AlloCiné : Si vous n'aviez pas été comédienne, qu'auriez-vous fait ?
Tamara Acosta : Avant de vouloir être actrice, je voulais être archéologue, journaliste ou étudier la philosophie...
Le premier film que vous ayiez vu sur grand écran
Je crois que c'était une version française du "Petit Prince" avec un acteur français très connu dont je ne me rappelle plus le nom. C'est comme un vague souvenir très lumineux avec cet acteur en costume de renard ! C'était très impressionnant.
Votre actrice de référence
Elles sont si nombreuses, de tous les pays, que je peux en citer une trentaine. Mais, je préfère les anciennes, celles du début du cinéma, comme Marlène Dietrich. Ces actrices avaient du talent, quelque chose de lumineux. On ne savait pas si c'était le cinéma qui les "illuminait" ou l'inverse.
Au fil du temps, les héroïnes de cinéma sont devenues plus "normales", courantes en quelque sorte.
Votre meilleur souvenir professionnel
Vous savez, au Chili, c'est assez difficile d'être acteur ; les productions sont peu nombreuses, ce qui rend les opportunités assez rares.
Quand j'ai commencé à travailler, je suis allée voir un réalisateur chilien qui habitait à New York. C'était ma première audition pour un vrai rôle. Au Chili, cette pratique n'est pas courante.
J'étais avec toutes les actrices de ma génération. C'était terrible de devoir parler, debout face à lui, faire un monologue... Tout le monde sortait en pleurant. J'ai passé l'audition ; en sortant, je n'y croyais pas.
Quelques jours plus tard, le réalisateur m'a appelée ; il souhaitait que je joue dans son film. Mon rêve se réalisait : devenir une actrice ! Je me rappelle de l'émotion, de l'impression, parce que je n'espérais rien.
Votre film de chevet
Ils sont si nombreux. Je crois que La leçon de piano est mon préféré.
La rencontre déterminante dans votre carrière professionnelle
J'admire beaucoup les acteurs en général ; mais, je vénère le plus les réalisateurs, car faire un film est une folie. C'est quelque chose d'incroyable, comme une utopie. Les réalisateurs sont ceux qui continuent à croire en cette utopie. Celui que j'admire le plus, c'est Peter Greenaway. Il arrive à mélanger les genres ; il croit que le cinéma a des vertus. Il croise le cinéma, l'architecture, le dessin. C'est très intéressant comme type de cinéma contemporain.
Si vous deviez résumer "Radio Sexo Latino"
Je dirais que c'est un film simple qui traîte de problèmes fondamentaux humains. A première vue, ce film paraît léger. Mais, si vous retournez le voir, il est ponctué de références qui sont très fortes pour nous les Chiliens, mais qui sont tout aussi universelles. Le film parle simplement de l'être humain.
"Radio Sexo Latino" est inspiré d'une émission radio chilienne...
En effet, c'est une émission qui s'appelle "El Chacotero Sentimental" ; ce programme est très connu et connaît un très grand succès.
Le concept est simple : un animateur excentrique, "El Rumpy" reçoit des appels téléphoniques de personnes qui désirent parler de leurs problèmes, sentimentaux le plus souvent.
C'est un phénomène à Santiago et au Chili ; à l'heure de l'émission, tout le pays "se fige", les taxis s'arrêtent et les gens dans les magasins interrompent leurs courses pour écouter ce show.
Ce film a élargi le discours des Chiliens, initialement assez fermé. C'est le reflet d'une culture catholique, très structurée. Nous sortons de la dictature Pinochet qui a figé les esprits. C'est notre façon d'être ! Cette émission a ouvert les esprits ; c'était la première fois qu'on parlait des préservatifs, de relations sexuelles, du SIDA... Ce "Rumpy" est un peu le "psychologue populaire".
La situation du film renvoie à une réalité. L'avez-vous vécue ? notamment cette promiscuité dans les cités ouvrières ?
Quand nous avons tourné le film, j'étais sur place, au sein d'une population en périphérie de Santiago, où ont été construits des milliers de logements sociaux, tous identiques, insalubres, de mauvaise qualité. En quelque sorte des favelas, qui ont marginalisé la population.
Pour sortir des favelas, il n'y a que deux bus. Et les gens n'ont même pas d'argent pour le prendre !
Ceux qui sortent sont ceux qui travaillent. En journée, la population est composée uniquement d'enfants et de femmes. Il n'y a pas d'hommes ; ils ne reviennent qu'en fin de journée. C'est un phénomène de société, qui existe aussi ici, pas uniquement en Amérique Latine, bien que là-bas, la marginalité soit accentuée par une grande pauvreté. C'est un phénomène commun au monde entier.
Le film est divisé en trois parties. Avez-vous eu le sentiment de jouer dans un court métrage ou dans un long ?
Je n'ai pas eu le sentiment de jouer dans un court métrage, même si le film est tourné en trois parties. Il ne faut pas perdre de vue que c'est une histoire, trois tranches de vie regroupées pour n'en former qu'une seule.
Je pense que si ça avait été un court métrage, j'aurais été dans un état d'esprit différent. Je ne peux pas vous expliquer ; c'est une façon d'être.
Comment était l'ambiance sur le plateau ?
C'était assez facile. Grâce à l'atmosphère du lieu, la maison était une habitation réelle, tout comme les figurants, des habitants du quartier, des enfants, des bébés. C'était un travail commun. Par exemple, la sécurité, la vigilance étaient assurées par la population.
Quel succès a obtenu le film au Chili et en Amérique Latine ?
Ce film est le film le plus vu de l'histoire du cinéma chilien : plus d'un million de spectateurs. C'est quelque chose d'incroyable ! Le film s'est vendu au Pérou ; on commence à en entendre parler en Amérique Latine, grâce aux nombreux festivals et prix qu'il a obtenus, aux Etats-Unis ou en Europe.
Votre succès et votre Prix d'Interprétation au Festival de Santa Cruz ont-ils changé quelque chose à votre statut au Chili ?
Non ! Bien au contraire !