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    Il faut sauver le cinéma français

    Suite à la sanction de Canal+ le vendredi 19, C.Trautmann a répondu à la lettre ouverte, véritable SOS, signée par 200 personnalités du cinéma.

    Ils ont tous fait bloc. Réalisateurs, producteurs, acteurs et autres personnalités et professionnels du monde du cinéma ont lancé un SOS au Premier Ministre Lionel Jospin, intercepté par Catherine Trautmann, à la veille de la condamnation pour abus de position dominante de la chaîne cryptée, Canal+, vendredi 19 février.

    Le 19 décembre dernier, TPS et Multivision (plates-formes de télévision numérique), qui avaient porté plainte contre Canal+, ont obtenu gain de cause : le Conseil de la concurrence a condamné la chaîne à 10 millions de francs pour abus de position dominante. Le Conseil a estimé qu'elle ne devait pas assortir ses contrats de préachat de films de clauses excluant leur diffusion en "pay per view" (paiement à la séance). Canal+ a aussitôt fait appel suite à cette décision pour réclamer une demande de sursis à exécution. Mais la cour d'appel de Paris a refusé ce sursis vendredi. Son président a estimé que les raisons de cette décision sont précises, claires et dépourvues de toute ambiguïté.

    Canal+ doit désormais se plier à la sanction et cela inquiète les professionnels car la chaîne est le premier financier du cinéma français. Elle a notamment consacré 845 millions de francs en 1997 au pré-achat de 134 films, ce qui représente environ 86% des productions françaises. On comprend alors l'inquiétude des jeunes réalisateurs comme Olivier Assayas (Fin août, début septembre), ou de Sandrine Veysset (Y'aura-t-il de la neige à Noël) signataires de la lettre.

    Cette lettre a également été envoyée par les six organisations membres du Bloc (Bureau de liaison des organisations du cinéma). L'organisme n'a cependant pas voulu commenter la décision de justice, mais expliquer au Premier Ministre que la position de Canal+ n'est que le résultat des obligations qui lui ont été imposées au nom du soutien du cinéma français. Que les pouvoirs publics, qui ont longtemps défendu avec intelligence les droits spécifiques de la création, ne soient pas intervenus pour éclairer le Conseil de la concurrence sur les conséquences fatales de sa décision pour le cinéma est le signe que, pour votre gouvernement, la logique commerciale de la télévision l'emporte désormais sur la création cinématographique.

    En ne protégeant pas les droits d'exclusivité des diffuseurs qui financent le cinéma européen et français, c'est en faveur du cinéma américain que vous ouvrez la brèche.(...) Près de 200 films américains au coût moyen de 50 millions de dollars ont déferlé en 1998 sur les écrans français modernisés pour mieux accueillir ces super-productions s'exclament les signataires.

    Catherine Trautmann est quant à elle accusée de courir après un fantôme de loi. Elle a aussitôt invité les différentes parties à une négociation plus générale en vue d'actualiser les conditions juridiques et économiques de l'exploitation télévisuelle des oeuvres cinématographiques.

    Mais le Bloc n'a pas répondu à l'invitation, contrairement à l'ARP (Auteurs Réalisateurs Producteurs) et au Blic (Bureau de liaison du cinéma français). Toujours est-il que le Blic et le Bloc, ex-membre du Blic, qui multiplient les initiatives séparées, sont d'accord sur un point : Canal+ doit pouvoir revendiquer une exclusivité pendant sa fenêtre d'exploitation.

    La Ministre de la Culture s'est donc exprimée sur l'affaire mardi 23 février en compagnie des organisations professionnelles. Elle a confirmé que l'exclusivité de Canal+ existe dès qu'elle est liée à un pré-achat et qu'elle porte sur la période propre d'exploitation du diffuseur concerné. De plus, elle a affirmé avoir demandé à la chaîne cryptée de reprendre sa politique de pré-achat des films, politique qu'elle a interrompu après la sanction du Conseil de la concurrence.

    Concernant le rôle du gouvernement dans la défense du cinéma français, Catherine Trautmann a reconnu que le service public ne joue pas toujours son rôle à l'égard du cinéma, faute de moyens financiers et parfois de volonté, notamment quant à la diffusion des films français récents.

    Le ton de la Ministre est rassurant, certes, mais les signataires de la lettre vont-ils pour autant dormir sur leurs deux oreilles ? Certains, comme le président de l'Arp, Claude Miller, demandent même au réalisateurs et aux auteurs de considérer avec sérieux cette possibilité d'arrêter tout simplement de faire des films et de les célébrer (Césars ou autres) tant que des accords sérieux et pérennes ne seront pas réalisés entre les opérateurs qui, finalement, nous gouvernent. Y aura-t-il un boycott des Césars le 6 mars prochain ?

    Hier, le Premier ministre, Lionel Jospin a enfin exprimé ses réactions. Il se défend d'abandonner le cinéma français et refuse le procès d'intention intenté selon lui par les professionnels. Lionel Jospin a adressé un courrier au président de l'Union des producteurs de films Alain Terzian. Concernant le reproche fait aux pouvoirs publics de ne pas être intervenus pour éclairer le Conseil de la concurrence, Jospin explique que cette instance est un organisme indépendant.

    Cependant, il affirme que la position du gouvernement est de maintenir cette période d'exclusivité, son implication est déterminante selon lui. Mais l'Etat ne saurait négocier à la place des différentes parties prenantes. Il doit simplement accompagner ces discussions et les faciliter poursuit Lionel Jospin. Je fais pleinement confiance à la Ministre de la Culture et de la Communication pour exprimer (...) la position du gouvernement et la traduire dans les faits. Et de conclure que seul le dialogue approfondi, sachant éviter les procès d'intention, permettra d'avancer sur ces dossiers. M.L.

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