Vingt-quatre minutes suffisent à Steven Spielberg pour montrer la deuxième guerre mondiale comme Hollywood ne l'avait jamais fait: son dernier film, 'Saving Private Ryan', plonge dès le début le spectateur dans l'horreur, le carnage et le chaos. 'Je voulais parvenir à la réalité', a expliqué Steven Spielberg. 'Je voulais que les spectateurs (...) participent physiquement à l'expérience de ces soldats.' Tom Hanks, le principal acteur du film, renchérit: 'C'est horrible parce que la guerre est horrible.' Rappelant que lorsqu'il était enfant, il jouait à la guerre en sortant d'un film de guerre, Tom Hanks ajoute: 'Je ne pense pas que beaucoup d'enfants vont jouer à 'Saving Private Ryan'.
Dans une séquence d'ouverture qui dure près d'une demi-heure, Steven Spielberg dépeint, sans une seconde de répit, la lente avancée, lors du débarquement en Normandie le 6 juin 1944, d'une escouade américaine sur Omaha Beach. Sous des orages d'acier, dans un fracas assourdissant, les corps sont déchiquetés, les membres arrachés. Les hommes sont fauchés et la mer devient rouge de leur sang. Le film, qui dure près de trois heures, s'achève sur une autre longue séquence de combat, décrivant les efforts des soldats américains pour empêcher une division blindée allemande de s'emparer d'un pont dans les ruines d'un village français fictif, Ramelle. Entre ces deux morceaux de bravoure, un groupe de huit soldats américains a pour mission de récupérer derrière les lignes allemandes un simple soldat, James Ryan (interprété par Matt Damon). Ses trois frères ont été tués à quelques jours d'intervalle et l'état-major américain veut épargner sa vie.
Steven Spielberg a adopté une approche quasi documentaire pour tourner 'Saving Private Ryan', 'assumant plus le rôle d'un photographe de guerre que d'un artiste', a-t-il expliqué. Les couleurs ont été ternies et nombre de scènes ont été tournées à hauteur d'homme, la caméra à l'épaule. Le souci du réalisme a été tel que les huit principaux acteurs ont subi dix jours d'entraînement militaire intensif, sous l'autorité d'un ancien capitaine des Marines, Dale Dye, qui a aussi servi de consultant pour le tournage. S'adressant à eux uniquement avec les noms de leurs personnages, il leur a imposé des marches nocturnes dans le froid et la boue, avec 40 kg d'équipement sur le dos. Les acteurs se sont un moment mutinés contre ce traitement. Seul Tom Hanks, qui a réussi à convaincre ses camarades, souhaitait aller au bout de l'épreuve.
Les critiques américains ont généralement acclamé 'Saving Private Ryan'. Le journal spécialisé Daily Variety a salué 'un morceau étonnant de pur cinéma, qui tient d'un grand film muet, dans lequel les mots sont pour l'essentiel superflus'. L'hebdomadaire Entertainment Weekly Time a évoqué 'un chef-d'oeuvre de terreur, de chaos, de sang et de courage'.
Pour le Los Angeles Times, 'Saving Private Ryan' est autant une expérience que nous vivons qu'un film que nous regardons'. 'Ce film regarde simplement la guerre comme si elle n'avait jamais été regardée auparavant', estime le New York Times. Dans une déclaration au journal new-yorkais, le producteur du film, Ian Bryce, a reconnu qu'il n'était 'pas certain que le public soit prêt pour le genre de détails réalistes' que montre 'Saving Private Ryan'. C'est pourquoi Steven Spielberg, pour la première fois en dix-sept ans, a entrepris une tournée de promotion de son film. 'La raison pour laquelle je parcours le pays est que je veux avertir les parents et les jeunes que ce film peut ne pas être de leur goût. Je me dois de faire cela, particulièrement à cause de ses premières vingt-quatre minutes', a expliqué le metteur en scène au Los Angeles Times. Steven Spielberg se dit cependant 'optimiste' sur l'accueil du public:
'Disons que je suis aussi satisfait que je ne me suis jamais permis de l'être.'