Le Goût de la cerise du réalisateur iranien Abbas Kiarostami, Palme d'or au festival de Cannes, continue de faire des remous en Iran où il vient d'être projeté à la barbe des autorités dans une université de Téhéran. Cette initiative sans précédent a suscité la colère des autorités et le mécontentement du cinéaste, dont les interventions ont stoppé la projection d'une copie vidéo du film, a affirmé mardi le journal Akhbar. Le Goût de la cerise n'a pas encore obtenu l'autorisation d'être projeté dans les salles de cinéma en Iran, et sa projection illégale devant plusieurs centaines de spectateurs 'peut lui créer des difficultés', a ajouté le journal. Abbas Kiarostami avait reçu la Palme d'Or en mai dernier à Cannes conjointement avec le Japonais Shohei Imamura, réalisateur de 'L'anguille'. A 57 ans, Abbas Kiarostami est l'un des chefs de file d'un cinéma iranien renommé pour sa créativité en dépit d'une censure tatillonne, et son dernier film a déjà défrayé à plusieurs reprises la chronique politico-culturelle iranienne. 'Le goût de la cerise' avait été programmé in extremis à Cannes, après que les autorités iraniennes se furent dans un premier temps opposées à l'envoi des bobines en France. Un baiser de l'actrice française Catherine Deneuve à Abbas Kiarostami lors de la cérémonie de remise du prix avait également outré les milieux traditionnalistes iraniens, qui prônent une stricte séparation entre hommes et femmes en public. Selon Akhbar, l'initiative de la nouvelle 'affaire' revient au responsable d'un foyer universitaire, qui a fait coller des affiches annonçant la projection du film la semaine dernière, provoquant la ruée de centaines d'étudiants. Averti des faits, Abbas Kiarostami, qui se trouvait en voyage à l'étranger, a demandé à sa famille d'intervenir 'immédiatement' pour arrêter ces projections sauvages, selon le journal. L'intervention en catastrophe du ministère de la Culture islamique et d'un membre de la famille de M. Kiarostami a permis d'arrêter la projection après la troisième séance. Selon Akhbar, les autorités compétentes 'suivent l'affaire en faisant preuve de fermeté et veulent mettre fin à ce genre de pratiques'. Cet incident a relancé le débat sur la nécessité de respecter les droits d'auteurs, une obligation tombée en désuétude depuis la révolution islamique de 1979. 'La projection illégale de ce film montre une nouvelle fois qu'en Iran, les droits des artistes ne sont pas protégés', a écrit mardi l'éditorialiste de la page culturelle du journal Akhbar. Les autorités iraniennes imposent des critères stricts à la soixantaine de films tournés en Iran chaque année, bannissant les femmes non voilées et les plans trop rapprochés de visages féminins, toute image d'un contact physique entre hommes et femmes, ou encore toute critique même indirecte de la religion. Le nouveau responsable du secteur cinématographique en Iran, Seifollah Dad, a appelé récemment à desserrer l'étau autour du 7ème art en Iran et à oeuvrer pour lever l'embargo imposé à certains films. (AFP)
Remous autour de projections sauvages du film lauréat du festival de Cannes