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    2002 : cinéma français : embellie durable ?

    2001 : une excellente année pour le cinéma français. Si le cru 2002 promet également son lot de succès, cette situation pourrait être remise en cause à moyen terme.

    2001 restera comme l'un des meilleurs crus de ces vingt dernières années pour le cinéma français. Plus de 75 millions de spectateurs sont allés voir des productions hexagonales, soit une hausse de fréquentation de 50% par rapport à 2000. Et les quatre films qui ont réuni le plus de spectateurs en France cette année sont quatre oeuvres françaises : Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain avec plus de 8 millions de spectateurs devance La Vérite si je mens ! 2 (7,9 millions d'entrées), Le Placard (5,3 millions de spectateurs) et Le Pacte des loups (5,2 millions d'entrées). Les films hexagonaux se taillent ainsi 42% de part de marché.

    Ces bons résultats s'accompagnent d'une meilleure image : Le Film français, en novembre, note "la fin de l'a priori négatif par rapport au cinéma français" commentant un sondage que le magazine et le CNC avaient confié à Médiamétrie. Près de 80% des personnes interrogées jugent les films français de meilleure qualité, 82,9% les trouvent plus accessibles et 80,5% plus attractifs.

    A l'étranger également, la France a fait un carton. Les recettes des films de langue française ont progressé de 40% de janvier à fin juillet dans les salles étrangères (Allemagne, Espagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Québec et Suisse) par rapport à la même période en 2000. De janvier à octobre, ils ont réalisé 17,5 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, soit deux fois plus que sur l'année 2000 dans son ensemble. Le Placard, Harry, un ami qui vous veut du bien et La Veuve de Saint-Pierre ont tous les trois dépassé les 3 millions de dollars de recettes au box-office. Quant à Amélie Poulain, elle a déjà amassé plus de 14 millions de dollars outre-Atlantique depuis sa sortie le 02 novembre dernier.

    De "Astérix" à "Laissez-passer", une des clés : la diversité

    Ces résultats à l'étranger "reposent sur la diversité des longs métrages sortis en 2000 et 2001. Avant, c'était surtout les films d'auteur qui sortaient à l'étranger. Ils manquaient des films plus populaires, des films de genre", explique Patrick Lamassoure, responsable du service "Etudes et marché" d'Unifrance, organisme chargé de la promotion du cinéma à l'étranger. Une analyse que confirme David Kessler, directeur du CNC. "2001 est une année exceptionnelle en termes d'offres françaises alors que l'offre américaine est moins attrayante", expliquait-il fin octobre à l'AFP.

    Films d'aventure (Le Pacte des loups, Vidocq), thriller (Un jeu d'enfants), film pour adolescents (Sexy boys) ou comédies (La Vérité si je mens 2, Le Placard, Tanguy, Ma femme est une actrice...) cohabitent ainsi avec des films plus intimistes (L' Emploi du temps, Sous le sable, Comment j'ai tué mon père, Va savoir...) . En 2001, chacun a pu trouver son bonheur parmi la production française. Une tendance qui devrait se poursuivre en 2002.

    Dès janvier, les spectateurs pourront découvrir plusieurs comédies dont Astérix & Obélix : mission Cléopâtre qui pourrait faire mieux que le premier opus ou encore Taxi 3 et 3 zéros. Après l'horreur avec Promenons-nous dans les bois et le thriller avec Un Jeu d'enfants, la société de production Fidélité sortira en 2002 un film d'action, Samouraïs, et un film de gangsters : Requiem. Parallèlement, des réalisateurs expérimentés présenteront leur nouveau film : Bertrand Tavernier avec Laissez-passer, Patrice Leconte avec Rue des plaisirs, Cédric Klapisch avec L' Auberge espagnole ou encore François Ozon avec un 8 femmes au casting alléchant.

    Mais nuances....

    Si le cinéma français reste le seul à pouvoir résister à l'hégémonie hollywoodienne en Europe, ses structures comportent des faiblesses qui pourraient fortement compromettre sa bonne santé à long terme.

    Certes notre production nationale a augmenté ses recettes à l'étranger, mais la part de marché des films français reste relativement modeste. Jusqu'en 2000, elle oscillait entre 3 et 4 % alors que Daniel Toscan du Plantier, producteur et président d'Unifrance, estime que la France pourrait prétendre atteindre les 10% de parts de marché. Une solution aux nombreux problèmes de financement qui viendrait compléter les recettes d'un marché national trop restreint pour rentabiliser les films. C'est le cas du Pacte des loups qui ne peut se contenter du score pourtant enviable de 5 millions d'entrées pour amortir son budget.

    Ajoutons que le succès du cinéma français à l'étranger n'est dû qu'à un nombre réduit de productions. De même, sur le territoire national, le septième art repose sur la réussite de quelques films pendant que beaucoup échouent à attirer les spectateurs et pâtissent d'une durée de vie en salle de plus en plus courte. Prenons l'exemple de Sauvage innocence de Philippe Garrel, prix de la critique à Venise cette année. Il sort sur quatre copies en France le même jour que Le Seigneur des anneaux, la communauté de l'anneau projeté sur 857 écrans, alors que Harry Potter à l'école des sorciers, Les Rois mages et Le Peuple migrateur se partagent déjà les salles. Difficile de se faire une place dans ces conditions.

    Des problèmes de financement

    Autre ombre au tableau, le financement actuel des films français qui présente plusieurs dangers. Tout d'abord, la production de films dépend trop étroitement de la télévision. Jusqu'à maintenant, les chaînes étaient contraintes d'investir dans le septième art, ce qu'elles acceptaient sans sourciller parce qu'elles y tiraient du profit grâce aux revenus publicitaires. Or les téléspectateurs regardent de moins en moins de longs métrages sur le petit écran, et les chaînes pourraient bien remettre en cause les investissements imposés. De plus, les producteurs indépendants craignent un désengagement de Canal + dans le septième art sous l'impulsion de Jean-Marie Messier. Impossible alors de boucler les budgets des films de plus en plus coûteux. Et la perte de cette source de financement entraînerait également une baisse de la production en général et des films d'auteur en particulier...

    Enfin, il faut soulever le problème de financement du CNC. "Le financement du fonds de soutien repose sur la taxe prélevée sur les films étrangers. Cette réserve fond si la part de marché de ces films baisse", expliquait David Kessler au Monde, fin octobre. Enfin, l'enveloppe dont dispose l'institution pour attribuer des aides sélectives a diminué de 6% par rapport à 2001, ce qui pénalise directement les films d'auteurs. A l'inverse, l'aide automatique aux producteurs, calculée à partir des recettes de leurs précédents films, ne cesse d'augmenter de façon mécanique alors qu'elle favorise ceux qui ont déjà obtenu un succès commercial. Même si l'année 2002 s'annonce alléchante au niveau de la production nationale, les effets des problèmes de financement pourraient donc bien se faire sentir à moyen terme.

    Amélie Charnay et Marie-Claude Harrer

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