Comment peut-on expliquer la hausse des investissements de 16 % dans les films français de 1999 à 2000 ?
D'abord, c'est un signe de confiance dans les capacités de l'industrie cinématographique. Cela veut dire qu'il y a de l'ambition, de beaux projets avec de gros budgets. Heureusement, il y a aussi beaucoup de films à petits budgets car nous avons une industrie cinématographique variée. C'est plutôt la production dans la catégorie intermédiaire - les films entre 20 et 50 millions de francs - qui a un peu baissé.
L'investissement, c'est ce qui fait le cinéma de demain. Cela signifie des films spectaculaires, en costumes, et des tournages en extérieur importants.
Qui sont les principaux financeurs ?
Canal + continue de financer une partie importante du cinéma français. La chaîne a contribué à hauteur de 954 millions de francs l'an dernier. La télévision est une source de financement importante, mais n'oublions pas le Centre national de la cinématographie (CNC) avec l'avance sur recettes qui a financé 45 films.
Il y a plus d'argent, mais celui-ci est attribué à moins de films. Est-ce inquiétant ?
Non. Il y a un peu moins de films produits l'an dernier, mais nous restons dans une très bonne moyenne. Nous sommes le pays qui, derrière les Etats-Unis et l'Inde, produit le plus defilms. Je crois qu'il n'y a pas beaucoup de secteurs d'activités en France où nous pouvons en dire autant. Je constate que nous avons, en ce moment, la quantité, la qualité et la diversité.
L'augmentation des films à gros budgets est-elle une bonne chose pour le cinéma français ?
C'est une vieille question. Y a-t-il une corrélation entre l'importance du budget et le succès d'un film ? D'après certaines études récentes, il semblerait qu'il y en ait une. Un budget de films doit consacrer beaucoup d'argent à la production, au casting, au tournage, mais aussi à l'écriture, au développement, à la distribution et à la promotion de films. C'est sur ces derniers points que nous avons des efforts à faire.
Nous dépensons beaucoup moins d'argent dans l'écriture de scénarios que les Américains. C'est un point sur lequel il faut que nous fassions des efforts. Les investissements dans l'écriture de scénarios représentent près de 10 % du budget du film aux Etats-Unis, alors qu'en France on doit être aux alentours de 2 ou 3 %.
Et puis nous ne dépensons pas suffisamment pour la promotion et la distribution du film. Si vous regardez les films américains, il y a presque autant d'argent dépensé pour distribuer et promouvoir le film que pour le produire à proprement dit.
Quelles mesures prévoyez-vous au niveau de l'aide à l'écriture ?
Je ne voudrais pas dévoiler ce que la ministre de la Culture, Catherine Tasca va annoncer ces prochains jours. Nous avons lancé une série de travaux en 2000. J'ai notamment commandé au producteur Charles Gassot un rapport sur l'écriture. Il m'a remis des propositions qui ont fait l'objet d'une concertation. Je crois pouvoir vous dire que cela traduira un effort important dans ce secteur qui mérite qu'on y attache de l'importance.
Nous avons aussi commencé à faire des efforts au niveau de la distribution. L'aide sélective à la distribution a déjà été sensiblement augmentée depuis deux ans. Cela continuera puisque des décrets qui vont sortir dans quelques semaines comporteront des dispositions à ce sujet. De plus, les accords avec Canal + comportent des mesures nouvelles sur la distribution. Lorsque l'on met ces dispositions bout à bout, cela fait déjà des investissements sensiblement supérieurs dans ce domaine. C'était nécessaire. Maintenant, il faut encore accentuer ces efforts, notamment en faveur de la distribution indépendante.
Avez-vous prévu des mesures au niveau de l'exportation ?
Nous avons une réflexion assez avancée au niveau interministériel qui associe les services du Centre national du commerce, les membres de l'ADEF, l'Association des exportateurs et, bien sûr, Unifrance, qui est chargé de la promotion des films à l'étranger.
Quels doivent être les objectifs pour le cinéma français ?
Le premier objectif est d'avoir des entreprises françaises fortes qui puissent jouer un rôle important dans la compétition internationale. Les films français à gros budget doivent pouvoir être amortis sur un marché suffisamment important.
Il faut aussi un tissu de producteurs et de distributeurs indépendants forts, une condition indispensable à la diversité du cinéma.
