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    L'Assemblée planche sur le cinéma

    Le député Roland Blum a présenté le rapport "Sur les forces et les faiblesses du cinéma français sur le marché international" à l'Assemblée nationale.

    Un rapport qui tempère les bons résultats du cinéma français à l'étranger cette année

    Bien loin de l'autosatisfaction des médias qui se gargarisent des succès du cinéma français à l'étranger, le rapport que le député Roland Blum, membre de la commission des affaires étrangères, a présenté le mardi 26 juin à l'Assemblée nationale, souligne les faiblesses de la production cinématographique hexagonale sur les dix dernières années.

    Son étude, intitulée "Sur les forces et les faiblesses du cinéma français sur le marché international", tempère ainsi les récentes publications d'Unifrance, qui affichent de très bons résultats pour les films français à l'étranger lors du premier semestre 2001 (voir ). "Le bilan est rude : dans la quasi-totalité des pays du monde, le cinéma national plafonne à 10/15% de part de marché. Partout -ou presque- le cinéma américain impose sa suprématie". C'est par cette phrase que Roland Blum entame son analyse.

    Le cinéma français résiste à l'hégémonie hollywoodienne

    Le député nuance tout de même ce sombre tableau en rappelant que le cinéma français est le seul à pouvoir résister à cette hégémonie hollywoodienne, et qu'il représente la première production européenne. Roland Blum concède également volontiers que : "Les principes qui sous-tendent notre système d'aide sont bons : redistribution du cinéma américain vers le cinéma français par le système de taxation des entrées dans les salles, redistribution de la télévision en faveur du cinéma, redistribution du cinéma commercial en faveur du cinéma d'auteurs (par le biais du système de l'avance sur recettes)". Il faut également ajouter que la part de marché des films français à l'exportation sera sans aucun doute en augmentation cette année grâce aux succès du Fabuleux Destin d'Amélie Poulain ou encore des Rivières Pourpres.

    Les failles du système français

    Après avoir consulté des professionnels du cinéma dans le monde entier et comparé les structures et les résultats des industries françaises, allemandes, italiennes, britanniques et américaines, Roland Blum a relevé de nombreuses failles dans notre système. Tout d'abord la sous-estimation du scénario, problème déjà remarqué par Charles Gassot et qui serait imputable, selon eux, à la Nouvelle Vague qui ne voulait reconnaître que le réalisateur comme auteur, au détriment du scénariste.

    Ensuite, les ressources financières des films dépendent trop étroitement de la télévision, qui représente 40% des investissements. Il en résulte un effet pervers de déresponsabilisation des gros producteurs, qui financent seulement le quart du devis d'un film et ne subissent pas forcément les conséquences économiques d'un échec. De plus, la France n'investit pas encore assez dans la promotion des films, à l'inverse des Etats-Unis où elle est intégrée à la phase de développement et représente la part majeure du budget. Promotion devenue d'autant plus importante que la durée de vie d'un long métrage en salles ne cesse de se raccourcir.

    Enfin, les oeuvres cinématographiques françaises ne trouvent qu'un débouché limité sur le marché national. D'où des difficultés à amortir la production et à financer des investissements. Ce qui n'est pas compensé par le marché européen où la part de marché réalisée par la France reste encore faible : l'Allemagne est ainsi le premier pays d'exportation pour la France mais avec une part de marché inférieure à 1%. Et encore ce chiffre est-il dû à la réussite de très peu de films pour très peu de producteurs : en 1999 par exemple, Jeanne d'Arc de Luc Besson a totalisé à lui seul 52% des recettes des films français à l'exportation. L'équilibre du secteur production est fragile, atomisé entre quelques gros producteurs et de nombreux petits en difficulté. Enfin la France enregistre un faible taux de dépenses de films étrangers sur son territoire, à l'inverse du Canada par exemple, devenu une véritable succursale des studios américains avec 1 milliard de dollars à la clef.

    Vers une remise en cause du système français

    Le cinéma français risque d'être remis en cause à moyen terme. Le concept d'"exception culturelle", mué en "diversité culturelle" (c'est à dire la protection des biens culturels), fait à nouveau l'objet de discussions au sein des organisations internationales. De plus, les films suscitent de moins en moins d'intérêt auprès des téléspectateurs, et les chaînes seront bientôt en droit de réclamer une baisse de leur taux de participation obligatoire : cela priverait le septième art d'une grande partie de ses ressources. Quant aux multiplexes et aux cartes illimitées, dont beaucoup craignaient des conséquences néfastes pour le cinéma français, ils ont pour le moment dopé les entrées de tous les films : reste à concilier les intérets financiers de tous. Plus préoccupante est la révolution du numérique qui nécessite des investissements matériels considérables afin de tourner et de projeter en numérique. Si ces dépenses ne sont pas prises en compte à temps, cela pourrait bien créer un cinéma à deux vitesses, alors même que le numérique permettrait d'abaisser les coûts de production.

    Des solutions pour le cinéma français

    Sans démanteler le fonctionnement actuel de l'industrie cinématographique française, Roland Blum met en garde contre le danger d'un repli protectionniste et anti-américain : "Le but de l'intervention des pouvoirs publics ne doit pas être la survie artificielle de produits surannés ou d'un réduit alternatif de créativité qui servirait d'alibi et de consolation à tous les autres renoncements. Il doit être davantage un moyen de préserver l'intégrité d'un espace cinématographique pluriel et diversifié, qui soit une alternative vivante et reconnue au modèle hollywoodien".

    Et le député de conclure: "Le succès de quelques films ne fait pas une industrie du cinéma. Préparer l'avenir, c'est pour nous développer un système de régulations intégrant une visée offensive et faisant la part belle à la dimension européenne".

    A.C.

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