Ah, quel bon moment que celui où les lumières des salles obscures se baissent petit à petit jusqu'à ce que plusieurs rangées de spectateurs soient plongés dans la nuit la plus totale. La collectivité garde les yeux rivés sur l'écran, guette l'instant où la grande toile va s'éclairer. Imaginez un instant que ce moment ne vient pas. Ô rage, ô désespoir, c'est la bizarre expérience que quelques milliers de cinéphiles lusitaniens ont connu vendredi dernier. Ce jour-là, les écrans portugais accueillaient Bianca de Neve (Blanche Neige) de Joao César Monteiro, premier film... en Noir et Noir ! Bingo, le film a fait parler de lui et a déclenché une vive polémique sur cette partie de la péninsule ibérique.
"Ce n'est pas un film, ni pour la télévision, ni pour le cinéma" s'indigne-t-on à la première chaîne du service public lusitanien. Dans les hautes sphères de l'Institut portugais du cinéma, de l'audiovisuel et du cinéma (ICAM) on regrette déjà les subventions accordées à cette curiosité, assemblage de plans noirs épars, parfois muets, traversé par une voix off à cinq têtes récitant le texte de l'écrivain suisse Robert Walser. Et ce, pendant 75 minutes ! Du coup l'ICAM et la société de télévision publique RTP ont décidé de réduire de moitié les 750.000 euros de subvention initialement prévus. La production de Bianca de Neve ayant avoué que le film n'a coûté que la moitié du budget initial.
Le président de la commission technique de l'ICAM a beau jeu, alors, de se déclarer "ouvert aux oevres qui font ruptre". Pour le coup il a été grassement servi. "Bianca de Neve est l'expression esthétique d'un entêtement, le premier 'blackout' du cinéma portugais", décrypte le journal Publico. La radio privée TSF songe de son côté à montrer le film sur les ondes. Blanche-Neige, premier film en noir et noir et première oeuvre cinématographique diffusée à la radio ?
M.C.B. avec AFP