Promenons-nous dans le box-office pour se faire peur !
Le Projet Blair Witch, petit film d'épouvante indépendant, sans effets spéciaux, ni acteurs connus, se révèle être la surprise de l'été et pourrait devenir un des film les plus rentables de l'histoire du cinéma. En effet, ce petit bijou fantastique a terminé le week-end dernier second du box-office américain avec des recettes de 29,2 millions de dollars, juste derrière la nouvelle comédie romantique de Julia Roberts et Richard Gere, Runaway Bride qui a en récolté 35 millions.
Mis en scène et écrit par deux jeunes cinéastes sortis de l'université, Daniel Myrick et Eduardo Sanchez, Le Projet Blair Witch a recueilli des recettes de plus de 35 millions de dollars depuis sa sortie sur les écrans le 14 juillet dernier. Le succès de ce long métrage est tel que depuis le week-end dernier, il est diffusé dans 1.100 salles après être sorti initialement dans une trentaine de cinémas seulement. Et ce n'est pas fini. Dès vendredi prochain, mille salles supplémentaires le projetteront sur le territoire américain.
Selon le journal spécialisé, Variety, le film aura de bonnes chances de devenir numéro un au box-office. Avec un budget modeste évalué entre 40.000 et 100.000 dollars - le prix d'une belle voiture selon les cinéastes -, Le Projet Blair Witch pourrait atteindre facilement les 100 millions de dollars de recettes, soit au moins mille fois son budget. A titre indicatif, une petite société de distribution, Artisan, avait acquis ses droits pour un peu plus d'un million de dollars. Enfin, la semaine dernière, les droits de diffusion à la télévision ont été vendus pour 10 millions de dollars.
"On a pas autant les jetons au cinéma depuis Shining", Les Inrockuptibles
Succès surprise, phénomène terrifiant, ce petit film américain renouvelle le cinéma d'épouvante avec simplicité. On est loin des budgets hollywoodiens (environ 35 millions de dollars en moyenne) et des scénarios stéréotypés dans la lignée des Scream et autres Souviens-toi....
Sorte de journal intime et faux documentaire, cette histoire est celle de trois étudiants partis en forêt de Maryland faire un reportage vidéo sur la sorcellerie ; ils ne sortiront pas vivants de cette excursion. Seuls sont retrouvés les pellicules, ultimes témoignages avant leur disparition.
Sans effets spéciaux, ni créatures maléfiques, Le projet Blair Witch parvient à faire peur. Très peur. Et le spectateur tombe alors dans un cauchemar, orchestré magistralement par une montée en puissance de l'irrationnel. Le film fonctionne sur des émotions fondamentales (peur du noir, bruits et cris inquiétants, tensions psychologiques...). On préfère suggérer que montrer. Avec réussite.
Tourné en huit jours, avec des règles de filmage proche des dix commandements drastiques du Dogma 95, chers à l'école danoise (caméra subjective à l'épaule, prise de son directe, décors naturels...), Le Projet Blair Witch séduit par son minimalisme. Et par son aspect cinéma-vérité. Les trois acteurs principaux ont été entraînés au maniement des caméras puis envoyés dans la forêt pour réaliser le film. Livrés à eux-mêmes - ils étaient équipés du système de navigation GPS (Global Positioning System) - et suivant des instructions balisées le long du bois, ils ont improvisé sans savoir où le tournage devait les emmener.
Présenté au dernier Festival de Sundance et à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, ce premier long métrage, malin et expérimental des deux compères Myrick et Sanchez, a reçu un très bon accueil critique des festivaliers. Ne se contentant pas des réactions positives de la presse, les deux apprentis réalisateurs ont réussi un coup de maître, digne des productions hollywoodiennes en matière de promotion de film. Ils ont réussi à frapper très fort, en mettant sur le Web le site officiel du projet, bien avant que le film ne soit complètement monté. En distillant des informations et détails à compte-gouttes sur Internet, ils ont arrivé à provoquer un véritable engouement, à tel point que de nombreux internautes ont pensé que le film était un véritable documentaire. "L'idée était d'établir une relation avec le spectateur avant le film, et de mettre en place une collaboration totale avec le public." ont déclaré les cinéastes. Les réactions ne se font pas attendre. Plus de 30 sites consacrés sur la sorcière de Blair se créent sur la toile par des admirateurs du projet. Le mythe est né.
Morale de cette histoire : avec trois fois rien, on tremble trois fois plus ! L.B