Lundi 12 mars, dans les salons feutrés de l'hôtel Costes.
L'air décontracté, un jeune homme à l'allure plutôt intello s'avance. Inconnu il y a trois ans, auréolé par bon nombre de critiques depuis la sortie de Pi, confirmé par Requiem for a dream, le cinéaste intrigue. Mais qui est donc Darren Aronosfky ?
De Brooklyn à "Pi"
1969, année érotique, l'homme marche sur la Lune, et à Brooklyn naît Darren Aronosfky. Il vit une enfance classique, largement influencé par la culture hip-hop du quartier. Une composante que l'on retrouve dans ses longs métrages, de Pi à Requiem for a dream : "je divertis les gens, comme dans un concert pop, avec des sons, des images, des idées. Et pour 100 minutes de leur vie, ils ont l'esprit épanoui. Le but de Requiem était de faire un film de culture pop". Pop, sûrement. Trash, assurément.
Darren Aronosfky a tout du premier de la classe : il suit des études de réalisation et d'animation à Harvard, et enchaîne avec un diplôme complémentaire de réalisation à l'American Film Institute, l'équivalent de notre Femis. Las de ne pas trouver de financements, Darren crée sa société de production, Protozoa Pictures, avec le producteur Eric Watson. Ensemble, ils optent pour l'auto-production, et demandent à tous leurs amis de contribuer au financement du film. Ils récupèrent ainsi 60 000 dollars, et Darren Aronofsky réalise Pi. Cette histoire de ronds, de maths et de migraines va permettre au réalisateur de sortir de l'anonymat. En janvier 1998, le film est présenté à Sundance, où il reçoit le Prix de la mise en scène. L'effet est immédiat et la bombe Aronofsky est lancée. Avec 3,2 millions de dollars de recettes au box-office américain pour un budget de seulement 60 000 dollars, Pi est l'un des films les plus rentables de l'année 1998.
Descente aux enfers pour le rêve américain
Le cinéaste, lui, est déjà passé à autre chose. Boulimique de travail, il a déjà acquis les droits de Requiem for a dream, le roman-culte d'Hubert Selby Jr. "Je suis un fan de Hubert Selby Jr depuis très longtemps. Ce sont ses livres qui m'ont donné envie d'écrire. Quand j'ai lu ce roman, c'était comme si on m'avait donné un coup de poing dans l'estomac, et pendant deux semaines, j'ai eu un impact émotionnel très fort. J'ai donc eu envie de faire partager cette émotion au public." Darren Aronosfky a été marqué par la profonde similarité qu'il y a entre les addictions, qu'elles soient licites ou illicites, centrées sur des produits ou sur des comportements : "Prendre des drogues dures ou arrêter la nourriture pour perdre du poids relève de la même psychologie. Tout le monde, tous les jours, est dépendant d'une forme d'addiction." Le film, comme le livre, se présente comme une critique de l'American Dream, avec l'espoir comme ultime addiction.