Publié comme chaque année par le Centre National de la Cinématographie, le bilan de la fréquentation cinématographique hexagonale en l'an 2000 met en avant deux phénomènes.
Une fréquentation en hausse
Premier constat, la fréquentation a connu une forte hausse de 6% par rapport à 1999 pour laquelle le compteur s'était arrêté à 155,5 millions d'entrées. Avec 165 millions d'entrées, l'année 2000 affiche même le deuxième plus gros score de la décennie derrière l'année 1998 qui avait vu le phénomène Titanic propulser la fréquentation vers un total supérieur à 170 millions d'entrées.
Pour expliquer cette hausse de la fréquentation, Jean-Pierre Hoss, directeur général du Centre National de la Cinématographie, souligne l'importance du facteur multiplexes. L'augmentation du nombre de ces nouveaux cinémas a ainsi atteint en 2000 le nombre record de 83 contre 65 fin 1999. Cette hausse du nombre des écrans est véritablement essentielle pour expliquer la hausse de la fréquentation selon le directeur du CNC.
Autre facteur important, le nombre de films distribués qui a atteint cette année le nombre incroyable de 540, soit dix films par semaine en moyenne. Parmi ces films, cette année a vu fleurir des succès conséquents, inattendus ou prévisibles, de Taxi 2 à Sixième Sens en passant par Gladiator, Dinosaures, Scary Movie, Mission Impossible 2, Les Rivières Pourpres, Tigre et Dragon et très probablement Incassable qui aurait déjà attiré près de 300.000 spectateurs dans les salles pour son premier jour d'exploitation.
L'année 2000 aura vu déferler une inflation de films, cependant jugée positive par Jean-Pierre Hoss : "Se plaindre qu'il y a trop de films produits me choque. Je préfère qu'on ait ce problème là, plutôt que l'inverse. D'abord, ils sont tous distribués. Avec les ouvertures de salles, il y a les écrans et, avec les engagements des programmations qu'on vient de faire prendre aux exploitants, il y a une durée minimum d'exposition dans la plupart des cas".
Bizarrement, l'effet "cartes illimitées" sur la hausse de la fréquentation apparaît discutable pour le directeur du CNC. Jean-Pierre Hoss met ainsi en avant un manque de recul et de chiffres pour évaluer de façon efficace l'impact des formules de cinéma à volonté, ainsi qu'un phénomène indéniablement important à Paris mais encore trop circonscrit à la seule région parisienne pour avoir un véritable impact au niveau de la fréquentation nationale. Il pense cependant que les cartes si longtemps décriées ont eu un effet positif sur la fréquentation hexagonale.
Bilan discutable pour le cinéma français
Avec cette hausse importante de la consommation cinématographie des Français, 2000 serait donc logiquement une année positive pour l'industrie cinématographique française. Cependant, l'année qui s'achève offre un bilan en demi-teinte pour le cinéma français.
Malgré l'augmentation du nombre de films français sortis en exclusivité cette année (dix-sept de plus qu'en 1999), les films français ont vu leur part relative baisser de façon significative par rapport à l'an dernier avec un chiffre proche de 30% contre 32,4 % en 1999. Mais cette baisse reste toute relative dans la mesure où la part du cinéma français sera calculée sur un total d'entrées supérieur à celui de 1999. Au final, si la part de marché s'effrite, le nombre d'entrées devrait être assez similaire à celui de 1999 selon Jean-Pierre Hoss : "Comme le nombre d'entrées sera supérieur d'environ dix millions par rapport à l'an dernier, on aura un pourcentage un peu moindre qu'en 99 mais, au total, le nombre d'entrées pour les films français devrait être très proche".
Et quand certain parlent de recul du cinéma français, le président du CNC tempère les analyses pessimistes : "Ce n'est pas un résultat énorme mais il n'est pas aussi mauvais qu'on veut bien le dire. Sept films ont dépassé le million d'entrées contre dix l'an dernier. Ils ont fait un total comparable à celui des dix films millionnaires de l'an dernier".
Le cinéma hexagonal peut même se vanter d'afficher le meilleur résultat national à domicile parmi les pays européens, avec 30% de part de marché contre 13% pour le cinéma allemand et 10% pour le cinéma espagnol.
Au tableau d'honneur des productions françaises, Taxi 2, grand vainqueur de l'année avec plus de dix millions d'entrées, Les Rivières Pourpres et Le Goût des Autres se sont classés dans le top 10. Mais ils trustent à eux trois près de la moitié des entrées réalisée par un cinéma français qui a pourtant produit cette année près de 150 films...
Selon le Film français, qui a effectué son calcul sur les vingt premiers films français, la part du cinéma hexagonal serait sur la pente descendante avec 27 % contre 68% pour les productions américaines. Si le pourcentage reste en l'état après la prise en compte de la totalité de la production nationale, le cinéma français passerait pour la troisième fois depuis la seconde guerre mondiale (après 1994 et 1998) sous la barre des 30% de part de marché.
Et la cuvée américaine 2001 qui proposera entre autres Hannibal, Pearl Harbor, Tomb Raider , Rollerball, La Planète des Singes, Jurassic Park 3, Traffic, Enemy at the gates, Quills ou Moulin Rouge pourrait facilement amplifier et aggraver ce phénomène préoccupant...
Y.S. avec AFP