Quelques minutes après avoir reçu le Prix de la (toute) jeune critique à Cannes, pour Bolivia de Adrian Caetano, son producteur Matias Mosteirin nous en dit plus sur le nouvel essor du cinéma argentin
Quand avez-vous débuté au cinéma ?
J'ai commencé à travailler dans le milieu du cinéma assez jeune, il y a 7 ans, à l'âge de 19 ans. J'ai débuté avec le réalisateur Alejandro Agresti (Une nuit avec Sabrina Love, Buenos Aires vice versa) comme assistant à différents postes.
Comment êtes-vous devenu producteur ?
C'était il y a trois ans. J'ai fait la connaissance de Lita Stantic qui tient un rôle important dans la production cinématographique argentine. Je me suis alors totalement investi dans ce secteur.
Quelles ont été les étapes qui vous ont amené à produire "Bolivia" ?
Tout d'abord, il y a eu la rencontre avec Adrian Caetano. Avec Bruno Stagnaro, il venait de réaliser son premier film, Pizza, birra, faso, qui avait rencontré un certain succès dans plusieurs festivals internationaux et auprès du public argentin. Il avait un projet à tourner "tout de suite"... Il disposait d'une directeur de la photographie et d'une caméra, le scénario ne nécessitait que peu de décors... Comme le sujet m'intéressait, j'ai alors décidé de me lancer dans l'aventure et dans la production de Bolivia.
Vous avez donc décidé de voler de vos propres ailes...
Pas totalement. Car j'ai fait cela tout en continuant à travailler avec Lita Stantic, en particulier sur La Cienaga de Lucrecia Martel (Prix Alfred Bauer de la 1ère oeuvre au Festival de Berlin 2001). C'est aussi pour cette raison que le tournage du film s'est étalé sur plusieurs mois. Cette pratique est courante en Argentine. Mundo grua de Pablo Trapero s'est fait de cette façon. Il y a deux ans, j'ai écrit une lettre à José Maria Riba, qui travaillait alors avec le festival de San Sebastian, pour lui montrer le film qui n'était pas encore terminé et savoir ce qu'il en pensait. Il nous a encouragé à continuer.
Et la sélection de "Bolivia" à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2001 ?
Devenu délégué général de la Semaine de la Critique, José Maria Riba s'est souvenu de notre démarche et nous a contacté. Le comité de sélection a visionné le film et l'a retenu.
Que représente pour vous ce "Prix de la (toute) jeune critique" décerné par des lycéens de Cannes et d'Orléans à l'occasion de cette 40e Semaine ?
Il y a d'abord le plaisir tout simple de recevoir une récompense. Puis, vient le fait qu'elle soit attribuée par un jury de jeunes qui deviendront peut-être critiques de cinéma. Sa seule sélection pour le Festival de Cannes a eu déjà un énorme impact en Argentine. Ce Prix ne peut que faciliter sa promotion et sa distribution.
Des récompenses dans les festivals internationaux, des nombreux films distribués en France. Comment expliquez-vous ce nouvel essor du cinéma argentin ?
Le phénomène est complexe à expliquer. Il y a aujourd'hui en Argentine beaucoup d'écoles de cinéma. Par rapport à la situation antérieure, de plus en plus de jeunes réalisateurs qui sortent de ces établissements, prennent désormais la décision de tourner et ne sont plus bloqués par le manque de moyens, financiers notamment, comme c'était le cas auparavant.
Ils tiennent compte des éléments qui les entourent pour raconter des histoires. Puis, ils filment " avec les moyens du bord ", avec une technique simple, des acteurs professionnels ou non et, bien souvent, avec très peu d'argent. Les conditions de production ne pèsent pas sur la réalisation. Les réalisateurs imposent leur propre regard. Ils sont plus libres. Nous sommes passés d'un cinéma de la dénonciation des années 80 à un cinéma de l'observation.
Peut-on parler de Nouvelle Vague, comme en France ?
Non, car ils n'ont pas de projet commun, c'est un mouvement différent. Des cinéastes comme Adrian Caetano, Lucrecia Martel ou Pablo Trapero ont chacun leur propre regard. Ce qui les rapproche ce sont les conditions de production et de narration, ils partent de zéro. D'autre part, ils se posent des questions et n'ont pas pour ambition de dresser le portrait de la société, de tout un monde, ils ne font qu'observer par le petit bout de la lorgnette des communautés différentes et accordent toujours beaucoup d'humanité et de dignité à leurs personnages.
Tout semble donc aller pour le mieux dans le cinéma argentin ?
Cela pourrait être le cas, malheureusement il en est autrement. Le 1er mai dernier, dans le cadre de sa politique économique libérale, le Ministère de l'Economie argentin a taxé de 20% le prix des billets d'entrée au cinéma. Une décision prise sans concertation des milieux professionnels. Si elle est appliquée, il est souhaitable que cette mesure n'affecte pas l'industrie cinématographique, faute de quoi nous allons vers une crise profonde, car il deviendra impossible pour des productions à petit budget d'être distribuées et de faire face à la concurrence des multiplexes , des films et des exploitants des Etats-Unis. Pour l'heure, l'Instituto Nacional de Cine y Artes Audiovisuales (INCAA) tente de négocier avec le gouvernement argentin.
D.P.