Si vous n'aviez pas été dans la profession, qu'auriez-vous fait ?
Liv Ullmann : Si je n'avais pas été réalisatrice , j'aurais été actrice, ce que j'ai été pendant quarante ans. (rires) Et si je n'avais pas été actrice, j'aurais été écrivain, ce que j'ai aussi fait. Et si je n'avais pas fait cela, j'aurais voyagé dans le monde entier pour écrire et parler aux réfugiés. Ce que j'ai aussi fait.
Mais, si j'avais du faire quelque chose que je n'ai jamais fait, j'aurais été vétérinaire si toutefois j'avais été bonne à l'école.
Le premier film que vous ayiez vu sur grand écran ?
Je m'en souviens. C'était Fantasia de Walt Disney. Je ne l'oublierai jamais. C'était une impression incroyable. Je n'avais pas vraiment réalisé que c'étaient des dessins ; je me croyais dans le réel, la fantaisie...
Votre réalisateur de référence
Il est décédé, c'était José Quintero [réalisateur de "The Roman Spring of Mrs Stone" - 1961 avec Vivien Leigh et Warren Beatty], qui était un grand monsieur du théâtre. Mais, aussi Jon Troell, un réalisateur suédois qui est quelqu'un de merveilleux. Il peint littéralement avec sa caméra.
Votre meilleur souvenir professionnel
Mes débuts au théâtre, jouer avec Franck Dariovan. Parce que c'était tout ; c'était la vie, ce théâtre, cette odeur, ces costumes, cette excitation quotidienne qui en ce moment me quitte. C'était de la vie. Je vivais le rôle...
Votre plus grand regret professionnel
Avoir dit non à Fanny et Alexandre qu'Ingmar Bergman avait spécialement écrit pour moi. Je me demande encore pourquoi j'ai dit non. Professionnellement, c'est mon plus grand regret.
La rencontre déterminante dans votre carrière
Je crois que la personne la plus importante que j'ai rencontrée, c'est Ingmar Bergman. J'ai fait neuf films avec lui en tant qu'actrice, collaboré à deux scénarios et mis en scène une pièce de théâtre. Il faut encore parler de José Quintero, car j'ai joué trois pièces sur scène avec lui. C'était inoubliable, car c'est uneâme sur deux jambes, tout comme Ingmar qui était un génie. A certains moments, c'est plus amusant de travailler avec un esprit, à d'autres, on apprend avec un génie...
Si vous deviez arrêter le métier demain, que regretteriez-vous ?
Le fait de travailler en équipe, tous les gens avec qui je collabore... C'est vraiment ça qui me manquerait, le travail d'équipe. Je ne pense pas qu'il y ait autre chose.
En résumé, "Infidèle"...
C'est lorsque vous n'êtes pas digne pour quelqu'un, quand vous le regardez dans les yeux et que vous lui dites "Je t'aime", et que derrière ce mot se cache plein de secrets. Vous le laissez vulnérable. Ce n'est pas une relation saine.
"Infidèle" : fiction ou réalité ? Votre réaction quand Ingmar Bergman, votre ex-compagnon vous a proposé le script ?
Le film n'a rien à voir avec ma vie. Parce que la réalité des faits s'est produite bien avant que je ne le sache. C'est arrivé il y a quarante ans. Mais, certaines scènes ne sont pas de la fiction, mais bien de la réalité.
A-t-il été difficile de montrer une part de son intimité ?
C'était assez difficile pour moi. Mais, ça aurait été encore plus difficile pour lui de le faire lui-même. Je crois que c'est une des raisons pour laquelle il n'a pas voulu le faire. C'est pour cela qu'il m'a demandé de le réaliser, parce qu'ainsi, il ne serait pas responsable des images, ou du portrait que je ferais de Bergman ou des autres personnages.
Comment s'est passé le travail avec Lena Endre, qui interprète Marianne ?
Vous savez, tous les acteurs sont si créatifs lorsqu'ils sont bons. Ce que vous faites avec de tels acteurs, c'est de rester avec eux dans une pièce, de discuter de la scène, puis ensuite de les laisser fleurir, sans leur dire comment.
Bien sûr, vous avez un certain contrôle parce que tout le système, la structure est la vôtre. Vous savez ce que chaque scène est censée représenter. Mais, on ne dit pas aux bons réalisateurs ce qu'ils doivent penser ; on les laisse avoir leurs propres pensées.
On note avec "Infidèle", "Chansons du deuxième étage", "Dancer in the Dark" qui ont été présentés au dernier Festival de Cannes, un certain "come-back" du cinéma scandinave. Qu'en pensez-vous ?
J'espère que cela présage quelque chose de bon pour le cinéma scandinave. Ces trois films sont très différents. Vous avez un film estampillé "Dogme" ; un autre qui est une magnifique peinture de Roy Anderson, assez étrange, baroque et théâtrale. Je trouve très bien que ces trois longs métrages aient la même filiation. Cela donne de l'espoir, car nous sommes assez différents les uns des autres, mais cela donne des choses assez amusantes, chaleureuses. Je pense vraiment qu'on va dans ce sens. J'espère que la Norvège y viendra aussi à son tour, car je suis originaire de ce pays.
Vos prochains projets
Pour l'instant, je ne suis pas très sûre de ce que je veux faire... Pour faire un film, il faut donner deux ans de sa vie. Je voudrais un peu de silence, de calme dans ma vie. A ce moment là, je ferais mon choix : soit rester dans le silence, soit faire une histoire d'amour entre deux personnes âgées, dont l'une est quelque peu dérangée...