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    Les intermittents menacés

    Les intermittents ont manifesté jeudi dernier à Paris pour sauver leur régime d'assurance-chômage. Retrouvez notre reportage en vidéo.

    Des milliers d'intermittents étaient massés jeudi 15 novembre dernier sur la Place du Palais Royal à Paris. Ils manifestaient ce jour-là pour la conservation des annexes 8 et 10 qui régissent leur régime spécifique d'assurance-chômage. Les annexes 8 et 10 étaient jusqu'à maintenant rattachées au régime général de l'asurance chômage géré par l'organisme paritaire de l'UNEDIC (Union Nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce). Or, depuis le 1er janvier, l'Unedic a mis en place une nouvelle convention qui ne comporte plus les annexes 8 et 10. Devant la colère des intermittents, une décision de maintien de ces annexes a été prise le 4 mai mais elle n'a aucun fondement légal.

    Ce vide juridique est la raison première de la mobilisation des travailleurs du spectacle. Cependant, un syndicaliste de la CNT (Confédération Nationale du Travail) souligne: "c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase". Car les intermittents ont le sentiment que depuis le début des années 90 le MEDEF (Mouvement des Entreprises de France), cherche à les faire disparaître. La CGT a ainsi reçu au mois d'octobre dernier une lettre du Vice Président Délégué du MEDEF dont on peut citer cette phrase : "Les intermittents du spectacle bénéficient de dérogations totalement exorbitantes du droit commun et nous avons demandé à l'Unedic de faire un état des lieux du dossier afin de pouvoir procéder aux ajustements nécessaires."

    Les arguments du MEDEF

    Quelles sont ces dérogations exorbitantes dont parle le MEDEF ?

    Tout d'abord, revenons au terme même d'"intermittent". C'est en fait la forme contractée de "travailleur salarié intermittent à employeurs multiples". Les secteurs d'activités du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel ne peuvent proposer des emplois permanents et reposent sur un mode de travail flexible. La majorité des artistes et techniciens vivent donc des périodes de travail qui alternent avec des périodes de non travail. Pour pallier ces intermittences, il existe des allocations dites "allocations-chômage". Créée en 1936, l'intermittence n'a été régie qu'à la fin des années 60 et les conditions d'accès aux allocations ont été depuis plusieurs fois modifiées sous la pression du MEDEF.

    Le MEDEF tente de remettre en cause ce régime d'assurance-chômage parce qu'il estime qu'il entraîne un déséquilibre des comptes de l'UNEDIC. Il est vrai que le nombre d'intermittents et donc d'indemnisés a cru considérablement depuis les années 80. Mais les syndicats réfutent le concept même de déficit : le MEDEF ne tient pas compte des cotisations des autres travailleurs de la culture et de celles des intermittents qui ne touchent pas les allocations mais qui ont cotisé. Le MEDEF et les syndicats ont deux façons opposées de calculer le coût du régime spécifique des intermittents : difficile donc de trouver un terrain d'entente.

    Si les intermittents disparaissaient

    Depuis 1997, il fallait justifier de 507 heures de travail par an pour toucher des indemnités. La CGT estime que seuls 50% des travailleurs du spectacle font assez d'heures pour toucher ces allocations. D'où un turnover énorme dans ces professions et une précarisation de la vie de beaucoup d'artistes et techniciens.

    Si les annexes 8 et 10 sont supprimées, les intermittents passeront sous l'autorité de l'annexe 4 de la convention et seront condidérés comme des intérimaires. Le statut des quelques 80 000 à 100 000 intermittents qui existent à ce jour en France serait ainsi menacé. Tout le secteur artistique et culturel pourrait en subir les conséquences : baisse de la production artistique, diversité moindre des créations, licenciement de salariés permanents faute de clients... Ce pourrait être le cas, par exemple, des fournisseurs de matériel vidéo, des laboratoires et même de maisons de production.

    Les intermittents ne sont pas les seuls à vouloir conserver les annexes 8 et 10. La FESAC, qui regroupe les employeurs du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel a signé un accord avec les intermittents en juin dernier. Ce qui met le MEDEF dans une sitiation de porte-à-faux puisqu'il est censé représenter tous les employeurs. L'Etat a également intérêt a ce que les intermittents continuent d'exister : nombre d'entreprises publiques y ont largement recours parce que cela revient moins cher que de créer des CDI. Mais le MEDEF refuse d'ouvrir des négociations à ce sujet.

    Vers une prorogation des annexes 8 et 10

    Au vu de cette situation inextricable, Catherine Tasca , Ministre de la Culture, a déclaré mardi 13 novembre dernier que "Si ce silence devait s'éterniser, Mme Guigou et moi-même présenterions un plan de mesures législatives visant à consolider un régime qui a fait la preuve de ses effets bénéfiques pour les entreprises françaises du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia, lesquels ont fondé leur prospérité, parfois remarquable, sur le recours aux intermittents - à dire vrai, on est même fondé de s'interroger sur l'ampleur de ce recours..."

    A la suite de la manifestation du 15 novembre, le Groupe du Parti Socialiste de l'Assemblée Nationale a annoncé son intention de déposer le 12 décembre prochain un article unique pour proroger les annexes 8 et 10 de manière transitoire. La CGT a appelé à manifester ce jour là pour soutenir cette intiative et continuer à faire pression afin que des négociations soient réouvertes avec le MEDEF. Les intermittents restent vigilants, ils savent que la réintégration de leur régime spécifique dans la nouvelle convention de l'UNEDIC ne se fera pas sans heurts.

    Amélie Charnay

    Images: Sébastien Raynal

    A lire: Arts/Spectacle, Michèle Vessillier-Ressi, collection Rome, ANPE-La Documentation Française, 301 pages, 1995.

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