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    Errol Morris

    A l'occasion de la sortie du docu-enquête "Mr Death", le réalisateur américain Errol Morris se livre à son "Parole de Star".

    AlloCiné : Quel est le premier film que vous ayiez vu sur grand écran ?

    Errol Morris: C'était il y a très longtemps. J'avais l'habitude d'aller au cinéma avec ma tante quand j'étais petit, dans les années cinquante. C'était le grand boom de la science-fiction, des séries B à deux sous, aux Etats-Unis.

    Votre réalisateur de référence

    Il y en a tellement. Parce que j'aime tous les genres de films. Il y a plein de réalisateurs français que j'admire intensément : Bresson, Truffaut... Aussi, Hitchcock. Bref, les gens qui arrivent à créer un univers à part entière dans leurs films.

    Votre meilleur souvenir professionnel

    Probablement le film que j'ai fait au Texas sur les hommes du couloir de la mort, The Thin Blue Line en 1988. J'ai révélé cette grave erreur de justice. J'avais trouvé un condamné à mort noir, Randal Dale Adams. Grâce au travail d'investigation que j'ai mené dans le documentaire, je suis arrivé à faire sortir de prison cet innocent. Le jour où il a retrouvé la liberté, je me suis dit que j'ai fait quelque chose d'extraordinaire : sauver la vie d'un être humain. Pour moi, c'est le plus grand moment de ma carrière. Et de ma vie d'homme.

    Votre plus grand souhait

    Continuer de travailler. Et rester actif.

    Votre film de chevet

    Je ne pense pas en avoir un en particulier. En fait, il j'en admire beaucoup. J'ai toujours pensé qu'il n'existait pas un film que je puisse citer, mais par contre, je peux citer des scènes de films que j'apprécie et que je trouve géniales.

    Comment résumer "Mr Death" ?

    C'est l'histoire d'un homme très malvaillant, peu judicieux. C'est une histoire amorale. Elle concerne l'ascension et la chute de Fred Leuchter Jr, un prétendu ingénieur, spécialiste du matériel d'exécution, qui développera des thèmes révisionnistes.

    Qui est "Mr Death" ?

    Qui est-il ? La mort en elle-même. C'est le nom que Fred Leuchter endosse lui-même pour illustrer son travail. C'est un prétendu ingénieur du Massachussets, un pseudo-designer "humaniste", selon lui, qui s'est érigé en spécialiste des exécutions capitales, comme les chambres à gaz, les chaises électriques... Il s'est donné comme mission d'améliorer les systèmes de mise à mort aux Etats-Unis. Ce pseudo-scientifique deviendra par la suite porte-parole de thèses négationnistes sur l'Holocasute.

    Comment est née l'idée de ce documentaire ?

    C'est une étude de personnage, de cet homme morbide. Tout le film est une tentative de pénétration de son esprit.

    Qu'est-ce qui vous a attiré dans le destin de cet homme ?

    Enormément de choses. Notamment cette combinaison bizarre et détonnante de thèmes qui mêlent la peine de mort aux Etats-Unis, les exécutions capitales, et tout ce qui va mener au voyage à Auschwitz, le centre de la mort du XXème siècle.

    C'est une histoire totalement surréelle, une parabole kafkaïenne... qui aurait très bien pu être inventée. Les spectateurs peuvent penser que cette histoire est montée de toutes pièces, qu'elle n'a aucun sens. Mais, tout est vrai. Ce genre de choses arrivent effectivement, ce qui est à la fois étonnant et effrayant.

    Quand et comment avez-vous découvert Fred Leuchter Jr ?

    Dans un article. C'est quelqu'un de si étrange que beaucoup de gens croient que je l'ai rencontré dans des endroits obscures, bizarres, malsains. En 1990, il a fait la une du New York Times, qui est fondamentalement le journal le plus lu aux Etats-Unis. Un article sur ses fonctions de réparateur et designer des chaises électriques. Il expliquait qu'il voulait rendre la peine capitale plus humaine. C'est alors que je me suis intéressé à ce personnage.

    La principale difficulté à produire ce documentaire

    C'était surtout le fait de trouver l'argent pour produire le film. C'est un sujet qui a effrayé enormément de gens. J'ai toujours pensé que l'interview que j'ai eue avec Fred Leuchter - car je commence toujours mes films par un entretien - est un peu devenu le script d'où tout découle.

    Beaucoup de gens sont restés effrayés.Après tout, c'est vraiment une histoire très perturbante et sombre, très drôle mais aussi très affreuse.

    Quelle serait, selon vous, l'attitude que doit opter la Société face à ces négationnistes ?

    Dans le cas présent, je crois qu'il y a beaucoup à apprendre en parlant avec des gens comme cela. Bien sûr, ils ont tort totalement. Ils sont pernicieux, antisémites. Mais, il y a quelque chose quand on examine cet homme qui nous enseigne sur la nature du Mal. Cela nous apprend aussi des choses sur les nazis. C'est une sorte d'excursion dans ce qu'il y a de plus sombre au coeur de l'âme humaine.

    Votre prochain projet

    Je travaille sur une série télé aux Etats-Unis, First Person. J'espère qu'elle sera diffusée en France. Je vais aussi faire un autre film, un drame cette fois. Ces films documentaires sont vraiment très difficile à faire, et ils me mettent vraiment à terre. Il me faut un peu de vacances avant d'en faire un nouveau.

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