AlloCiné : Si vous n'aviez pas été réalisatrice, qu'auriez-vous fait ?
Caroline Vignal : Je ne sais pas. J'ai carressé le rêve d'être styliste quand j'étais petite. J'aime bien dessiner, mais je me suis rendue compte que je n'étais pas douée. (silence) J'aurais été sûrement prof parce qu'il faut bien faire quelque chose et gagner sa vie. Mais, cela aurait été sans grande conviction.
Votre premier souvenir de cinéma
Tintin et les oranges bleues avec Jean-Pierre Talbot. Ou La Guerre des Boutons, je crois. C'est un grand souvenir car j'étais tombée follement amoureuse du "Grand Gibus" (François Lartigue NDLR). J'y ai pensé bien longtemps.
Votre réalisateur préféré
Il y en a plein. J'ai beaucoup d'admiration pour Eric Rohmer, François Truffaut, Jean Eustache, ou des cinéastes américains comme Billy Wilder ou Joseph Mankiewicz... Je cite des gens d'une autre époque (rires)
En même temps, je trouve cela difficile de citer un réalisateur de référence contemporain. J'ai besoin de recul pour parler des gens.
Votre plus grand regret professionnel
J'en ai pas vraiment. Si j'en ai, cela ne regarde que moi. Il y a peut-être des choses où j'ai l'impression de m'être trompée, de ne pas avoir fait les choses que j'aurais pu faire. Mais, pour l'heure, je n'ai pas de regrets. Je touche du bois. Je suis pleine d'espoir et d'énergie ; je me dis que je peux encore progresser.
Votre plus beau souvenir professionnel
J'en ai pas énormément, car je n'ai fait pour l'instant que deux courts métrages et un seul long. Je pense que mon plus beau souvenir est le tournage des "Autres Filles" et tout le travail avec Julie Leclercq, l'héroïne du film.
Votre film de chevet
La Maman et la Putain de Jean Eustache.
Un désir
(silence) Arriver à continuer à faire des films et trouver ce qui sera mon cinéma "à moi". Car pour l'instant je tatonne et je n'ai pas encore trouvé ma façon de faire des films.
La rencontre déterminante
Un film qui m'a vraiment donné envie et la foi de faire du cinéma, c'est Le Rayon Vert d'Eric Rohmer. Je l'ai vu quand j'avais 16, 17 ans. J'ai découvert des photos de tournage, où ils étaient en toute petite équipe restreinte, pas plus de 3 ou 4 personnes. Tout à coup, cela m'a apparu accessible. Avant cela me paraissait tellement énorme que jamais je n'avais pensé en faire mon métier.
Si vous deviez arrêter le métier
J'aurais beaucoup de mal à arrêter, car c'est ma raison de vivre, ma façon à moi de trouver un intérêt. Cela fait partie intégrante de ma vie. Car ce que j'aime le plus profondément, ce sont les acteurs.
"Les Autres Filles", c'est quoi ?
Les Autres Filles, c'est l'histoire de Solange, une jeune adolescente de 15 ans, élève dans un lycée professionnel de coiffure. Elle est confrontée à d'autres filles qui lui paraissent plus délurées, plus épanouies, qui draguent et changent de couleur de cheveux à longueur de semaines. A leur contact, Solange (Julie Leclercq) se met à se poser plein de questions, à changer, à découvrir qui elle est... Une sorte d'apprentissage de la vie.
Pourquoi avoir choisi comme cadre le milieu de la coiffure ?
Au départ, c'était un peu le hasard. Et l'intuition. Comme le propos du film est assez personnel et intime, je ne voulais pas aller dans l'introspection ; je préférais me tourner vers l'extérieur. C'est pour cela que j'ai choisi un milieu que je ne connaissais pas. J'ai pris celui de la coiffure. Car il y avait plein de choses très intéressantes par rapport aux questions que je voulais traîter : la féminité, la virginité, le rapport à son image, l'amour...
Au-delà de ceci, ce qui m'a le plus motivé, c'est de voir les scènes où le personnage principal coiffe d'autres personnes. Par ces gestes, il y a quelque chose de très cinématographique. Une gestuelle très sensuelle. Ces scènes là, j'ai eu un plaisir fou de les filmer.
Le choix de Bernard Menez
Je trouve que Bernard est un acteur très intéressant. Ce n'est pas du second degré ou par goût de kitscherie. Je l'ai vu dans des films que j'adore, notamment chez jacques Rozier dans Du côté d'Orouët, ou chez Pascal Thomas, Le Chaud Lapin. J'avais ainsi le souvenir de lui, de quelqu'un d'un peu lunaire, maladroit. J'ai trouvé qu'il collerait parfaitement au personnage de Monsieur Suarez, ce professeur de coiffure.
Bernard Menez est un acteur qui mérite de tourner plus. C'est une forte personnalité.
Les choix des "Autres filles"
J'ai tourné le film à Toulouse. Le casting a duré quatre ou cinq mois. J'avais envie de tourner avec des adolescentes amateurs. Pour moi, c'était tout l'intérêt de cette histoire simple. Je voulais l'authenticité des interprètes ; montrer quelque chose de réel. Cela ne pouvait venir que par des jeunes qui n'étaient pas lissées par un travail de cinéma ou de télévision.
J'ai vu beaucoup de jeunes filles. Julie Leclercq est venue sans trop y penser. Elle répondait à une petite annonce parue dans "La Dépêche du Midi". On lui a fait passer une dizaine d'essais. Tout de suite, elle a été très juste. Quelque chose entre la maturité et l'enfance. Je crois qu'elle a des points communs avec son personnage, Solange.
Le travail de direction de ces jeunes filles
Sans prétention, je trouve qu'il est facile de diriger de jeunes comédiens. A partir du moment où l'on ne se plante pas dans ses choix. Il faut prendre un peu de risques. Mais, aussi travailler. Ces jeunes ont une spontanéité. J'ai tout fait en fonction d'eux. Je ne trouve pas cela très difficile. Au contraire, je pense que c'est plus compliqué de diriger des professionnels, car ils proposent des choses qu'on n'a pas forcément envie. Et donc cela peut aller au conflit. Les jeunes comme ça sont plus dociles (rires)
La génèse du film
Le titre du film vient d'une chanson de Jane Birkin, "Di doo di doo dah, oh di doo di doo, dah, difficile de m'imaginer...". Ne me demandez pas de chanter. Cela vient de là. Solange, elle non plus, n'arrive pas à courir les rues, les dancings et les garçons.
Une anecdote de tournage
Mis à part quelques pitreries de Bernard Menez, qui, sans jamais se faire prier, nous faisait son numéro de "Jolie Poupée" (rires)
Votre parcours
J'ai fait la FEMIS dans le département "scénario". Je ne me destinais pas à la réalisation. J'avais la trouille. J'ai écrit le script des "Autres Filles" dans le cadre de mon scénario de fin d'études. C'est à ce moment que j'ai eu le désir et l'envie de le réaliser. Entre temps, j'ai tourné deux courts métrages, Roule Ma Poule en 1997 avec Emmanuelle Devos, et Solange change de tête l'année suivante avec Bernard Menez.