AlloCiné : Si vous n'aviez pas été réalisateur, qu'auriez-vous fait ?
John Singleton : J'aurais été professeur.
Le premier film que vous ayiez vu sur grand écran
Le premier film que ma mère m'a emmené voir était Rosemary's Baby. Mais, je me souviens avoir vu plusieurs films quand j'étais petit garçon, comme Walkabout de Nicolas Roeg. Tout comme l'original Shaft, ou encore Jabberwocky des Monty Python, je crois. Ce sont ceux dont je me rappelle.
Je n'ai pas du tout grandi en regardant des films de Disney ; c'est une chose très positive pour moi en tant que réalisateur. J'ai raté chaque film d'animation de Disney ; je voyais des films pour adultes dès mon plus jeune âge.
Votre réalisateur de référence
J'aime beaucoup de réalisateurs ; je ne peux pas dire lequel je préfère en particulier. Je suis influencé par le travail de beaucoup de réalisateurs différents, de John Ford à Alfred Hitchcock, en passant par Akira Kurosawa, Orson Welles. Et les nouveaux comme Steven Spielberg, Martin Scorsese ou Francis Ford Coppola. Je trouve très intéressant le travail de beaucoup de réalisateurs à travers le monde.
Ma vie est calquée sur celle de François Truffaut, dans le sens où le cinéma m'a sauvé d'une vie de délinquant. Je n'étais pas un bon élève, ni idiot. J'étais intelligent, mais je n'aimais pas l'école. Parfois, j'allais au cinéma au lieu d'aller à l'école. Ma mère n'aimait pas que je fasse cela ; mais mon père disait "si tu as envie d'aller au cinéma, vas-y". Et c'est bien car j'ai appris beaucoup de choses.
Votre meilleur souvenir professionnel
Professionnellement parlant, mon plus grand souvenir a été la présentation au Festival de Cannes en 1991 de mon premier film, Boyz'n the hood. Spike Lee, que j'admire depuis tant d'années et que je connaissais depuis la fac, était là, ainsi qu'Eddie Murphy et Quincy Jones. Ice Cube et moi-même sommes montés sur scène pour présenter le film. Et le public a fait une standing-ovation. C'était mon plus grand souvenir de Cannes. C'était la première fois que mon film était montré, et c'était ici en France.
Votre plus grand désir
Mon plus grand désir est d'avoir ma propre maison de production. Je pourrais ainsi produire des films différents, indépendants. On dit que le cinéma américain ne produit que des films "à sensation", alors que le cinéma est "émotion". Moi, j'aimerais faire des films qui sont émotionnellement sensationnels. Pour ce, je passe beaucoup de temps non seulement à regarder des films, mais aussi à lire des romans. Et j'observe le monde autour de moi, comment les gens se comportent en réalité. Je trouve que mon devenir, en tant qu'être humain, fait évoluer mon travail. Et lors de cette progression, j'aimerais aider d'autres cinéastes.
Comment résumeriez-vous "Shaft" ?
Shaft est un "cool soul brother", en long manteau de cuir noir, qui adore la funky music de Isaac Hayes, qui assure un max et lève toutes les filles. Le rôle principal est tenu par Samuel L. Jackson, que vous connaissez à cause de Jackie Brown et Pulp Fiction. Voilà, comment je résumerai le film.
Pourquoi un nouveau "Shaft" ?
C'est moi qui ai eu l'idée de faire un nouveau "Shaft". J'ai grandi avec l'original. Je me suis toujours dit que si, un jour, j'avais la possibilité d'être un cinéaste, je ferai un nouveau "Shaft". Il y a un nouveau Bond tous les deux ans, alors pourquoi pas un nouveau "Shaft" ?
Le choix des comédiens
Samuel L. Jackson est le Michael Jordan des acteurs. Il est toujours au bon endroit, quand il le faut. Il a toujours de bonnes idées. C'est un comédien expérimenté. Il est drôle, cool, vraiment trop cool.
Christian Bale (le huppie serial-killer d'"American Psycho" NDLR) est aussi un très bon acteur. Il est très drôle. Beaucoup de gens ne savent pas qu'il est britannique, gallois plus exactement. Aux Etats-Unis, il cache son accent et les gens croient qu'il vient de Californie, ou de Santa Monica Beach. C'est très drôle quand il se sert de son vrai accent. Il joue un des méchants, Walter Wade Jr, un sale gosse de riches qui a commis un meurtre. Et puis, il y a Jeffrey Wright, dont vous allez entendre parler à l'avenir. C'est lui qui interprétait le peintre Basquiat dans Basquiat. Dans Shaft, il joue un puissant dealer dominicain, People Hernandez, qui se met de mèche avec Christian Bale, afin d'éliminer un témoin gênant, joué par Toni Collette. Jeffrey Wright "vole" en quelque sorte le film ; c'est un acteur quasi-inconnu, mais qui va être reconnu après.