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    Fina Torres

    A l'occasion de la sortie de "Woman On Top", la réalisatrice Fina Torres vous livre les ingrédients pimentés de son "Parole de Star".

    AlloCiné : Si vous n'aviez pas été réalisatrice, qu'auriez-vous fait ?

    Fina Torres : Je ne sais pas. Peut-être cuisinière, cordon bleu (rires). J'adore faire la cuisine... Je ne sais pas du tout. Je ne me suis jamais posé la question.

    Le premier film que vous ayez vu au cinéma

    J'ai l'impression que c'était Le Ballon Rouge (film réalisé en 1956 par Albert Lamorisse NDLR). Je ne sais pas pourquoi ; mais, c'est l'un de mes premiers souvenirs cinéma. C'est un film français, en tout cas.

    Votre réalisateur de référence

    J'en ai plusieurs. Parce que ce sont des réalisateurs géniaux, comme Bergman, Visconti, Kubrick... Ce sont mes cinéastes préférés.

    Votre plus grand regret professionnel

    Je crois que j'ai appris la partie politique, économique et diplomatique du métier trop tard. Quand j'ai commencé le métier, j'étais une pure et dure. Je pensais que le cinéma était plus un art qu'une industrie. Mais, j'ai été confrontée à ce côté commercial du cinéma. Petit à petit, je me suis rendue compte de cette part de plus en plus grande de l'industrie. Il fallait beaucoup biaiser pour pouvoir obtenir ce qu'on voulait. Je l'ai appris trop tard. En quinze ans, j'ai fait trois films. J'aurais aimé que ma filmographie soit un petit peu plus longue.

    Votre meilleur souvenir professionnel

    Mon meilleur souvenir professionnel ? Je ne sais pas. J'en ai plein.

    Je crois que c'est souvent mon travail avec le chef opérateur, parce que je suis une adoratrice de la lumière. C'est aussi mes rencontres avec les comédiens ; je les aime beaucoup.

    Mais, je crois que mon plus beau souvenir reste quand même la caméra d'Or que j'ai obtenue à Cannes en 1985 pour mon premier film, Oriana. Je ne m'y attendais pas du tout. C'était une grande surprise.

    Votre film de chevet

    J'en ai plein. Je ne suis pas une obessionnelle d'un. J'ai des périodes. Je me souviens avoir beaucoup vu Rashomon de Kurosawa, car il y avait une proposition narrative et visuelle extraordinaire et très révolutionnaire.

    J'adore tous les films de Kubrick, car chacun de ses films est une leçon de cinéma. Cris et chuchotements de Bergman est aussi un film qui m'a longtemps accompagné. A part cela, j'en ai des centaines...

    Votre plus grand désir

    Pouvoir faire des films que je veux monter dans les conditions que j'aimerais avoir. Cela serait mon plus grand souhait !

    La rencontre déterminante dans votre carrière

    Toutes les rencontres ont été importantes. Elles m'ont ouvert beaucoup de portes et de fenêtres ; aussi bien des écrivains, des techniciens, que des comédiens. C'est difficile d'en choisir une, car je ne peux citer tout le monde.

    Qu'est-ce qui vous a donné l'envie d'être réalisatrice ?

    Comme tous les cinéastes, c'est vraiment un lieu commun. Depuis que je suis toute petite, j'étais fascinée par le cinéma ; je vivais au Vénézuela, à Caracas. C'était à la fin des années cinquante, début soixante. Le cinéma était à l'époque un art très populaire. Tout le monde allait au cinéma ; il y avait plus de deux cent salles à travers le pays. On recevait tous les films du monde entier : de France, des Etats-Unis, d'Italie...

