A l'occasion de la sortie d'Entre deux mondes, AlloCiné est allé à la rencontre du réalisateur Fabio Conversi. De nationalité italienne, il partage son temps entre Rome et Paris. Entre deux mondes, son second long métrage, après Le Clône, met en scène les destins croisés de deux hommes, un capitaine de l'armée française, Stéphane Freiss, et un sicilien combattant pour l'indépendance, au moment de la chute des Bourbons et de l'arrivée de Garibaldi dans la Sicile des années 1860. Ennemis pour des raisons historiques ils le sont également pour des raisons personnelles : ils aiment la même femme et sont déchirés par leur amour pour elle.
Fabio Conversi s'exprime ainsi sur le propos du film : "L'idée générale du film est celle de deux hommes qui ont aimé sans le savoir la même femme et ont été aimés par elle. Ceci dans des temps difficiles : on découvre une terre, la Sicile, en pleine déroute. Le film est une dénonciation de la guerre, qui ne produit que des horreurs. Le capitaine Loyola, joué par Stéphane Freiss, ne comprend pas lui même les raisons des carnages qui ensanglantent la Sicile. Il est désemparé devant de telles atrocités.
Au coeur de l'histoire, il y a la vie de deux hommes, tous les deux très beaux, qui représentent chacun quelque chose; d'une part le noble Français, le mari idéal, joué par Stéphane Freiss, et d'autre part, l'homme qui représente la Sicile, la révolution, le nouveau siècle. Tout cela pour arriver à la fin du film où le sacrifice de l'un sera inévitable pour donner naissance à un monde nouveau... L'idée était de faire un film en costumes tout en échappant aux codes du genre, en le rendant plus actuel."
La période de l'histoire évoquée dans le film, la chute des Bourbons et l'arrivée de Garibaldi en Italie, n'a vraisemblablement pas été pour Fabio Conversi l'attrait majeur de ce projet : "le côté historique ne m'a pas tellement attiré. On m'a proposé un scénario déjà écrit, j'ai participé aux dialogues. Cela m'intéressait plus de réfléchir à la confrontation entre un Français et un Italien, habitant moi-même entre Rome et Paris. Ce qui me tenait à coeur était d'analyser la dualité de l'homme ; les deux protagonistes illustrent cette dualité, en représentant chacun deux pendants d'un même prersonnage."
Comment s'est opéré le choix des acteurs ?
"Je connaissais Stéphane depuis très longtemps. Nous avions travaillé ensemble sur un film d'Yves Boisset. C'est un très bon acteur et j'avais vraiment besoin de quelqu'un qui parle parfaitement l'italien car je ne voulais pas de doublage. Il a cette allure de prince charmant, idéale pour incarner un noble Français. J'ai eu la chance que Michele Placido, grand acteur et grand réalisateur italien, accepte de jouer le rôle du sergent, le fidèle compagnon de Stéphane Freiss. Cela m'a beaucoup touché."
Le tournage de ce film semble avoir été assez éprouvant : "Nous avons travaillé dans des conditions très difficiles avec des centaines de figurants et de chevaux. Quand vous ratez une prise avec des chevaux, il faut tout recommencer, c'est un cauchemar. J'ai souvent été au bord des larmes. C'était très dur mais beau en même temps. Avant cette expérience, cela me paraissait impensable de tourner un film en costumes. Une fois sur place, c'était magique. Le matin, lorsque les figurants arrivaient, que le chef opérateur réglait la lumière et qu'enfin les acteurs se mettaient en place, on se serait vraiment cru en 1860."
Entre deux mondes évoque nécessairement Le Guépard de Luchino Visconti, mais Fabio Conversi dit avoir essayé d'éviter de penser à cette référence qu'il juge écrasante : "C'est très difficile de ne pas penser au Guépard, néanmoins mes collaborateurs et moi avons évité de revoir le film avant et pendant le tournage. Personne n'oserait rivaliser avec Visconti. J'ai voulu m'en détacher en réalisant le pendant populaire du Guépard, en ne me plaçant pas du côté de l'aristocratie, que Visconti a si bien dépeinte. Avec le chef opérateur, nous avons beaucoup travaillé sur les tableaux de cette époque-là."
Depuis Entre deux mondes, Fabio Conversi a réalisé un autre film qui met en scène une histoire de femmes en prison avec notamment Angela Molina et Giovanna Mezzogiorno : "J'ai essayé de fuir tous les clichés en offrant une très belle histoire d'amitié entre huit femmes. Et je me suis ainsi attaqué à un environnement radicalement opposé à celui d'Entre deux mondes."
E.M.