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    Christian Vincent

    A l'occasion de la sortie de "Sauve-Moi", le réalisateur Christian Vincent, Césarisé pour La Discrète, se confie dans "Parole de Star".

    AlloCiné : Si vous n'aviez pas été réalisateur, qu'auriez-vous fait ?

    Christian Vincent : (silence) Je n'en sais rien. Quand j'avais 18, 20 ans, je ne voulais pas travailler. Je n'ai pas fait d'études très sérieuses et approfondies. J'ai eu la chance de faire des études dans les années soixante-dix, à une époque où l'on ne se posait pas trop la question de savoir ce qu'on allait devenir. Il y a 20 ans, je n'avais aucune envie particulière de m'inscrire d'une manière ou d'une autre dans cette société.

    Vous souvenez-vous du premier film que vous ayez vu sur grand écran ?

    Je suis toujours embarassé... Je ne suis pas sûr que ce soit un vrai souvenir. J'ai l'impression que le premier film que j'ai vu sur grand écran soit Ben Hur.

    Mais, mon premier souvenir proprement dit de cinéma n'en est pas un ; c'est plutôt un souvenir de télévision. Dans le quartier où j'habitais quand j'étais môme, il y avait un petit studio cinéma. On y tournait plein de choses. Je me souviens en particulier des intérieurs de la série, Belle et Sébastien. Ils tournaient dans ma cour. J'allais très souvent me réfugier dans les décors, me cacher, regarder les équipes travailler, les séquences se tourner. Je me souviens même du nom de l'héroïne de ce feuilleton ; elle s'appelait Paloma Matta. Je ne sais pas du tout ce qu'elle est devenue.

    Quel serait votre réalisateur de référence ?

    J'en ai pas. J'ai des références multiples qui changent parfois d'une année ou d'une période sur l'autre. Les cinéastes qui ont ponctué mon parcours, qui m'ont accompagné, c'est notamment Jean Eustache pour Maman et la Putain. Puis, il y en a eu plein d'autres. Mais, je ne suis pas monomaniaque. Je n'ai pas un cinéaste qui m'accompagne depuis que je suis tout petit.

    Avez-vous un regret professionnel ?

    Je n'ai pas de regret professionnel. J'assume tout : les erreurs, les maladresses.

    Et votre meilleur souvenir ?

    (silence) Certainement les moments les plus intéressants sur tout le processus d'élaboration d'un film, qui sont très longs. Presque un à deux ans. Pour moi, les meilleurs moments ne sont pas ceux qui touchent à la promotion ou à la sortie du film. Je crois que les meilleurs moments sur un film, ce sont ceux qui touchent encore au projet, quand on en rêve encore. Bref, le travail en amont : tout le travail d'écriture, de préparation. Ce sont les moments les plus agréables.

    Quel est votre film de chevet ?

    Je citais Eustache pour La Maman et la Putain. C'est un film que j'aime bien revoir. Sinon, je n'ai pas de films de chevet proprement dits. Encore une fois, j'ai l'impression que mon goût pour le cinéma évolue. Je n'ai pas tout à fait les mêmes goûts que lorsque j'avais 20 ou 30 ans. Donc, les références ne sont plus les mêmes. Mais, s'il fallait en garder un, ce serait La Maman et la Putain.

    Votre plus grand désir

    Mon plus grand désir est de faire dans les meilleures conditions possibles le film que je suis en train de préparer, d'écrire. Indépendamment de mes premiers films, je n'ai pas de désir particulier. Je ne me projette pas dans l'avenir.

    Votre rencontre déterminante

    Ma rencontre déterminante a certainement été le fait d'avoir fait mon premier film avec Fabrice Luchini, avec lequel j'avais déjà collaboré avant de faire La Discrète. Sinon, il y en a eu plein d'autres. Faire du cinéma, faire des films, c'est quand même savoir s'entourer et faire de vraies rencontres.

    L'idée de "Sauve-Moi"

    C'est un projet assez curieux. Au départ, je n'ai pas voulu écrire de scénario ; j'avais envie de faire autre chose. Retourner dans une région qui m'avait accueillie à bras ouverts : le Nord-Pas-de-Calais. Je n'avais pas envie de trouver une histoire, de l'écrire. J'ai imaginé un système original, une mise en place assez particulière. Avec l'écrivain, Ricardo Montserrat, on a réuni 18 personnes privées d'emploi. Pendant trois mois, on leur a fait écrire, non pas un scénario mais une série de textes. De tous ces textes est sorti un manuscrit qu'on a fait circuler dans des maisons d'édition. Gallimard a été intéressé, et l'a publié dans sa collection "Série Noire". De cette expérience est né le projet. Le tournage a eu lieu à l'automne dernier, à Roubaix, là où il y avait cet atelier d'écriture, le CRRAV.

