration les parties ne sont parvenues à aucun accord, l'affaire est confiée aux tribunaux, ce qui peut retarder de plusieurs années la rétrocession des locaux.
Quelle solution envisagez-vous pour enrayer cette tendance ?
Seule une intervention des pouvoirs publics pourrait obtenir un résultat.
Quel type d'intervention ?
Une intervention de l'Etat en terme de règle d'urbanisme appliquées aux Champs-Elysées, du type Plan d'occupation des Sols*. Il s'agit moins d'agir pour favoriser le maintien des cinémas, que contre l'implantation d'autres activités. En imposant, par exemple, des quotas de surface minimale affectée à l'activité cinématographique dans le PLU de l'avenue. Il faut intervenir pour limiter les cessions de bail à des activités commerciales, car compte-tenu des locaux occupés par les cinémas, le plus souvent en rez-de-chaussée ou en sous-sol, ce ne sont pas des bureaux qui peuvent s'y installer mais des boutiques. En limitant l'implantation d'autres activités (forcément commerciales donc) par des règles d'urbanisme, on diminue la demande, et donc la pression fiscale, la surenchère des loyers.
Qu'elle est la responsabilité des multiplexes, dans cette disparition progressive des petites salles, des complexes de moindre envergure ?
Il est certain que les salles qui disparaissent sont victimes de leurs propres obsolescence, et que le concept des multiplexes a contribué à dévaloriser les salles uniques, et les cinémas de deux ou trois salles. L'attraction opérée par les cinémas situés sur les Champs-Elysées sur le public est notablement amoindrie par la concurrence des multiplexes, et c'est un fait que les salles des Champs-Elysées n'étaient pas les meilleures.
Avez-vous envisagé, ou envisagez-vous, à l'instar de trois salles de cinéma de Toronto, de développer une nouvelle offre plus spécialisée, en aménageant par exemple des salles pour les mamans et leurs bébés, dans lesquelles il y aurait des emplacements pour poussettes à côté des fauteuils, une lumière tamisée (de façon à permettre aux mères de changer leurs enfants), et une puissance sonore plus faible ?
Cette idée me semble ridicule. Il y a, à mon avis, d'autres endroits pour amener un bébé qu'une salle de cinéma. Cela me semble aberrant pour le confort même du spectateur : un bébé crie et pleure. Ce genre de concept n'est pas intéressant. Si nous étions amenés à étudier cette question, je pense que la réflexion porterait plus sur le développement d'un service de baby-sitting.
Propos recueillis par Delphine Robic-Diaz
* Le terme Plan d'Occupation des Sols a récemment été remplacé par celui de Plan Local d'Urbanisme