    Comme je vous l'ai dit, mon premier film, c'est Le Ballon Rouge. Quant à mon film préféré, quand j'étais petite, cela a été Le Monde du silence (de Louis Malle et du Cdt Cousteau - 1956 NDLR). Quand j'avais treize ans, il y a eu ce magnifique Lelouch, Un Homme et une Femme. Ce film m'a fait littéralement découvrir que le cinéma se faisait, se construisait. Avant cela, je pensais que cela venait tout fait. Ce fut une grosse révélation ; j'ai vu alors des hommes fabriquer un film. Dès lors, je me suis dit que c'était cela et uniquement cela que je voulais faire. A cette époque là, au Vénézuela, il n'y avait ni industrie du cinéma proprement dite, ni d'école de cinéma. C'était quelque chose de très loin et d'abstrait. Mais j'étais très tétue. J'ai fait alors tous les métiers pour me préparer ; des choses proches du cinéma, comme la photographie... A la fin, je suis partie en France. Je suis allée à l'Idhec à Paris et voilà.

    Comment résumeriez-vous "Woman on Top" ?

    C'est dur pour un réalisateur de résumer un film, surtout que je n'ai pas écrit le scénario. Je pense que Woman on Top, c'est l'histoire d'une jeune brésilienne, fin cordon bleu, qui fait titiller tous les palais, et qui décide de quitter son pays pour des problèmes psycho-affectivo-professionnels assez drôles. Elle essaie de commencer une nouvelle vie à San Francisco.

    En quittant le Brésil, elle emmène un bout de son pays avec elle. Où elle passe, San Francisco devient le Brésil. C'est cela mon sentiment du film. Il y a aussi l'histoire du film ; elle a cette maladie de transport. Elle doit être "on Top", c'est-à-dire être au dessus, notamment quand elle fait l'amour avec son mari. Ce dernier sent sa virilité remise en question. Pour affirmer sa masculinité, il se voit obliger de coucher avec d'autres femmes.

    C'est donc une femme qui se voit confronter à quitter son pays. Aller dans un pays nouveau et affronter une culture différente. Mais, aussi de découvrir quelles sont ses vraies racines.

    C'est une comédie très légère, un pur divertissement, un film sans aucune prétention intellectuelle. Quelque chose de très sensuel, dans sa forme très originale. C'est très brésilien, très latino. Je me suis beaucoup passionnée pour cette histoire. Je ne connaissais pas du tout le Brésil. C'est un film qui m'a ouvert les portes de ce pays. J'y suis tombée amoureuse, de ses gens, de sa culture ; j'ai essayé de montrer les parties culturelles les plus attachantes de cette contrée. Et les plus belles. Evidemment, il y a toujours ces problèmes sociaux que les spectateurs attendent voir : cette réalité économique et sociale des pays latins. Les gens s'attendent voir traiter ces thèmes récurrents comme la pauvreté, le misérabilisme, la délinquance ou la justice sociale. C'est valable. Mais, je pense que nos pays ont des aspects culturels aussi intéressants qu'attachants. On peut faire des fables, mettre en valeur toutes ces choses positives de notre culture.

    Le choix de la sublissime ibère Penelope Cruz

    Je pense que lorsqu'on la voit, cela devient une évidence. C'est une comédienne extraordinaire, hors-série. C'est une Meryl Streep latino-américaine ou ibèrique. Elle est capable de jouer tout ce qu'elle veut. Elle possède un charisme et une beauté. En plus, c'est une excellente comédienne, dans le sens "comédie" du terme.

    Quand j'ai lu le scénario, j'ai tout de suite tilter sur Penelope. A l'époque, il y a trois ans, elle n'était pas connue aux States. Elle n'a fait que Hi-Lo Country de Stephen Frears. Cela a été un peu compliquer de l'imposer. Mais, une fois engagée, elle a multiplié les contrats. Elle sera à l'affiche en janvier prochain de De si jolis chevaux, le film de Billy Bob Thornton avec Matt damon à ses côtés. Elle est arrivée à imposer sa patte et sa beauté sur le territoire américain. Vous verrez, l'année prochaine, elle sera une grande star, plus médiatique que Jennifer Lopez.

    Que pensez-vous de cette mode latine actuelle, aussi bien dans le domaine de la chanson que du cinéma ?

