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    Philippe Gautier

    A l'occasion de la sortie de "Hathi (L'Eléphant)", le réalisateur Philippe Gautier se penche sur son "Parole de Star".

    AlloCiné : Si vous n'aviez pas été réalisateur, qu'auriez-vous fait ?

    Philippe Gautier : J'ai découvert le cinéma quand j'étais adolescent, c'était une passion immédiate. Cela fait 22 ans que j'y travaille. C'est vrai que je me vois très mal faire autre chose, bien que j'ai découvert d'autres activités que je voudrais mener de front avec le cinéma... comme mener à bien des projets pour la conservation des éléphants d'Asie et leur habitat.

    Le premier film que vous ayiez vu sur grand écran

    J'ai vu tellement de films... Le premier que j'ai vu sur grand écran, pour peu que je m'en souvienne, c'est Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone.

    Quel est votre réalisateur de référence ?

    Il n'y a pas un réalisateur de référence, il y a une multitude de cinéastes, parce qu'au cours de son évolution personnelle, on découvre des metteurs en scène différents ou on apprend à mieux les comprendre. Il y a des réalisateurs qui m'ont beaucoup impressionné dans tous les pays du monde et à toutes les époques, qu'ils soient japonais, soviétiques, américains, italiens, français, suédois.

    A ce jour, quel est votre plus grand regret professionnel ?

    Je n'ai pas de regrets ; que des découvertes intéressantes. Les moments difficiles sont toujours très positifs, on en tire beaucoup de leçons.

    Votre plus grand désir

    Continuer à faire des films qui soient cohérents, qui puissent être intellectuellement honnêtes.

    Votre meilleur souvenir professionnel

    Je pense que c'était au cours du tournage de Hathi. On a pris un camion, on y a mis un éléphant et on a traversé presque toute l'Inde. Il y a eu des centaines de milliers, sinon des millions de gens sur la route. C'était vraiment extraordinaire, on avait l'impression de voyager avec une divinité.

    Votre film de chevet

    Il y en a tellement, il faudrait en citer 45 ou 50. Parce que ce sont des films qui réunissent des qualités intellectuelles, de sujet, de montage, de photo. Puis ça reste des moments très forts.

    Quelquefois, ce sont des films simples, évidents ou sophistiqués, pas toujours faciles d'accès. C'est une intuition personnelle qui permet de dire que ces films sont importants pour moi. C'est comme de rencontrer des gens.

    La rencontre déterminante de votre carrière

    J'en ai eu plusieurs, j'ai eu la chance, quand j'avais 18 ans, de rencontrer David Hamilton qui m'a pris comme assistant.

    Puis, j'ai rencontré d'autres réalisateurs, Claude d'Anna, qui m'a beaucoup appris, Pierre Zucca qui est malheureusement décédé aujourd'hui, et John Boorman dont j'ai été l'assistant au cours d'un tournage au Nord-Ouest de l'Inde.

    Parlez nous de votre expérience avec John Boorman

    C'est un grand monsieur qui a une longue expérience pour établir une relation avec la production, c'est quelqu'un de très lucide. Y'en a d'autres que j'ai cité auparavant qui sont tout aussi forts.

    Si vous arrêtiez le métier demain, que regretteriez-vous le plus ?

    C'est la découverte de personnalités différentes dans des endroits différents. C'est une façon d'assembler des intuitions, des sensibilités, des lieux, des couleurs, des images, un rythme, une musique. C'est cette rencontre d'idées que je trouve formidable et qui est privilégiée dans le cinéma.

    En résumé, "Hathi"

    Hathi, ça veut dire éléphant en hindi, une des langues les plus parlées en Inde. C'est l'histoire d'un de ces hommes qui toute sa vie se dévoue à son éléphant. A un moment où les éléphants disparaissent dangereusement - il n'y en a plus que 50 000 dans toute l'Asie -, on voit comment le père lui transmet au cours de son enfance son savoir et ensuite comment lui-même va reprendre le flambeau et faire face aux problèmes auxquels il est confronté : une modernité galopante et des forêts qui diminuent à vue d'oeil.

    Comment vous est venue l'idée du film ?

    En voyageant en Inde, j'ai vu des enfants monter ces animaux, faire la sieste à l'ombre de leur énorme corps dans des coins de ville et j'ai eu l'occasion de rencontrer ma femme, Prajna Chowta, qui a fait de longues recherches sur les relations entre ces serviteurs d'éléphants, les mahouts, et leurs animaux.

    J'ai donc passé plusieurs années dans des villages où cette tradition très ancienne se poursuit. C'est comme ça qu'on a pu développer ce film, en allant chercher des éléments de vérité dans la vie de ces gens.

    Quelles ont été les difficutés rencontrées pour diriger des acteurs non professionnels et des éléphants ?

    Il n'y a pas d'inconvénients mais que des avantages. Ces gens ne rêvent pas d'être acteur, ils sont indifférents à la présence de la caméra. Ils sont très spontanés et extrêmement attentifs, leurs sens sont toujours en éveil et ils sont capables d'une grande spontanéité devant la caméra. Ils comprennent tout très vite, même s'il y a une barrière de langue.

    En quelques jours, ils arrivent à connaître leur place. Ils ont le scénario dans la tête, même s'ils ne l'ont jamais lu. On leur raconte un peu et très vite ils rassemblent les pièces du puzzle d'eux-mêmes.

    Et les éléphants sont des animaux absolument intelligents. Il suffit de trouver les moyens de bien leur montrer ce qu'on attend d'eux et quand ils ont compris, en deux ou trois prises c'est réglé, on n'en parle plus.

    L'utilisation parcimonieuse de dialogues est-elle un choix délibéré de votre part ?

    Absolument, pour plusieurs raisons. D'une part, parce que ça présente un obstacle à la présentation du film auprès d'autres publics. Ces gens, dont nous montrons l'existence de façon, parlent des langues qui sont incomprises en dehors de l'Inde. Au fond, ce qui est important, c'est ce qu'ils font, ce sont leurs regards, leurs intentions, les signaux qu'ils émettent par différentes méthodes et puis les gestes, les attitudes, les situations, les relations qu'ils établissent avec les éléphants.

    D'autre part, l'éléphant ne parle pas, même s'il comprend des commandes verbales. Il aurait été dommage d'étouffer le film de dialogues alors qu'on parle d'une relation qui fonctionne avec d'autres repères, visuels, olfactifs, tactiles, et c'est ça qui est très important.

    Quelle est la part de fiction et celle de docuumentaire dans votre film ?

    On ne peut pas dire qu'il y ait une véritable frontière tranchée entre le documentaire et la fiction. Quelquefois, ce sont deux méthodes qui s'opposent, qui s'éloignent l'une de l'autre, mais dans le cas présent, c'est une fiction, parce que les situations ont été mises en scène devant la caméra.

    Par contre, la source d'inspiration pour écrire et préparer ces séquences, elle vient des mois et des années que j'ai passé dans les différentes communautés de mahouts à observer leur vie et à repérer toutes les petites situations, les gestes qui nous semblaient porteurs de sens.

    Ayant collecté cet immense paquet d'informations, d'images, de photos, on a composé l'histoire, on n'a pas inventé. Par contre, le travail créatif, il est dans la façon de sélectionner ces éléments, de les mettre en forme et de leur donner une continuité devant la caméra. Voilà la méthode qui est assez précise et qui permet à des spectateurs occidentaux de voir ces mahouts, ces éléphants et ces lieux tels qu'ils sont dans la réalité.

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