Deux jongleurs québécois sillonnent l'Hexagone. C'est le point de départ de Un voyage entre amis du réalisateur français Pierre Beccu. Second long métrage après La dernière saison en 1992 et de nombreux documentaires, Un voyage entre amis sort le 30 mai sur nos écrans. AlloCiné a rencontré Pierre Beccu.
La rencontre avec les interprètes (André Aubry et Michel Rock)
"Je les ai rencontrés dans un bistrot. Le duo m'a immédiatement fasciné. J'ai vu qu'il y avait là matière à développer une histoire sur un mode proche de la comédie et en même temps un peu grinçant. L'un était déjà artiste de rue, l'autre était plutôt routard, et je me suis rendu compte rapidement que leur univers était très cinématographique en soi. Ils ont une vrai envie d'aller vers les autres."
Le thème central du film
"C'est avant tout une comédie. Au delà de cela, l'idée qui est au coeur du film est que nous sommes tous tiraillés par nos origines. La quête du film, liée à la recherche d'une identité culturelle, consiste à savoir s'il vaut mieux être connu ou apprendre à se connaître. C'est ce qui sépare les deux personnages."
De la comédie au drame
"Ce qui m'intéresse c'est d'amener le spectateur vers différents univers : d'une situation quasi-documentaire vers un mode plutôt onirique et même tragique. Mais la fin n'est pas moins drôle que le début : il y a des ressorts comiques dans la tragédie. On navique toujours entre les deux. Néanmoins, au fur et à mesure que le récit avance il est normal que l'aspect tragique domine : à un moment il faut savoir en finir avec une histoire, avec ses rêves, avec l'envie de faire des films, avec le temps qui passe."
"La réalité a copié la fiction"
"Les deux personnages se connaissaient à peine ; ils s'étaient croisés à Montréal mais n'avaient jamais travaillé ensemble. Comme la genèse du film a été très longue, ils se sont mis à jouer ensemble, celui qui n'était pas jongleur l'est devenu, et les scènes que j'écrivais dans le film se produisaient en fait devant nous, dans la réalité."
La distinction entre documentaire et fiction
"Quand je fais du documentaire, je n'interviens jamais sur ce que les gens disent, j'essaie de capter quelque chose qui passe, je ne peux pas infléchir le cours des choses. En revanche, quand on fait de la fiction on peut tout se permettre puisqu'on invente tout ; c'était le cas pour ce film."
La difficulté à financer ce film
"Ce film incarne l'évolution du cinéma français dans sa façon de gérer la diversité. Il y a dix ans, ce film se serait fait sans problème avec les circuits classiques, alors qu'aujourd'hui de plus en plus l'argent va à un nombre réduit de films tandis que les autres se font avec très peu de moyens. Au départ on ne m'a pas trop fait confiance, c'est une fois le film tourné que l'argent a commencé à arriver un peu."
Utiliser les nouveaux moyens techniques
"Aujourd'hui il faut savoir s'en servir pour en faire un atout. Ce film a été tourné entièrement en numérique avant d'être transféré en 35 mm. Cela ne coûte pas vraiment moins cher mais les dépenses sont reportées à une phase où il est plus aisé de trouver un financement, une fois le montage quasiment terminé. Dans les films du Dogme, la DV est utilisé comme un personnage à part entière. Moi, j'essaie au contraire de tourner de façon "normale" et de faire oublier la caméra."
Photo : © AlloCiné