Il faut travailler, en même temps, dans ces deux directions. Les 171 films agréés l'an dernier ont été produits par 130 producteurs différents. On ne peut donc pas dire que le secteur de la production française est un secteur concentré.
En février, la part de marché des films français a atteint 63 %. Est-ce une situation passagère ?
Le mois de février a été un mois de rêve : des entrées de près de 24 millions de spectateurs. On n'avait pas vu cela depuis 20 ans. Est-ce que cela va continuer ? Peut-être pas au même niveau. Nous étions l'an dernier à 29 % de parts de marché, je prends le pari que pour 2001 nous allons remonter au-dessus du tiers. Ce serait déjà une bien belle performance.
Lorsque je pense aux sorties à venir, je suis sûr que nous allons avoir encore quelques belles surprises.
Il est intéressant de noter que sur le seul premier trimestre 2001, nous avons eu autant de films français qui ont fait plus de 2 millions d'entrées que sur la totalité de l'année 2000. C'est encourageant.
Est-ce dû au fait qu'il y a plus de grosses productions ?
Non justement, c'est ce qui est intéressant. A côté des gros films comme Le Pacte des loups ou La Vérité si je mens ! 2, vous avez aussi des films comme Sous le sable, Barnie et ses petites contrariétés ou Un crime au paradis qui sont des films d'excellente qualité et qui marchent bien. D'autres devraient aussi bien fonctionner comme A ma soeur ! ou Trois Huit. Nous avons la quantité, mais aussi la qualité et la diversité.
On constate une augmentation de la fréquentation. A quoi est-ce dû ? A la carte illimitée ?
C'est difficile à dire, nous manquons de recul. Nous avons lancé une étude pour étayer les débats. Il est assez difficile de séparer l'effet carte de l'effet parc de salles et de l'effet film. Bien sûr, le premier facteur de succès ce sont les films eux-mêmes. Il y a certainement aussi un effet parc. Les conditions de confort et de vision dans les salles se sont améliorés. Les exploitants ont fait des efforts importants pour se moderniser, et pas seulement à travers l'ouverture de multiplexes. Le CNC octroie des aides pour moderniser les salles de centre ville et celles des zones insuffisamment desservies.
Est-ce que s'ajoute un effet carte ? Si l'on observe la dernière période de l'année 2000 en comparant la région dans laquelle il y a eu beaucoup de cartes utilisées avec les zones où il y en a eu beaucoup moins, il semble que la fréquentation a augmenté plus vite dans les régions avec cartes.
On remarque une baisse des coproductions internationales au profit de productions 100 % françaises. Est-ce durable ?
C'est un peu trop récent comme évolution pour dire que l'on est en présence d'un phénomène durable. Est-ce l'un des effets de la réforme de l'agrément ? C'est possible. C'est vrai qu'il y a un recentrage sur les productions 100 % françaises.
J'observe aussi un autre phénomène intéressant : le fait que le nombre de semaines de tournages en studios, en France, a considérablement augmenté l'an dernier. Ce sont peut-être les premiers résultats des commissions régionales de films qui se créent et se développent dans chaque région. Ces commissions ont pour objectif d'attirer en France les tournages. Nous avons la chance d'avoir un pays avec une variété de décors naturels exceptionnels. Je crois qu'il y a là un atout qu'il faut que nous développions.
Il serait question que vous soyez prochainement remplacé à votre poste. Qu'en est-t-il ?
J'observe que le cinéma français va bien, que ses succès sont tout à fait avérés et que le CNC a une politique active puisqu'un certain nombre de réformes sont en train d'aboutir. C'est le résultat d'un travail qui était lancé au cours de l'année 2000 et qui se poursuit.Nous avons besoin de la durée pour réussir dans ce métier. J'aime ce que je fait et je crois m'y dépenser beaucoup.
Le CNC n'est pas le seul responsable des résultats formidables du cinéma, mais est-ce que l'on change une équipe qui gagne ?
Pour l'instant, vous n'êtes donc au courant de rien ?
Absolument. Je suis bien à ce poste et j'entends continuer ma mission avec la même énergie, le même enthousiasme et le même désir de servir le cinéma français dans sa diversité et son indépendance.
M-C.H.