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    Les liaisons dangereuses de Canal Plus

    Chance ou danger ? Le souhait de Canal Plus de réformer son apport au système de financement du cinéma multiplie les polémiques. AlloCiné fait le point.

    Après Jean-Marie Messier qui envisage une révision du soutien financier de Canal Plus au cinéma, puis Pierre Lescure qui demande l'ouverture d'un "débat sérieux" sur le sujet, c'est au tour de Denis Olivennes, directeur général du groupe Canal Plus (propriétaire d'AlloCiné), de déclarer qu'il faut " réformer" sans "bouleverser le système de financement du cinéma français".

    Dans une tribune du Monde datée du 12 janvier 2002, il estime que "l'exclusivité de l'offre cinéma de Canal Plus a été érodée", notamment par l'arrivée de nouvelles chaînes thématiques. Malgré cette nouvelle concurrence, les obligations de Canal Plus envers le soutien du septième art ont continué de croître. M. Olivennes plaide pour un rééquilibrage de la contribution de sa société sans que cela se traduise "ni par une baisse des ressources du cinéma, ni par la mise en place de subventions à la place des mécanismes automatiques et de marché actuellement à l'oeuvre".

    Les succès d'un système

    Depuis cinquante ans, le cinéma français s'est illustré par un financement original, mêlant des sources privées et publiques comme celles du Centre national de la cinématographie (CNC), des différents modes d'exploitation des films et des obligations d'investissements des chaînes de télévision. La télévision assure 40 % des investissements et Canal Plus, avec l'achat de 90 % de la production nationale, est majoritaire. Depuis le milieu des années quatre-vingt, la chaîne cryptée est contractuellement obligée d'investir 20 % de son chiffre d'affaires annuel dans le cinéma. En 2001, la chaîne a consacré près de 152 millions d'euros à l'achat de longs métrages (avant ou après tournages), à l'acquisition de droits et aux coproductions.

    La clé de voûte de ce dispositif, c'est la convention liant Canal Plus, le CNC et le CSA qui, au milieu des années quatre-vingt, a sauvé le cinéma français. Le monde envie ce système français d'avance sur recettes, qui a permis à la production hexagonale d'occuper plus de 50 % des parts de marché au niveau national, quand le cinéma américain domine en moyenne 80 % des écrans dans le reste du monde. Victime de son succès, de nombreuses voix s'étaient tout de même élevées pour dénoncer l'hégémonie de Canal Plus sur l'ensemble des productions. Or dorénavant, c'est le retrait de la chaîne qui paraît inquiéter. De fait, cette convention renouvelable tous les cinq ans arrive à son terme en 2004 et le changement de politique du groupe Vivendi Universal inquiète. Ce possible repli sera t-il une chance, ou bien signera-t-il la fin du système ?

    Consensus sur la nécessité de la réforme

    Contrairement aux apparences, les dirigeants de la chaîne cryptée, par leurs déclarations, ne font que suivre la tendance générale des professionnels de ce domaine, ce qui n'était d'ailleurs pas le cas jusqu'en 2000. Les spécialistes s'accordent à dire qu'il ne faut céder ni au désespoir, ni à la révolution, mais à l'adaptation. Dans cette perspective, la solution pour maintenir l'équilibre passe par une diversification des sources de financement afin de préserver un système qui permet une remontée anticipée des recettes afin de trouver des crédits en amont des films.

    Ainsi, il faudrait persister dans la fusion entre recettes commerciales et volontarisme public, et dans cette optique, trouver une passerelle de compensation entre les cinémas industriels et indépendants. Cela passera par une meilleure répartition de l'effort financier entre chaînes payantes, cryptées ou thématiques. Or, cette idée coïncide avec les prises de positions de Denis Olivennes. En ce sens, la concurrence entre les différents groupes de télévision devrait être plutôt stimulante puisque le pouvoir ne sera plus concentré dans les mains d'une seule société. Par ailleurs l'édition de DVD et le paiement à la séance devraient prendre une plus grande place à l'avenir. Les ventes des films à l'international auront également leur rôle à jouer dans l'amortissement des films. Enfin, il faudrait engager plus en amont les distributeurs afin que les films ne soient pas uniquement formatés pour le petit écran. Idéalement, l'exploitation en salles des films devra être la source de financement principale, afin que leur intégrité ne soit pas malmenée. Logiquement, cette multiplication des mannes financières devrait bénéficier à l'industrie cinématographique...

    Une communication inappropriée ?

    Les aspirations de Canal Plus pour rééquilibrer le partenariat entre les différents acteurs financiers du cinéma sont donc tout à fait légitimes, puisqu'à la différence des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, la chaîne n'a plus le monopole télévisuel de la diffusion des films. Si ce groupe multiplie les signes montrant qu'il ne s'agit pas d'un abandon mais d'une réorientation du système (voir notre article ), il n'en reste pas moins que dans le contexte actuel, c'est sa communication qui paraît maladroite.

    De fait, 2001 est l'année record pour le cinéma français, résultat direct de ce système dont il demande la réforme. Par ailleurs, ses effets d'annonce se produisent au moment où Jean-Marie Messier se met à dos de nombreux politiques et l'opinion publique en déclarant la "mort de l'exception culturelle française " et où l'achat d'USA Networks ancre la politique de Vivendi Universal dans une stratégie d'expansion outre-Atlantique. Les dirigeants de Canal Plus se seraient donc fourvoyés plus sur la forme que sur le fond et leur relation au cinéma risque encore de susciter de nombreux débats.

    David Custodio

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