Dans un entretien accordé à AlloCiné, Philippe Bony, Directeur général de TPS Cinéma, revient sur ce que lui ont inspiré les récents propos des dirigeants de Canal Plus sur l'avenir du système français de financement du cinéma, ainsi que sur les engagements de sa société. Une occasion de découvrir la direction que pourrait prendre le débat sérieux sur les sources financières du septième art réclamé par l'ensemble de la profession.
AlloCiné : TPS a été parmi les premiers à réagir aux propos de Pierre Lescure et Jean Marie Messier sur la volonté de Canal+ de baisser sa part de financement dans le cinéma. Que vous inspirent-t-ils ?
Philippe Bony : Nous avons réagi parce qu'ils nous attaquaient. Les investissements de Canal Plus dans le cinéma, c'est un débat qui concerne le cinéma plus que les autres chaînes de télévision. C'était pour lui rappeler que TPS contribuait au cinéma depuis sa création, on est à ce jour la seule chaîne du câble et du satellite à le faire. Pour nous, l'entrée dans le cinéma n'a pas été simple, ce qui est normal pour un nouvel acteur qui arrive dans le système*. Tout le monde a pris conscience de l'importance d'une concurrence et de l'existence de plusieurs acteurs, ce qui se passe en ce moment en est la meilleure preuve.
L'augmentation des contributions des acteurs télévisuels dans le système de financement sera-t-elle un plus ou un facteur de déséquilibre pour le septième art ?
Si TPS n'existait pas aujourd'hui, les inquiétudes du cinéma seraient encore plus grandes. Non pas que TPS ait les moyens de se substituer en totalité à la chaîne cryptée, mais avec 30,5 millions d'euros (200 millions de francs) par an consacrés au cinéma, on est devenu des acteurs importants. Notre rôle en tant que chaîne de cinéma, qui pour ses abonnés a besoin d'avoir une programmation riche et variée et par conséquent l'accès à des films récents, est un élément déterminant.
Les engagements de TPS pour le cinéma
Nous avons signé en mars 1999 un accord avec le BLIC (Bureau de liaison des industries cinématographiques) et l'ARP (Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs français) qui détermine notre engagement par rapport au cinéma français. Nous l'avons renouvelé cette année pour une période de trois ans. C'est un engagement qui suit la progression de nos abonnés, qui est exprimée à la fois en pourcentage de notre chiffre d'affaires et qui va croître progressivement avec notre base d'abonnés dans les années à venir.
Le choix des films
La base, c'est le scénario et évidemment des futurs grands succès pour satisfaire nos abonnés : c'est ainsi qu'en 2001, nous avons participé à Tanguy et La Vérite si je mens ! 2. Mais, c'est aussi important pour nous d'avoir une diversité d'investissements, faire découvrir de jeunes talents : c'est ce qu'on a fait avec No Man's Land (200 000 entrées France) qui a eu le Prix du Meilleur scénario à Cannes. Malgré notre optique commerciale, on prend certains "risques" comme pour ce dernier film qui, pour un film bosniaque en version originale sous-titrée, montre que c'était quand même une vraie qualité de scénario.
Equilibre entre commerce et art
On parie sur les projets auxquels on croit, qui peuvent avoir des origines diverses mais qui sont toujours orientés vers le public, surtout ceux qui le touchent dans les salles. Nous sommes à l'heure actuelle sur deux autres productions françaises : Demonlover d'Olivier Assayas et 24 heures de la vie d'une femme de Laurent Bouhnik. On essaye d'avoir un choix et d'apporter au public une diversité de films qui montre les grandes tendances du cinéma.
L'avenir du système de financement du cinéma français
Il y a un fantastique essor du cinéma français quand on voit le nombre d'entrées des films français en salles en 2001, c'est une réussite grâce à une action qui a été lancée depuis de nombreuses années avec un vrai travail sur les scénarios pour développer une nouvelle génération d'acteurs et de réalisateurs que les spectateurs attendent dans les salles et cela s'est véritablement concrétisé en 2001. La recette est là. Il faut la conserver tout en la faisant évoluer, mais la croissance de recettes en vue du financement vient d'abord du cinéma.
La télévision sera-t-elle de plus en plus prépondérante dans cet engagement financier ?
La télévision joue toujours un rôle important mais à mon avis, la progression viendra avant tout des recettes salles pour les films. Peut-être aussi dans une moindre mesure, c'est l'ouverture et le potentiel que le cinéma français peut avoir à l'étranger. C'est vrai que le cinéma hexagonal était jusqu'alors franco-français alors qu'on a un potentiel de films, et pas forcément les plus commerciaux, qui ont un impact auprès du public étranger. L'exploitation salles et l'exportation : ce sont les éléments qui vont être en croissance, puis la télévision dans le cadre des mannes financières. Il y aura aussi la vidéo qui intervient a posteriori : ça va peut être changer avec l'évolution à la hausse de la vente de DVD qui pourrait être un apport supplémentaire non négligeable.
Propos recueillis par David Custodio
* Dans un arrêt du 15 juin 1999, la Cour d'Appel de Paris condamna Canal Plus pour abus de position dominante à l'égard de TPS. En conséquence, Canal Plus devait cesser de conditionner l'achat de droit exclusif de diffusion des films français pour son antenne, et ouvrir ce marché à la concurrence. Le pourvoi en cassation de Canal Plus fut rejeté le 30 mai 2000, ce qui l'obligea à rétrocéder le monopole qu'elle conservait depuis des années.