Jusqu'à présent le film mythique de Nagisa Oshima L'empire des sens n'était visible au Japon que dans une version tronquée qui éliminait les scènes de sexe les plus crues.
Aujourd'hui, 24 ans après sa sortie, évolution des moeurs aidant, c'est une version d'origine de 109 minutes, sans coupures, que les Japonais peuvent voir sur leurs écrans. A la petite subtilité près que, dans le but de ne pas choquer la sensibilité nippone, des masquages digitaux ont été utilisés pour camoufler les parties génitales. La censure n'est peut-être pas très loin mais Nagisa Oshima a affirmé sa satisfaction dans la presse japonaise .
Ce film à la réputation sulfureuse, à la limite de l'art et de la pornographie, a valu à son auteur des ennuis pendant le tournage et un procès pour obscénité à sa sortie au Japon. En effet ce film, qui devait à l'origine s'appeler La Corrida de l'amour est sans doute l'un des plus violents jamais réalisé sur l'obsession érotique. Oshima y montre de façon presque clinique les organes sexuels en gros plan.
C'est le producteur français Anatole Dauman, à la tête d'Argos Films qui a proposé à Oshima au début des années 70 de coproduire un film à caractère érotique, sinon pornographique. Oshima mit alors un certain temps avant de parvenir à tourner l'histoire d'une ancienne geisha, servante dans une auberge de Tokyo, qui devient la maîtresse du mari de sa patronne. Le couple est dévoré par une passion paroxystique dans laquelle la femme domine et qui mènera l'homme à la mort.
Au dernier festival de Cannes, Oshima a présenté son premier film après quatorze ans de silence, Tabou, alors que l'on pensait qu'il ne tournerait plus, suite à un grave accident cérébral en 96. Cette histoire de samouraïs homosexuels a été produite par une structure japonaise ce qui est une nouveauté pour Oshima qui n'avait depuis 28 ans tourné qu'avec l'aide de capitaux français ou anglo-américains.
Qu'en est-il alors de la haine d'Oshima à l'égard de son pays natal, lui qui semblait profiter de chacune de ses interventions publiques pour critiquer les autorités japonaises et l'état de la société moderne ? On peut penser que la production de son dernier film par une structure japonaise, ainsi que la sortie de L'empire des sens en version originale l'auront apaisé.
E.M avec AFP