    Je pense que la culture latino-américaine est assez extraordinaire. Il était temps qu'elle apparaisse et se fasse reconnaître. C'est le juste retour des choses.

    Il y a quelque chose de magique : toute l'immigration latine des Etats-Unis ne s'est pas fondue dans la culture américaine, comme les autres minorités ethniques. De ce fait, ils ont gardé leurs propres traditions, la langue, leurs musiques... Et ils sont devenus un important marché. Des acheteurs au fort pouvoir d'achat. Les plus grands succès, on les a vus au Latin Grammy Awards. C'était énorme. J'étais à la cérémonie. J'en avais la chair de poule.

    Tout a commencé par la musique, et va par la suite s'agrandir vers les autres domaines culturels. La musique est plus facile d'accès que le cinéma, qui coûte énormément cher.

    "Woman on Top" traite encore du thème de l'exil, comme dans vos deux précédents longs métrages...

    Mes deux premiers films, Oriana et Mécaniques Célestes obéissaient à des aspects très personnels. J'ai quitté le Vénézuela assez jeune. J'ai décidé de changer le pays, d'avoir une vision plus vaste du monde, en m'adaptant à une autre culture, l'Europe. J'ai donc écrit des sujets très liés à mon expérience.

    Je n'ai pas écrit le scénario de Woman on Top, mais j'imaginais parfaitement une femme qui ait ces problèmes ; j'ai accepté pour ces raisons le script. Je voulais en savoir plus. La seule différence est que dans les deux premiers, ce sont des femmes qui quittent leur pays et qui ne reviennent plus. Dans ce film là, elle quitte son pays, mais ramène un bout de sa vie avec elle dans ses bagages. Elle apporte la vision de son monde. Certes, une vision différente. Mais, une vision de femme qui voyage.

    Les ingrédients pour faire mijoter "Woman on Top"

    Je pense qu'à la base, c'est un scénario assez sympathique écrit par une brésilienne, Vera Blasi. Quelque chose d'autobiographique. Elle vit dans la nostalgie de son pays. Elle a cette maladie des transports, en voiture, en avion, dans l'ascenseur. Elle a la tête qui tourne.

    C'est un scénario assez frais, drôle... Il y avait beaucoup d'amour dans l'histoire. Voilà le premier ingrédient.

    Enuite, il y a les acteurs. C'est un véritable panaché. Des personnages américains, comme Harold Perrineau Jr et Mark Feuerstein, brésiliens comme Murilo Benicio, une grande star des soaps opéras mais aussi ibèrique comme Penelope qui est une actrice universelle. Voilà le deuxième ingrédient.

    Enfin, le dernier, plus traditionnel de la recette cinématographique. Ce qui est intéressant, c'est que le film est une tour de Babel. Un film dont ls financements sont américains, Fox Searchlight, mais aussi une équipe technique mixte : américaine, brésilienne et française. Le noyau de l'équipe technique vient de France : le chef opérateur, Thierry Arbogast, le chef déco, Philippe Chiffre, la costumière Elisabeth Tavernier... L'aspect visuel du film est un mélange latino-américain-européen.

    Une anecdote pimentée du tournage

    Il y a beaucoup d'anecdotes pimentées du tournage (rires). Vous savez, l'un des personnages principaux est la déesse brésilienne des mers, Yemanja. Nous, latinos, on respecte énormément la religion. Nous avons fait beaucoup d'offrandes à cette déesse durant le tournage, pour que le film se fasse, pour que l'on puisse avoir les comdiénes, pour s'affranchir des contraintes atmosphériques, car à l'époque du tournage, c'était l'hiver au Brésil.

    Une autre concerne une des dernières scènes où Penelope marche sur l'eau avec son plateau pour l'offrande ; la mer était complètement déchaînée. Une immense vague, de plus de trois mètres de haut, s'est abattue sur la pauvre Penelope qui aurait pu se noyer. Mais, elle a tenu bon. C'est l'image que l'on voit dans le film. C'est la réalité pure, une image impressionnante.

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