La carte UGC anti-concurrentielle ?
Lancée le 29 mars dernier sans grand renfort publicitaire, la nouvelle carte "UGC Illimitée", qui donne accès sans réserve aux salles de cinéma du réseau UGC contre un forfait mensuel de 98 francs (14,94 €), continue de déchaîner les passions, et la colère des professionnels du cinéma, notamment des exploitants indépendants. Une polémique prenant dorénavant une tournure politique.
La ministre de la Culture et de la Communication, Catherine Tasca, s'est chargée du dossier. Suivant l'avis, sollicité par Jean-Pierre Hoss, directeur du CNC, et rendu par Francis Lamy, médiateur du cinéma, elle a annoncé l'intention de saisir le Conseil de la Concurrence, par l'intermédiaire du ministère de l'Economie et des Finances, "afin qu'il statue selon la procédure d'urgence" sur cette carte Illimitée, et a demandé à UGC de "suspendre provisoirement" la commercialisation de cette carte Orange cinéma, afin d'en évaluer l'impact réel sur le marché.
Dans les conclusions de son rapport (diffusé sur le site du CNC www.cnc.fr), le médiateur s'inquiète sur une telle initiative, qui, s'appuyant sur les articles 8-1 et 10-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et l'article 92 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, est "susceptible d'enfreindre la liberté des prix et de la concurrence dans la mesure où le prix de la place de cinéma ainsi pratiquée serait considérée comme abusivement bas".
La mise en place de la carte UGC Illimitée pourrait être "constitutive d'un abus de position dominante", menaçant ainsi la diffusion des oeuvres cinématographiques. Il estime, en effet, "qu'en raison de ses effets possibles sur le marché parisien et de la situation des autres salles, la carte UGC pourrait être regardée, du fait de sa vente, à un "prix prédateur", comme faussant le jeu de la concurrence". Encore faut-il que la position d'UGC sur le marché soit qualifiée de dominante, qui aux yeux de Francis Lamy, demeure une incertitude.
Un "dumping" sur les tarifs
L'offre du réseau UGC d'avoir accès à tous les films, tous les jours, à toutes les séances pour 98 francs par mois ne fait le bonheur qu'aux cinéphiles assidus, gros consommateurs de films, qui au-delà de trois séances dans le mois, ont rentabilisé leur abonnement d'une durée minimale d'un an (et donc pour 1 176F annuellement). Une offre financièrement avantageuse. Selon Guy Verrecchia, président d'UGC, l'objectif de la carte est de favoriser une augmentation globale de la fréquentation, incitant le spectateur à voir plus de films. Le public ne s'y est pas trompé, puisqu'en un mois de commercialisation, quelques 20.000 cartes ont été vendues.
Pour le médiateur, la carte UGC, même "si elle augmentera le volume de fréquentation globale", est "susceptible de menacer la viabilité de plusieurs exploitations", rappelant que le réseau détient à Paris "intra muros" 120 salles (350 au total) et cumule 40.7% des entrées contre 81 salles à son concurrent Gaumont (26.5% des entrées), et 44 écrans à MK2 (10.3% des entrées).
Après l'émoi rencontré par plusieurs syndicats et associations d'exploitants qui dénoncent cette politique tarifaire, Mme Tasca a précisé qu'"une concertation avec l'ensemble des professionnels est en cours au CNC", estimant que "toute initiative qui vise à l'élargissement du public de cinéma, et en particulier de la pratique des jeunes, mérite d'être prise en considération à la condition de prendre en compte les impératifs de diversité des oeuvres, les intérêts des ayants-droits et la nécessité de maintenir un parc diversifié de salles de cinéma". Affaire à suivre...
L.B