    Le choix de Roubaix

    C'était un peu le hasard. On a fait le tour de la région. On cherchait des partenaires et une ville qui pouvaient nous accueillir dans les meilleures conditions. Cela aurait pu être l'agglomération dunkerquoise ou le bassin valenciennois. Longtemps, on avait pensé à Valenciennes.

    Le travail de casting

    Pour moi, l'avantage de tourner en province, c'est que je peux m'installer longtemps à l'avance. En particulier, pour faire le casting. Choisir des hommes, des femmes, des enfants pour leur confier des rôles. J'aime arriver à l'avance.

    On installe des bureaux, des caméras, et on passe un "appel à la figuration". Tous les gens qui passent sont automatiquement filmés, une, deux ou trois minutes. On leur pose des questions banales.

    C'est la chose qui me plait le plus dans l'élaboration d'un film. La perspective de rencontrer des dizaines de personnes par jour. J'adore faire appel à des gens qui n'ont rien à voir avec le milieu du cinéma. On peut ainsi les confronter aux comédiens professionnels, et cela apporte toujours quelque chose d'intéressant et d'enrichissant.

    Le choix des comédiens principaux, Roschdy Zem, Rona Hartner, Olivier Gourmet...

    Ce sont des choix antérieurs au casting. Il y a des gens à qui l'on pense dès l'écriture. Dès le scénario terminé, des gens comme Roschdy et Rona se sont vite imposés à mes yeux. C'était une évidence pour moi.

    Comment qualiferiez-vous "Sauve-Moi" ?

    On peut dire que c'est une chronique humaine. Quand on met l'histoire à plat, cela se passe sur un laps de temps assez court, trois jours grosso modo. Le personnage principal, c'est Mehdi (Roschdy Zem), un garçon d'origine algérienne. Il vivote avec le RMI. Il ne remet pas en question ni son existence, ni sa condition sociale. Mais, débarque Agatha (Rona Hartner), une jeune fille de l'Europe de l'Est qui va traverser sa vie. A son contact, il va réagir et se demander pourquoi il n'est pas comme elle, et va vouloir partir avec elle. Pour cela, il trouvera de l'argent en essayant de faire quelques expériences de travail.

    C'est aussi un film qui repose sur les personnages principaux qui osent toujours faire des expériences. J'essaie de les faire évoluer, de métamorphoser les personnages, qu'ils soient différents à la fin du film. Je monte des personnages qui ont du mal à vivre, qui n'ont pas de langage politique articulé.

    Commentaire de la filmographie

    - La Discrète

    Un premier film avec toutes ses imperfections, mais aussi ses côtés magiques. Bref, une fraîcheur et une certaine innocence. Et des César (3 César - celui de la Première Oeuvre, du Meilleur Scénario, et de la Révélation Féminine pour Judith Henry NDLR).

    - Beau Fixe

    Un film de vacances. Plus jamais je ne filmerai à l'approche de l'été, près de la mer. Avec ce film, on n'était pas très concentré. Cela se ressent un petit peu. Il arrivait aussi après l'euphorie de La Discrète

    - La Séparation

    Une rencontre formidable. J'ai accepté le film au départ, car Daniel Auteuil était très intéressé par le projet. J'ai réussi à imposer Isabelle Huppert. J'étais très content.

    - Je ne vois pas ce qu'on me trouve

    Un film que j'aime beaucoup car il a été le mal-aimé. De tous les films que j'ai fait, c'est celui qui a le moins bien marché. Il a eu le moins bon accueil public. Il me ressemble aussi. J'aime cet espèce d'humour désenchanté qui colle bien à la personnalité de Jackie Berroyer. Je trouve qu'il n'a pas la place qu'il mérite.

    Votre prochain projet

    C'est un projet sur lesquel je travaille depuis cinq ans. C'est un scénario assez compliqué, assez ambitieux. Il me faudra un comédien très confirmé. C'est l'histoire de quelqu'un qui, un jour, ne rentre pas chez lui... Une espèce de disparition.

    Et quel comédien confirmé ?

    Sais pas. J'aimerais bien retravailler avec Auteuil. Pourquoi pas lui !

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