Baise-moi était sorti dans les salles françaises dans la chaleur du début de l'été, le 28 juin dernier. Réalisé conjointement par une ancienne "zonarde", qui a depuis couché ses états d'âme sur le papier, et par une ex-actrice de porno, le film avait tout du brûlot sulfureux... Interdit au moins de 16 ans en raison de sa violence et d'un contenu sexuel très explicite, il a très vite enflammé les esprits "bien pensants" et les associations familiales. Sur la saisine de l'une d'entre elles, à savoir l'association Promouvoir, proche de l'extrême droite, "l'affaire" Baise-moi a été portée devant le Conseil d'Etat. Le verdict est tombé le 30 juin, deux jours seulement après la sortie du film : le visa d'exploitation a été annulé, et le film classé X. Ce qui a aussitôt suspendu sa carrière commerciale, en raison du peu de salles diffusant des films pornographiques sur le territoire. Résultat, 49 916 entrées sur toute la (faible) durée d'exploitation en salles.
En revanche, le film s'est plutôt bien vendu à l'étranger, puisqu'il a été acheté sur une trentaine de territoires. Cette exploitation hors de nos frontières s'est poursuivie dans un climat semblable à celui de l'Hexagone, pour les pays dans lesquels le film est déjà sorti. Partout, il a déclenché une vaste polémique, comme dans l'Etat de l'Ontario, où son interdiction a suscité la colère des intellectuels, Atom Egoyan en tête. Au Québec, un spectateur a littéralement mis en pièce une copie de film. Enfin en Belgique, le film a été interdit aux moins de 18 ans. Baise-moi va pouvoir maintenant aborder la phase suivante du processus d'exploitation, en passant sur les autres supports. Bien qu'elle soit "déçue qu'il [ndlr : le film, Baise-moi] n'ait pas eu une exploitation en salles dans des conditions normales", la réalisatrice Virginie Despentes se déclare en tout cas "soulagée" de le voir sortir en vidéo. Elle espère même que cela va permettre de le "dédiaboliser", et ajoute que son film "n'est pas si sulfureux que ça".
Toujours dans le cadre de "l'affaire Baise-moi", rappelons que Marin Karmitz, le patron du réseau de salles MK2, et la réalisatrice Catherine Breillat sont poursuivis : le premier pour avoir continué de programmer le film malgré son interdiction, et la seconde pour avoir appelé à la résistance en lançant une pétition. Ils passeront au tribunal le 2 mars prochain. Pour Virginie Despentes, "c'est un procès absurde fait par une association qui veut se faire un coup de pub spectaculaire". Le cas Baise-moi aura donc laissé des traces, en relançant le vaste débat sur la classification des films. Sept mois après l'interdiction du film, le débat n'a toujours pas trouvé de réponse. Catherine Tasca avait pourtant promis de restaurer l'interdiction aux moins de 18 ans dans les meilleurs délais, et en tout cas avant la fin de l'année 2000. Las ! Toujours pas de trace de cette mesure dans le calendrier parlementaire... Y aurait-il un conflit avec le calendrier électoral, ou le sujet est-il tout simplement passé à la trappe faute d'intérêt de la part des politiques ? Affaire à suivre...
F.M.L