AlloCiné : vous sembliez ne pas vouloir réaliser la suite d'un film. Pourquoi avoir accepté de faire "Hannibal" ?
Ridley Scott : fondamentalement pour la matière. J'ai beaucoup aimé le roman. Dino De Laurentiis (le producteur) m'a demandé de le lire. Je connais Dino depuis des années, mais je n'avais jamais vraiment travaillé avec lui. Puis Dino a dit, "ça y est, on le fait". J'ai aimé le livre, la matière de base était très divertissante, les personnages fascinants, naturellement cinématographiques. Donc je me suis dit que ce serait une bonne option... Bien entendu, c'est une suite, mais j'ai pensé que le roman était si différent du Silence des agneaux, qu'Hannibal serait novateur.
C'est toujours difficile de faire une suite. Comment y êtes-vous parvenu ?
Nous avions les deux mêmes personnages principaux, bien entendu, mais il y avait assez de nouveaux rôles à introduire. Vous avez Mason Verger interprété par Gary Oldman, Ray Liotta qui joue l'homme du département d'Etat, très macho... Et puis l'histoire de Clarice Starling évolue vers quelque chose de plus personnel. Qui est-elle et qu'est-elle devenue après dix ans ? Le film montre ces deux personnages de façon identique : Lecter et Clarice sont similaires. Ce sont tous deux des loups solitaires. Elle vit seule, plongée dans son travail. Hannibal, c'est la même chose, son emploi au musée de Florence est son unique relation aux autres.
Avez-vous essayé de respecter l'esprit et l'atmosphère du "Silence des agneaux" ?
Je savais que je pouvais faire ça car j'avais Anthony Hopkins, mais j'ai davantage essayé de respecter l'esprit du livre Hannibal. C'est la chose la plus difficile : 600 pages que vous ramenez à 110 pages de scénario. Beaucoup de choses doivent donc être retirées, et vous gardez l'essentiel pour le film, tout en conservant l'esprit de ce que vous avez éliminé.
Pourquoi avoir choisi de montrer les détails les plus violents ?
C'était difficile de faire sans. Je ne pouvais pas tout suggérer hors champ. Et puis les deux plus grosses scènes de violence, celle de Pazzi et de Krendler, je pensais qu'elles étaient assez amusantes. (Rires)
Ne craignez-vous pas de choquer le public ?
Non. Ca fait partie de mon travail. Je ne pense pas que c'était gratuit. La scène avec Krendler, par exemple, fait vraiment écho à la passion d'Hannibal pour la cuisine. Et Pazzi, à Florence, est un aristocrate sans fortune, qui doit faire un travail qui ne lui rapporte pas assez pour entretenir sa femme qui est très belle. Et il est guidé, non par l'idée du profit, mais par celle de satisfaire et de gâter sa femme. Donc il a besoin d'argent.
Avez-vous pris du plaisir à faire ce film ?
Enormément.
Comment avez-vous vécu votre collaboration avec Anthony Hopkins ?
C'est probablement l'une des plus grandes expériences de ma carrière. Il est vraiment honnête, ouvert. C'est quelqu'un de modeste qui ne met jamais en avant quel profond artiste il est, il cache ça. Nous travaillons dans le même sens et de façon similaire. Nous avons donc travaillé vite, pris des décisions rapides, en allant toujours de l'avant. C'était vraiment un grand plaisir de réaliser Hannibal, dans un temps très court qui plus est. Au final, c'est à peine si j'ai vu le tournage passer.
Que ressentez-vous par rapport à Hannibal Lecter, car on se sent attiré par lui, mais en même temps repoussé ? Qu'en pensez-vous?
Je ne suis pas repoussé par Hannibal, c'est un personnage fascinant. Thomas Harris a mis dans le roman une chose que je n'ai pas gardée dans le film, même si elle était bien écrite. C'est l'excuse qu'il donne à Hannibal, pour expliquer sa personnalité. Je n'ai pas trouvé ça indispensable. Dans le roman, il évoque sa soeur, cannibalisée par des soldats en 1944. J'ai pensé que nous n'avions pas besoin de cela. J'aimais l'idée d'un Hannibal très pur : il n'y a pas d'excuse pour ce qu'il est, il est simplement comme ça.