La Chine serait en train de revenir sur son engagement concernant l'assouplissement du monopole de China Film, la société d'Etat qui détient l'exclusivité des droits à l'importation et à la distribution de films étrangers sur le territoire chinois.
Au mois de juin, les dirigeants chinois ont en effet annoncé qu'ils s'apprêtaient à libéraliser la répartition des droits de distribution des films (voir notre article ). Cette annonce fait partie intégrante d'une stratégie consistant pour la Chine à montrer patte blanche à travers des déclarations spectaculaires, afin de pouvoir adhérer à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Cette adhésion, aujourd'hui considérée comme acquise (voir notre article ), devrait être effective dès le mois de novembre, alors même que les autorités chinoises n'ont pas explicité, ni commencé à concrétiser leur nouvelle politique d'ouverture au cinéma étranger.
Cela ne devrait pas avoir de répercussions sur l'adhésion de la Chine à l'OMC. En effet, le principal intéressé de l'affaire, la MPA (Motion Picture Association, organisme chargé de promouvoir les films américains dans le monde), a pour objectif prioritaire de faire augmenter le quota de films étrangers autorisés chaque année en Chine. C'est chose faite, puisque Pékin a d'ores et déjà doublé ce quota (vingt films au lieu de dix).
Incertitude et volontés contradictoires
Si China Film conserve son monopole, le mouvement de rapprochement amorcé entre plusieurs studios étrangers et de jeunes entreprises cinématographiques chinoises dans le but de signer d'éventuels contrats de co-investissement pourrait être suspendu. Mais rien n'est encore sûr, carles dirigeants chinois ne sont apparemment pas en accord sur la politique à suivre.
Ainsi, Ding Guan'gen, le chef de la propagande, chercherait à revenir au protectionnisme afin de protéger le cinéma chinois, éludant les changements annoncés en juin. Il serait en désaccord sur ce point avec le président Jian Zeming. "Ding Guan'gen se trouve dans une situation difficile," rapporte un producteur pékinois. "Le président Jiang Zeming voudrait qu'il rende effectifs ces mutations. Donc Ding essaye de faire des concessions, de 'contrôler' ces changements, en quelque sorte".
La Chine dans l'expectative
Depuis, un dirigeant de China Film a rapporté que Ding Guan'gen serait en train d'imaginer un plan alternatif, consistant à diviser la China Film en deux entités, entre lesquelles il y aurait effectivement un libre marché des droits à la distribution.
Le Shangai Film Group, qui s'attendait à pouvoir enfin partager le monopole de la distribution avec China Film, attend toujours la décision du gouvernement. Le groupe est furieux de n'avoir toujours pas constaté les effets des réformes annoncées, et compte bien se battre pour que les déclarations faites en juin soient suivies d'effets. Philosophe et optimiste, son président Zhuo Wu évoque un célèbre dicton du pays : "En Chine, allez fumer une cigarette, et toute situation aura eu le temps de se retourner trois fois en votre absence..."
L.B.