AlloCiné : Si vous n'aviez pas été réalisatrice, qu'auriez-vous fait ?
Chantal Akerman : J'aurais probablement écrit.
Votre premier film sur grand écran
Je crois que c'est La Belle et le Clochard de Walt Disney. Je m'en souviens vaguement. J'ai beaucoup pleuré. Ou cela peut être Les 101 Dalmatiens. L'un ou l'autre dans un petit cinéma de quartier de Bruxelles, le samedi après-midi.
Votre réalisateur de référence
J'en ai plusieurs. Il y a Dreyer (cinéaste danois - 1889/1968 - qui réalisa entre autres "Le Maître du logis", "Vampyr" ou "Ordet" NDLR), Bresson, Godard, Murnau, Billy Wilder, Ozu...
Votre plus grand regret professionnel
(silence) J'ai pas de regrets. J'ai eu des coups durs... Peut-être le seul regret que je puisse avoir eu, c'est sur mon film précédent, Un divan à New York avec Juliette Binoche et William Hurt. Une comédie délicieuse qui malheureusement n'a pas trouvé son public. C'est un regret, mais pas un regret violent.
Votre meilleur souvenir professionnel
(silence) Sans doute, ma rencontre avec Delphine Seyrig pour le tournage de Jeanne Dielman. La chaleur et la compréhension, la joie et la curiosité... tout cet état d'esprit qu'elle a mis dans ce travail ensemble.
Votre film de chevet
Le premier qui me vient à l'esprit, c'est L'Aurore de l'allemand Murnau. Un film des années vingt.
La rencontre déterminante dans votre carrière professionnelle
Je n'aurais jamais fait de cinéma si je n'avais pas été voir Pierrot le Fou quand j'avais 15 ans. Quand je suis sortie de là, je me suis dit que je voulais faire des films. Vraiment.
Vous souvenez-vous de votre première réplique en tant qu'actrice ?
C'était dans Je, tu, il, elle (silence) Qu'est-ce que je dis ? "Je veux rester là", quelque chose dans ce style là.
Si vous arrêtiez le métier demain, que regretteriez-vous le plus ?
Les gens avec qui je fait ce métier. C'est vrai que l'enfer, ce sont les autres, dans ce milieu du cinéma. Dans La Captive, j'ai fait de très belles rencontres que je n'aurais plus l'occasion de faire si j'arrêtais ce métier. C'est un métier qui me pousse à sortir de chez moi. Ce qui m'aurait fait peur dans l'écriture, c'est que déjà j'ai tendance à rester à la maison. J'aurais alors plus aucune raison de sortir.
En résumé, "La Captive"...
C'est l'histoire de deux amants, dont l'un n'aura jamais assez de l'autre, et qui donc finira mal.
Qu'est-ce qui vous a captivé pour adapter le roman de Proust, "La Prisonnière" ?
Je me suis sentie en totale familiarité. Quand j'ai lu cette partie du livre de Proust, qui s'appelle La Prisonnière, je me suis dit qu'il l'avait écrit pour moi. J'avais l'impression qu'il s'adressait à moi. Beaucoup de gens disent cela quand ils lisent Proust. Comme il y a un narrateur qui dit "je", on a la véritable impression qu'il s'adresse à vous.
C'est aussi cette manière de penser, d'aller jusqu'au bout des choses. Ce livre, c'était pour moi.
Le choix de Sylvie Testud et Stanislas Merhar
J'ai fait des auditions. Par un hasard des circonstances, c'était Stanislas Merhar qui donnait la réplique à Sylvie Testud. Tout de suite, à l'écran, à la vidéo, j'ai senti quelque chose entre eux. Ils faisaient déjà couple de cinéma.
Et puis Stanislas portait ce jour là une petite chemise noire ouverte - c'était l'été - et j'ai adoré sa clavicule (rires).Il y avait aussi du désir, dans le sens le plus large du terme, qui est passé des deux côtés. Autant de Stanislas vers moi, et inversement. De même pour Sylvie. Je lui ai demandé pourquoi elle voulait ce rôle. Elle me répondit parce que son personnage est une femme libre. Alors, je me suis dit : allons-y.
L'ambiance de tournage
Une belle ambiance. Il y a une petite phrase de Sylvie qui me revient sans cesse, et qui me disait tout le temps et simplement "Chantal, j'ai l'impression que tout le monde fait le même film".
Vos projets
Je voudrais faire un documentaire. J'ai aussi une idée de fiction. Mais, pour l'instant...